Togo, Le piège de l’argent frais chinois : Des conditions de travail « spéciales » aux travailleurs, une possible perte d’actifs…

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Togo, Le piège de l’argent frais chinois : Des conditions de travail « spéciales » aux travailleurs, une possible perte d’actifs…

Comment le Togo qui est déjà en programme avec le Fonds monétaire international (FMI) pourra-t-il rembourser des prêts chinois quand la mobilisation des ressources en interne pose des problèmes ? Il a suffi du sommet Chine-Afrique pour que les autorités togolaises donnent l’impression que désormais, le Togo va se développer. Mais à quel prix ? Il suffit d’autopsier ce qui se passe ailleurs pour comprendre que ça peut être reproduit ici. Mieux, sur le terrain, les entreprises chinoises ne sont pas des parangons de vertu en matière de traitement décent des travailleurs au Togo. Encore moins dans la qualité des infrastructures.

Le voyage de Faure Gnassingbé en Chine aurait-il scellé le sort des employés togolais évoluant dans les entreprises chinoises ? Cette interrogation tient du fait que depuis le fameux forum Chine-Afrique, les autorités ont l’air de faire croire qu’avec l’Empire du Milieu, le décollage du Togo est sur le bon aérodrome qu’est la Chine. Or, des événements récents qui continuent de courir montrent qu’avec ce partenaire, les citoyens togolais qui veulent collaborer avec des entreprises chinoises devront mettre une croix sur des termes comme « droits des travailleurs », « valorisation du travail », ou encore « respect des obligations de l’employeur ».

CRBC ou le déni des droits des travailleurs payés en dessous du SMIG

Janvier 2018, siège de l’entreprise China Road and Bridge Corporation (CRBC). Des conducteurs de grader pointés à 415 F l’heure, des chauffeurs de camions lourds payés à 360 F par heure, des mécaniciens réparateurs des gros camions payés à 231 F l’heure, des manœuvres travaillant à 201 F l’heure et d’autres situations toutes plus misérables les unes que les autres, tels étaient les taux horaires payés par cette entreprise qui n’est plus à présenter. Que ce soient les contournements de Défalé ou d’Aledjo, le Grand contournement de Lomé, la route Lomé-Vogan-Anfoin, la voie allant du terrain de golf d’Agoè jusqu’à Davie, le tronçon à Avepozo et d’autres chantiers dont l’énumération serait trop fastidieuse, les entreprises chinoises raflent les marchés et exploitent la main-d’œuvre taillable et corvéable contre un minimum très souvent en dessous du minimum fixé par le code du travail au Togo. Alors que dans le même temps, des sociétés concurrentes exerçant dans le même domaine proposent de meilleures conditions à leurs employés. En janvier 2018 donc, nombreux étaient les employés qui étaient payés en dessous du SMIG.

A CRBC, nous avons appris que, contrairement à tout chantier exécuté au profit de l’Etat togolais et qui requiert de la part de celui-ci, la désignation d’une mission de contrôle devant suivre tout chantier de quelqu’attributaire que ce soit, seules les analyses de laboratoire de cette entreprise font foi. Et les autorités togolaises, plus précisément le ministre des Infrastructures – Ninsao Gnofam– plus préoccupé par autre chose que par la qualité des ouvrages, brille par son silence sur cet état de chose. Si une entreprise de la taille de CRBC foule aux pieds les lois, pourquoi celles que Faure Gnassingbé invite à venir investir au Togo n’emprunteraient pas le même chemin de l’exploitation de l’homme par l’homme ? Mais il n’y a pas qu’en interne que le risque d’immixtion de la Chine en Afrique est grand.

Défaut de payement de la dette : l’aéroport de la Zambie passe sous contrôle chinois

On apprend que la Zambie serait en pourparlers avec la Chine pour la cession de sa principale compagnie d’électricité ZEWASCO, après avoir échoué à rembourser son prêt. Selon un rapport d’Africa Confidential intitulé Bills, Bonds et même Bigger Debts, la Zambie risquerait de perdre sa souveraineté vis-à-vis de la Chine, qui est tenue de saisir ses avoirs nationaux une fois que le gouvernement aura fait défaut dans le règlement de sa dette.

Si la Zambie en est arrivé à tomber dans le piège de la dette avec la Chine, c’est certainement la conséquence d’une illusion qui aurait fait croire à ses dirigeants –qui ont entre-temps oublié que le pays avait déjà un passif non négligeable à apurer avec d’autres bailleurs- qu’avec l’Empire du milieu, elle ferait un miracle et que ses recettes devant lui permettre de payer ses dettes prendraient de l’envol. Seulement, la réalité a vite fait de les rattraper. Ou plutôt de rattraper le contribuable qui reste le plus grand perdant dans ce deal à cons.

Des devises, la Chine en dispose à portée de main. Et ce ne sont pas les 60 milliards de dollars qu’elle se propose d’injecter en Afrique qui risquent de faire trembler son économie. Puisque la Chine dispose d’au moins 3.140 milliards de dollars de devises. Les nouveaux 60 milliards de dollars comprendront une aide de 15 milliards de dollars, des prêts sans intérêt et des prêts concessionnels, une ligne de crédit de 20 milliards de dollars, un fonds spécial de 10 milliards de dollars pour le développement Chine-Afrique et un fonds spécial de 5 milliards de dollars pour les importations en provenance d’Afrique. Les entreprises chinoises seront encouragées à investir au moins 10 milliards de dollars sur le continent au cours des trois prochaines années.

Comment le Togo remboursera-t-il sa dette chinoise ?

Beaucoup se focalisent sur les prêts à venir. Oubliant ceux déjà contractés et sur lesquels l’État togolais garde le plus grand silence. Aérogare, Adjarala ou le barrage fictif pour lequel Faure Gnassingbé a été prendre 36 milliards FCFA, pour ne citer que ceux-là. Or, les trois moyens par lesquels tout État finance son économie sont : les ressources minières, les impôts et les emprunts. Au Togo, les ressources minières sont très mal gérées pour en espérer des dividendes qui puissent servir à financer la dette. Les emprunts sans ressources sont suicidaires. Ne reste plus que la mobilisation des recettes fiscales qui est malheureusement loin d’être optimale. Le dernier rapport CPIA portant sur l’évaluation des politiques et des institutions nationales publié la semaine dernière révèle qu’en matière de politique et gestion de la dette, de qualité de la gestion budgétaire et financière, et d’efficience de la mobilisation des recettes, le pays a encore du chemin à faire, car loin des moyennes africaines dans ces trois domaines. Comment alors remboursera-t-on la dette pour ne pas suivre l’exemple zambien ?

« La principale préoccupation du FMI et des États-Unis est que la stratégie de la BRI en Chine consiste d’abord à encourager l’endettement, puis à reprendre les actifs nationaux stratégiques lorsque les débiteurs sont en défaut de remboursement » , préviennent des économistes. Pourvu que le Togo ne soit pas obligé dans les années à venir de céder des actifs de souveraineté, à l’instar de la Zambie.

Abbé Faria

Source : Liberté

27Avril.com