Togo : Le droit de tuer, sur instructions personnelles de Faure Gnassingbé

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« Tout pouvoir est violence » – Gilles Amer

Depuis le début de la crise, nous en avons vu et entendu, des vertes et des pas mûres ; des nébuleuses islamistes et terroristes aux réseaux antisémites brandis comme les soutiens de l’ombre de Tikpi Atchadam. Ces théories ont prospéré effectivement le temps d’un temps, dans certains milieux réputés trop crédules, naïfs, peuplés de nains politiques.

Mais, le temps d’un temps seulement, car de telles théories sorties de certains laboratoires d’idées sournoises et sulfureuses manquaient de solidité. Nul ne pouvait imaginer le Chef de l’Etat en train de les relayer et les reprendre à son compte. En psychologie, cette pathologie consiste à se donner l’illusion de gérer des problèmes dont on est la source en les déplaçant vers autrui, l’objectif étant in fine de diaboliser l’autre et de s’enfermer soi-même dans une sorte d’angélisme. Faure Gnassingbé, à l’analyse de son discours de samedi dernier prononcé au Camp de Témédja à Atakpamé, se montre un maître incontesté en la matière. Dans une rhétorique de fermeté, il désigne la coalition des 14 comme responsable de la crise et de tout son corollaire de morts dont surtout les deux militaires assassinés, selon les discours officiels, par un groupe armé apparenté au PNP. Est-il encore besoin ici de consacrer de longs développements à la responsabilité de Faure Gnassingbé dans cette crise qui s’enlise au jour le jour ?

Une chose est sûre, pour communiquer sur la crise, il sait bien choisir son auditoire : d’abord devant ses militants au tout premier congrès de son parti UNIR, ensuite face aux F.A.T qui se comportent de tout temps comme sa garde rapprochée. Et plusieurs années après avoir déclaré : « Plus jamais ça sur la Terre de nos Aïeux ! », ironie du sort, toujours à Atakpamé, dans la région des Plateaux, le voilà qui prononce cette fois-ci un discours va-t-en-guerre et instrumentalise à souhait les meurtres présumés de deux militaires. Dans son pays, il semble y avoir des gens qui sont des souffre-douleur nés. Les tuer, les assassiner, les contraindre à l’exil ou à fuir leurs domiciles pour vivre reclus dans la brousse, c’est rendre service à la nation. D’autres en revanche sont des citoyens à part entière, ses filleuls ; et lorsque le moindre mal leur arrive, tout l’appareil d’Etat doit être mobilisé pour traquer leurs supposés malfaiteurs.

Donc toute la barbarie dont les militaires ont fait la démonstration depuis le début de cette crise, surtout les 07, 08, 09 novembre derniers à Bafilo et Sokodé reçoit, et c’est peu de le dire ainsi, la caution morale du Sommet de l’Etat togolais, Faure Gnassingbé himself. En réalité, il en est l’unique commanditaire, et c’est extrêmement scandaleux que le Chef de l’Etat gère le pays sur fond de divisions et de haine entre l’armée et la nation. Osons le dire, à Témédja, Faure Gnassingbé a octroyé, sinon reconnu le droit de tuer aux Forces Armées Togolaises. Après toutes les atrocités commises par les forces de sécurité et de défense depuis le début de cette crise, l’heure est-elle à des discours de cette nature, surtout lorsqu’on prétend tendre la main à l’adversaire ? La coalition des 14 serait-elle un relais de réseaux terroristes ? Que de crimes risquent à l’avenir d’être commis au nom de la lutte antiterroriste…Ce discours de Faure Gnassingbé, c’est sans doute la porte ouverte à tous les excès de la part des militaires dont les faits d’armes ne sont un secret pour personne.

Au final, ce discours ne sonne-t-il pas la fin prématurée d’un dialogue dont nul ne connait les contours ? La seule certitude pour l’heure, c’est que l’horizon sociopolitique togolais s’assombrit davantage.

Meursault A.

Source : Liberté

27Avril.com