Togo : La loi du plus « Faure »

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« Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice » (Montesquieu)

« La raison du plus fort est toujours la meilleure », écrivait Jean de La Fontaine dans la fable « Le loup et l’agneau ». Pour le poète français, le vainqueur dans un débat ou dans un conflit est toujours celui qui, par nature, est le plus fort ; quel que soit le bien-fondé des arguments de son adversaire, il aura raison de lui et arrivera à ses fins. Cette assertion est assez illustrative de la situation politique au Togo où l’opposition, quelle que soit la pertinence de ses arguments, n’a jamais eu raison devant le régime de Faure Gnassingbé.

Depuis quelques semaines, un bras de fer oppose le ministre de l’Administration territoriale, de la décentralisation et du développement des territoires à la commune Golfe 4 à propos de l’adressage des rues. En avril dernier, la mairie du Golfe 4 avait changé les noms de certaines artères de la commune. Cette décision de la municipalité de rebaptiser les rues de son ressort territorial avait mis dans tous ses états, le ministre Payadowa Boukpessi qui avait bloqué la mesure.

Mais la commune du Golfe 4, loin de se décourager, est revenue à la charge et a changé fin juin, les noms d’une centaine de rues. « Suite à l’accueil très favorable réservé par les populations à la délibération votée par le conseil municipal, et aux vœux des populations de voir tous les quartiers de la Commune du Golfe 4 bénéficier d’une telle décision destinée à corriger et à poursuivre l’adressage entrepris par l’ancienne commune de Lomé, il s’avère nécessaire de poursuivre et d’achever sur tout le territoire communal l’opération d’adressage débutée par le Conseil Municipal », a expliqué Jean-Pierre Fabre, maire du Golfe 4.

Au sein du régime, c’est le branle-bas de combat. D’abord, le 1er juillet l’Assemblée nationale s’est réunie urgemment pour adopter la loi portant modification de la relative à la décentralisation et aux libertés locales. Les maires de Lomé ont été dépossédés de la compétence de changer des noms des rues au profit du District autonome du Grand Lomé (DAGL), seul habilité à procéder à l’adressage des rues.

Une semaine plus tard, le 7 juillet, c’est le gouvernement qui, à son tour, enfonce le clou en adoptant un projet de décret en conseil des ministres portant sur « la procédure à observer pour l’adressage des voies par les collectivités territoriales ». Ainsi le régime a décidé d’ôter les prérogatives aux communes de Lomé de changer les noms des rues. Cependant, les communes de l’intérieur du pays peuvent faire l’adressage en compétence partagée avec le gouvernement.

Les juristes soutiennent que la règle de droit est générale et impersonnelle. En ce sens que la loi n’est pas édictée pour une personne précise. La règle de droit concerne chacun et ne désigne personne en particulier, de manière nominative. Pourtant, c’est tout le contraire qu’on observe dans notre pays. La question que naturellement beaucoup se posent est si la loi au Togo serait brutalement devenue personnelle et rétroactive.

En 2019 pourtant, lors de l’adoption de la loi sur la limitation des mandats présidentiels, les députés épaulés par la horde de juristes maison, ont soutenu bec et ongle que la loi n’est pas rétroactive. «Les mandats déjà réalisés et ceux qui sont en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente loi constitutionnelle ne sont pas pris en compte dans le décompte du nombre de mandat pour l’application des dispositions des articles 52 et 59 relatives à la limitation du nombre des mandats », avaient-ils notifié.

Mais pourquoi quand il s’agit des faits concernant l’opposition, la loi devient subitement personnelle et rétroactive ? Ceux qui ont défendu la non rétroactivité de la loi lorsqu’il s’agissait des mandats présidentiels sont les mêmes aujourd’hui défendent la rétroactivité. Ainsi va le Togo sous Faure Gnassingbé !

Médard Ametepe

Source : Liberté /libertetogo.info

Source : 27Avril.com