La semaine dernière, le ministère gabonais de l’Economie, rélayé par des confrères en ligne, a révélé dans un document que le Togo fait partie de ses fournisseurs de gas-oil. Une information qui remet sur le tapis la question de la production clandestine de l’or noir au Togo. Une polémique que les autorités togolaises ont toujours bottée en touche jusqu’ici. La dernière remonte à Janvier 2018.
Le Togo fournit du gazole au Gabon
Selon les données compilées du ministère gabonais de l’économie, au cours du premier semestre de l’année en cours, le Gabon a acquis pour 390,4 milliards de Fcfa de marchandises auprès de ces fournisseurs. Si la France demeure le principal partenaire à l’achat du Gabon avec 102,6 milliards de Fcfa, le Togo n’est, cette année, pas en reste avec pas moins de 7,7 milliards de Fcfa d’achats du Gabon. Les échanges commerciaux sont liés en grande partie à l’achat de gazole.
A en croire les médias gabonais, 14ème il y a à peine un an, le Togo a su tirer son épingle du jeu parmi les principaux fournisseurs du Gabon, pour en devenir le 4ème au cours de cette année. Bien que les achats du Gabon en provenance du pays des « Eperviers » portent essentiellement sur le gazole, c’est une belle prouesse réalisée par ce pays.
En outre, avec ce quatrième rang parmi les fournisseurs du Gabon, le Togo avec ses 7,7 milliards de Fcfa, se classe juste derrière les partenaires de premier plan du Gabon que sont la France (102,6 milliards de Fcfa), la Belgique (37,08 milliards de Fcfa), et la Chine (35,2 milliards de Fcfa). Cette information remet encore une fois en cause la version des autorités togolaises qui tambourinent que le pays n’est pas producteur de pétrole.
Une piste explorée par les confreres de Gabonnews
Il reste que la Société nationale du pétrole du Nigéria (Nigerian National Petroleum Corporation – NNPC) a reconnu le Togo comme l’un des plus importants clients du Nigéria. Le pétrole raffiné en provenance de ce pays pourrait donc être revendu. Le NNPC indique d’ailleurs que Lagos débourse près de 500 milliards de francs CFA chaque année pour subventionner la consommation locale du carburant dont plus du 1/3 est vendu au Niger, au Bénin, au Cameroun, au Tchad et au Togo par la contrebande.
Mais, le pétrole pouvant être exporté au Gabon pourrait surtout provenir du gros trafic qui s’effectue tous les jours dans l’offshore togolais où a lieu tous les jours un ballet de pétroliers en provenance de l’Europe du Nord-Ouest, surtout de la zone Amsterdam-Rotterdam-Antwerp (ARA). Ces tankers viennent y écouler du pétrole dans une sorte de marché noir. Les produits se transfèrent d’un navire à un autre dans une opération dénommée «de navire à navire» (ship-to-ship, STS). Un rapport de l’ONG suisse Public Eye indique que le Togo importe plus de carburant qu’il n’en a besoin et qu’il sert de transit vers d’autres pays.
De la rumeur à la clameur ?
Jusque-là, ceux qui affirment que le Togo produit du pétrole se basent sur des confidences et des données géographiques dont la verification exige des moyens colossaux. En 2012 par exemple, nos confrères du site ladepechedabidjan.info écrivait que : « d’après des sources confidentielles, les ingénieurs opérant sur la plateforme située à 35 km des côtes togolaises, plateforme sur laquelle un travail de forage en eaux profondes a été entrepris depuis des années, commencent à livrer les résultats des forages de puits. Et selon ces résultats, il y a effectivement présence de quantités considérables de pétrole. Pour l’heure, nous n’avons pas réussi à en savoir davantage car, il nous a été rapporté que tout est verrouillé à ce propos quitte à annoncer la bonne nouvelle aux Togolais dans les prochains mois. L’on parle du début 2013 pour le démarrage de l’exploitation proprement dite de l’or noir togolais. Mais au même moment, d’autres sources indiquent que l’extraction de ce pétrole a déjà commencé et que consigne est donnée de ne point divulguer l’information pour le moment ».
Il y a presque un an, une autre information a soutenue l’hypothèse d’une production du pétrole par le Togo. En effet, publié en octobre 2017, le rapport annuel 2016 de la Zone franc réalisé par la Banque de France a, à la page 231 consacrée au Togo, fait état de la production par le pays d’or et de pétrole. Un tableau intitulé «Principales productions extractives » montre une évolution à la hausse de la production. Pour le pétrole, celle-ci passe de 9,1 millions de barils en 2013 à 15,4 millions en 2016. Pour l’or, le pays est crédité d’une production de 15 500 tonnes en 2013, et de 25 100 tonnes en 2016. Le tableau précise que les chiffres sont « provisoires » et présente ces chiffres comme provenant des données de la BCEAO.
L’affaire a fait les choux gras de la presse togolaise en janvier dernier, lorsqu’un économiste a publié un communiqué, rappelant les chiffres de la Banque de France. « En terme de montant, en pondérant les quantités produites avec les prix moyens annuels du baril, le Togo a enregistré 2 791 002 946 dollars soit 1 535 051 620 300 FCFA. Un jour, nous saurons si ces ressources atterrissent au Trésor national », a indiqué Thomas Dodji Nettey Koumou, dans un texte paru le 2 janvier 2018, qui a fait le tour des réseaux sociaux togolais.
Quelques jours plus tard, le Directeur national pour le Togo de la BCEAO, Kossi Tenou a tenu à clarifier l’information concernant la production de pétrole par le Togo. Pour la BCEAO, le rapport annuel de la Zone franc publié par la Banque de France contient une erreur de « reporting » dans la monographie économique du Togo. « Les données attribuées au Togo, relatives à la production de pétrole, sont plutôt les statistiques sur la Côte d’ivoire Il en est de même des chiffres sur les principales productions agricoles vivrières et d’exportation, qui sont également ceux portant sur la Côte d’ivoire », a relevé Kossi Tenou. Pour l’institution financière, il s’agit des tableaux sur les principales productions ivoiriennes de pétrole, de cultures vivrières et d’exportation qui ont été, par erreur, reportés dans la partie du rapport portant sur la monographie économique du Togo. « Au demeurant, aucune information disponible à la BCEAO ne permet d’attester que le pétrole est produit au Togo. La Banque centrale dément donc fermement être la source de l’information relative à la production de pétrole par le Togo », a-t-il dit.
Dans son rapport de 2014, l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) a cité l’entreprise ENI, une société italienne privée d’hydrocarbure comme exploitant le pétrole mais ayant comme activité au Togo, les hydrocarbures. Remarque importante : parfois les exploitants d’hydrocarbure peut être aussi pompés du pétrole puisqu’ils possèdent les moyens techniques en la matière. Et justement, l’entreprise ENI possède plusieurs gisements pétroliers en Afrique notamment en Libye.
Il n’y a pas de fumée sans feu diront certains. Petit à petit, ce qui est considéré comme une rumeur se transforme en clameur. L’opacité qui entoure la polémique sur la production pétrolière au Togo est en train de s’effriter. Aujourd’hui plus que jamais, le pouvoir de Lomé doit dire la vérité sur cette question avant que les citoyens ne la découvrent eux-mêmes.
Koffi Miboussomékpo
Source : Fraternité
27Avril.com