La nomination surprise de Monsieur Joseph Koamy Gloékpo Gomado, membre et maire du Golfe 1 de l’ANC, au sein du nouveau gouvernement togolais, dit de transition, fait couler beaucoup d’encre et de salive depuis plusieurs semaines . En effet, les premiers responsables du parti orange, une formation politique influente au sein de l’opposition togolaise, n’avaient rien vu venir quand l’intéressé, aujourd’hui ministre, préparait son coup. En d’autres termes, Monsieur Jean-Pierre Fabre et ses proches collaborateurs n’avaient vu que du feu et tombaient complètement des nues à la publication de la liste des membres du fameux gouvernement de Madame Tomégah Dogbé. Ce débauchage de Monsieur Gomado d’une formation politique de l’opposition, ANC, des responsables du régime Gnassingbé pour en faire leur ministre, n’est pas innocent et trahit une fois encore cette insatiable soif du pouvoir pour laquelle Faure Gnassingbé et ses amis ne reculent devant aucune monstruosité.
En lisant et en écoutant ici et là, nous arrivons à la conclusion que non seulement le Sieur Gomado passe aujourd’hui pour être une personnalité qui a renié ses principes en acceptant de rejoindre, avec armes et bagages, le régime qu’il prétendait combattre en tant qu’opposant, mais plus grave, il semble faire un dangereux amalgame entre conviction politique et appartenance communautaire, ou même communautariste. En effet, selon l’avis des uns et des autres, aussi bien au pays que dans la diaspora, Monsieur Joseph Koamy Gloékpo Gomado en décidant, en son âme et conscience, de trahir son parti politique d’origine et l’opposition, aurait préféré mettre en avant les intérêts de sa communauté d’origine, au lieu de rester fidèle à ses convictions politiques. Nous savons que le régime des Gnassingbé, depuis Éyadéma jusqu’à Faure, semble avoir pris en son compte le triste slogan «diviser pour règner» pour opposer les Togolais les uns contre les autres, pour diviser les partis de l’opposition et semer la zizanie en leur sein. Et les raisons de l’échec des différents regroupements de l’opposition togolaise, depuis les années ’90 jusqu’à nos jours, sont certes imputables aux comportements des opposants eux-mêmes, mais l’essentiel des coups bas, dont certains allèrent jusqu’aux crimes de sang, était l’oeuvre des tenants du pouvoir Gnassingbé.
Et aujourd’hui encore Faure Gnassingbé et son entourage vont plus loin que ne l’avait fait Éyadéma, en embrigadant les chefs communautaires ou traditionnels qui sont devenus plus manipulables et corruptibles. Si ce que nous apprenons sur le comportement des responsables communautaires d’où Monsieur Gomado est originaire, est vrai, comportement qui aurait joué un grand rôle dans la décision de l’intéressé à trahir son parti politique, alors le régime de Faure Gnassingbé est entrain, si ce n’est déjà fait, d’amener notre pays sur une pente dangereuse. En effet, selon les propos tenus sur les réseaux sociaux par notre ami et compatriote journaliste en exil, Ferdinand Ayité, les chefs de la communauté Bè auraient encouragé «leur frère» ou «leur fils» à rejoindre le gouvernement du régime que sa formation politique combat en tant que parti de l’opposition. Certains résultats au cours des dernières élections municipales auraient été manipulés dans certaines communes, sur la même base communautariste, pour faire voter des maires UNIR, alors que les candidats de l’opposition avaient de l’avance.
Un véritable cafouillage qui pose beaucoup de questions quant à l’intention réelle des responsables de la Communauté Bè vis-à-vis du régime de dictature togolais. Cherchent-ils à nous ramener à quelques décennies en arrière, où la mode, pour se faire aimer par le dictateur, consistait à organiser des marches de soutien pour remercier le timonier pour avoir, par exemple, nommé une personnalité de la région à un poste de responsabilité? Tous les Togolais, du nord au sud, de l’est à l’ouest, sont convaincus du caractère inhumain du régime de notre pays, et la communauté Bè fut de tout temps, depuis le début de la lutte pour la démocratisation au Togo, la plus grande pourvoyeuse de manifestants et par conséquent l’une des communautés ayant payé le plus lourd tribut en termes de victimes. Qui peut oublier les massacres de la lagune de Bè en avril 1991? Un tel comportement ou une telle mentalité qui, malheureusement n’est pas forcément unique et exclusif à la communauté Bè, se retrouve presque de la même façon au sein des communautés à l’intérieur du pays. Les chefs de village, de canton ou traditionnels sont manipulés, corrompus, pendant surtout les périodes électorales, pour battre campagne et faire voter pour le parti au pouvoir, pendant que les candidats de l’opposition sont intimidés, voire menacés dans leur tentative de faire passer leur message aux populations.
Que deviennent alors notre conviction politique et notre engagement pour la fin de la dictature, si certains d’entre nous sont prêts à facilement céder, oubliant leur couleur politique et le serment tacite qu’ils ont prêté devant le peuple, pour obéïr aux desiderata des chefs de leur communauté? Pour revenir au cas concernant le comportement de Monsieur Gomado, selon toujours Ferdinand Ayité, il serait depuis longtemps en contact avec certains caciques du pouvoir RPT-UNIR. C’est pourquoi beaucoup ne sont pas loin de le taxer de taupe au sein de l’ANC qui attendait son heure pour passer chez l’adversaire. Et il serait encore plus triste et regrettable si le volet communautariste avait dû vraiment jouer un rôle dans la décision de l’intéressé. L’opposition togolaise, les Togolais dans leur ensemble n’ont vraiment pas besoin de ça en ce moment crucial de la lutte, où la priorité devrait être l’entente, sans repli ethnique ni communautaire, entre les vrais partis de l’opposition pour trouver une stratégie qui mettrait fin au régime de dictature de Faure Gnassingbé.
Samari Tchadjobo
Allemagne
Source : 27Avril.com