Vendredi 26 avril 2019, Faure Gnassingbé a surpris son monde, en allant faire à l’Assemblée nationale ce qui est présenté comme l’état de la nation. Mais en réalité, il s’était plutôt agi d’un show devant des godillots. Dans le fond, difficile de trouver ce fameux état de la nation. La star du jour était simplement dans une dynamique d’opération de charme…
Sur la forme
Avec cette allocution devant l’Assemblée nationale, Faure Gnassingbé est presque célébré en héros, couvert de lauriers par ses griots qui ne tarissent pas de superlatifs pour l’exalter. Mais ce n’est pas en réalité une magnanimité du « Prince », mais une obligation de la Constitution – article 74 – de venir faire chaque année devant l’Assemblée nationale, l’état de la nation. Faure Gnassingbé, parachuté au pouvoir en 2005, ne s’est malheureusement pas fait violence pour se conformer à cette disposition, sauf une fois au début de son règne en 2006. Vendredi 26 avril dernier était simplement la seconde.
Cela ne devrait pas sauter aux yeux du commun des citoyens ; dans cet exercice, il est constant que Faure Gnassingbé choisit ses Assemblées nationales. Il s’agit des législatures acquises à sa cause. En 2006, c’était à l’époque de ce qui était caricaturé d’Assemblée « mouton », celle issue des législatives de 1999 boycottées par l’opposition et remplie d’élus du RPT et de quelques autres partis béquilles. Cette fois, c’est une Assemblée de députés « nommés », avec les législatives du 20 décembre 2018 auxquelles n’a pas concouru des candidats de la Coalition de l’opposition. Entre-temps il y a eu deux législatures, 2007-2013, puis 2013-2018 où l’opposition véritable était représentée. Mais Faure Gnassingbé n’a jamais mis pied durant ces dix années à l’Assemblée pour faire cet état de la nation. Certains relèvent qu’en fait, il est allergiques aux critiques et ne voudrait pas se présenter devant une Assemblée où il affronterait des regards lugubres d’élus de l’opposition qui se moqueraient même de lui ou le hueraient, comme on le voit sous d’autres, cieux faire humilier…
Le commun des observateurs s’attendait à un véritable état de la nation, comme annoncé. Cet exercice, à l’instar de ce que font d’autres dirigeants, devrait être une sorte de bilan annuel de sa gouvernance. Comment se porte la démocratie au Togo ? Quel est l’état des droits de l’homme, de la Justice, des libertés publiques ? Les institutions de la Républiques fonctionnent-elles bien ? La sécurité des populations est-elle assurée ? Quel est l’état de l’économie, des finances publiques, de la dette publique ? Quid des relations diplomatiques ? Quelle perception les Togolais ont-ils de la gouvernance et de leurs dirigeants? Quid de la situation dans les écoles, dans les hôpitaux ? Le pouvoir d’achat des populations s’est-il amélioré ou dégradé durant l’exercice ? Les richesses nationales sont-elles équitablement réparties ? Quid de la situation de l’emploi et de la proportion du chômage ?…C’est à ces problématiques que devrait répondre le speech de Faure Gnassingbé. Dans son cas particulier où il a manqué à cet exercice depuis treize (13) ans, son état de la nation devrait même prendre en compte toutes ces années. Mais le commun des citoyens n’a pas eu de réponses à ces questions pertinentes.
En lieu et place d’un véritable état de la nation, on a plutôt assisté à une opération de séduction à des fins électoralistes… C’était plutôt un show devant des copains, comme on le voit lors des soirées organisées entre amis à l’occasion d’anniversaires, mieux, un one-man-show devant des godillots. Ce sont des députés tout conquis que l’on a vus ce vendredi, pendant le discours de leur « employeur », acquiesçant presque de la tête à chaque phrase égrainée. Le plus cocasse, au terme de son allocution, c’est un tonnerre d’applaudissements qui a suivi, puis une litanie d’«atalakou » (louanges) de la présidente de l’Assemblée Yawa Tségan qui a fondu en remerciements à l’égard du « Prince »… Des faits qui attestent simplement la subordination de cette législature à l’Exécutif…
Contenu archi-pauvre
On le relevait déjà, ce discours était tout sauf un état de la nation. On pouvait encore s’en délecter si le contenu était acceptable. Mais il est d’une pauvreté et d’une platitude révoltantes. Rien à se mettre sous la dent. Du simple rechauffé en fait de ce qu’on a toujours entendu.
Cette allocution étant faite, dans le cadre de la célébration du 59e anniversaire de l’indépendance du Togo, la norme aurait voulu que les héros ou martyrs de la lutte pour l’accession du Togo à la souveraineté internationale soient honorés. Mais la star du jour à l’Assemblée « UNIRcolore » n’a fait qu’un clin d’œil furtif à Sylvanus Olympio, cité une fois dans son discours. Quant à ses camardes de lutte, à l’instar de Pa Augustino de Souza, Amouzou Franklin dit « Piam Piam » et autres, ils ont été royalement oubliés. Par contre Faure Gnassingbé a été assez inspiré quand il s’est agi de caresser son faire-valoir Gilchrist Olympio. « Je salue à cet égard, M. Gilchrist Olympio, chef de file de l’opposition, dont la présence en ces lieux nous rappelle que les acteurs politiques peuvent et doivent transcender l’approche antagoniste pour se retrouver -dans la complémentarité- au service de la patrie. Je voudrais lui rendre hommage pour son engagement républicain et son sens élevé de la patrie », a-t-il dit.
Comme il fallait s’y attendre, les Togolais ont eu droit à une dose de plus sur le Plan national de développement (PND). « Au-delà du secteur privé et de l’administration publique, le PND a besoin de nous tous. De notre adhésion. De notre confiance et de notre engagement. Faisons de cet outil une entreprise collective, vecteur d’un nouvel élan pour l’édification de notre destinée commune », en a-t-il appelé. Certains observateurs croient dur comme fer que c’est en fait le sujet qui l’a conduit devant les députés vendredi.
Le « Prince » était dans une sorte d’autosatisfecit de sa gouvernance, ressassant les morceaux traditionnels d’inclusion financière, de développement des infrastructures socio-économiques, des marchés publics offerts aux jeunes, etc., se tissant presque des lauriers. « Nos populations -à l’instar de celles des autres pays- sont actuellement sujettes à des questionnements touchant aux conditions de vie, à la persistance des difficultés économiques, à l’horizon qui semble ne plus annoncer des lendemains meilleurs. C’est la raison pour laquelle la dimension sociale est intégrée comme une priorité absolue à l’action de mon gouvernement. Par essence, la République se tient aux côtés des plus vulnérables ; Pour leur offrir l’appui nécessaire à leur subsistance, mais surtout pour les conduire -progressivement- à se libérer de l’emprise de la pauvreté et à devenir eux-mêmes des acteurs de développement. Plusieurs programmes sont ainsi mis en œuvre, comme celui des filets sociaux et services de base que nous avons étendu il y a quelques jours à de nombreux ménages issus des cantons les plus défavorisés du Togo. Par le renforcement de ces mécanismes d’inclusion, la solidarité nationale se portera vers tous les citoyens ; Elle ira à la rencontre des plus fragiles ; Elle les prendra par la main pour réduire les disparités et pour resserrer les liens entre les Togolais», a chanté Faure Gnassingbé.
Manifestement, Faure Gnassingbé était plus dans la drague à des fins électoralistes, et il a fondu en annonces et promesses séduisantes : « La part réservée aux jeunes et femmes entrepreneurs dans les attributions de marchés publics sera désormais portée à 25% » ; « En matière sociale, la priorité de l’emploi et l’accompagnement des populations les plus vulnérables seront poursuivis en même temps que l’extension de la protection sociale. Nous insisterons sur le renforcement des mécanismes d’inclusion » ; « J’ai instruit le gouvernement de prendre en compte -dans le cadre du prochain budget- les préoccupations visant à améliorer le pouvoir d’achat, à travers la revalorisation -dès janvier 2020- de la valeur indiciaire à hauteur de 5%. Dans la même dynamique, le gouvernement intensifiera les consultations et engagera les études actuarielles nécessaires pour la reprise -toujours dès janvier 2020- de l’allocation de départ à la retraite, d’une façon soutenable et compatible avec la poursuite des efforts d’assainissement de nos finances publiques. De plus, les dispositions sont d’ores et déjà prises pour la construction de deux locaux qui seront mis à la disposition des associations pour servir de maisons des retraités ».
Une fois n’est pas de coutume, Faure Gnassingbé semble désormais disposé à faire déclarer par les gouvernants leurs biens. Il annonce qu’« un projet de loi organique sera soumis à l’Assemblée nationale pour déterminer les conditions de mise en œuvre de la déclaration des biens et avoirs prévue par la Constitution ». Par ailleurs, il veut être attentif à la protection des libertés…
Son discours, au demeurant, n’est qu’un copier-coller ou un réchauffé habile de ce qu’on a toujours entendu. Le reste n’aura été que tentative de séduction… Faure Gnassingbé ne s’est visiblement pas donné la peine de se présenter ce vendredi devant ses députés nommés pour le plaisir de faire l’état de la nation à son bétail électoral, mais pour les draguer à des fins électorales…
Tino Kossi/Source : Liberté No.2910 du 29 avril 2019
Source : www.icilome.com
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