Un régime qui cherche des artifices pour conserver le pouvoir a toujours commis des gaffes. Aveuglé par ce désir malsain de conservation du pouvoir à tout prix, les raisonnements logiques à travers lesquels les uns et les autres tentent de le détourner de la mauvaise voie sont perçus comme des idées destinées à le détruire. C’est en fait la paranoïa qui s’empare de la plupart de ces dictatures qui n’ont en tête que de demeurer au pouvoir.
Le régime de Faure Gnassingbé aurait écouté les organisations de la société civile, certains partis de l’opposition ou encore des observateurs de la vie politique du Togo qu’il ne se ferait pas aujourd’hui couvrir de honte par cette interpellation de l’Organisation des Nations Unies qui lui demande de revoir le projet de loi sur les libertés de réunion et de manifestations publiques pacifiques. Mais mieux vaut tard que jamais. Le clan au pouvoir et les alliés qu’il a trouvés le 20 décembre dernier, peuvent encore revenir en arrière et faire les choses selon les principes démocratiques mondialement reconnus.
En effet, la loi sur les libertés de réunion et de manifestations votée et adoptée par les députés à l’Assemblée nationale le mercredi 7 août dernier passe mal à l’ONU. C’est une loi anti-démocratique qui viole les instruments de droits de l’homme ratifiés par le Togo sur le plan international. Les rapporteurs de l’ONU ont relevé plusieurs incongruités. Ils pointent surtout du doigt les articles 9, 10 et 17 de la nouvelle loi sur l’exercice des libertés de réunion et de manifestations publiques pacifiques que les gens appellent aujourd’hui « loi Boukpessi », en remplacement de la « loi Bodjona », du nom de l’ancien ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales. L’argument du gouvernement selon lequel les manifestations perturbent les activités ne convainc pas les rapporteurs de l’ONU. C’est cet alibi que brandissent Payadowa Boukpessi et les siens pour interdire presque toutes les marches au Togo. Un seul point de rassemblement et de chute pour les manifestations, interdiction de ces manifestations dans certaines villes où les forces de l’ordre ne seraient pas disponibles, des manifestations qui ne se dérouleront désormais qu’entre 11 heures et 18 heures, … voilà le décor. « Tout usage de l’espace public nécessite des mesures de coordination pour protéger les différents intérêts en jeu, mais sous peine de vider la liberté de réunion de sa substance, il faut accepter, dans une certaine mesure, le fait que les rassemblements peuvent perturber la vie ordinaire et cela inclut les activités commerciales », indique l’ONU dans ses observations.
En d’autres termes, poursuivent les rapporteurs, les interdictions ne sont règlementaires. « Les interdictions absolues ou totales, que ce soit sur l’exercice du droit en général ou sur l’exercice du droit en certains lieux et à certaines heures sont intrinsèquement disproportionnées, car elles excluent l’examen des circonstances spéciales propres à chaque réunion », constate-t-on. D’ailleurs, les articles précités, c’est-à-dire 9, 10 et 17, « ne sont pas suffisamment précis pour permettre une analyse de l’ensemble des droits impliqués dans une réunion ou manifestation en particulier ».
Ces dispositions de la nouvelle loi, selon les rapporteurs de l’ONU, sont incompatibles avec les droits internationaux de l’Homme. C’est pourquoi ils demandent au gouvernement togolais « une nouvelle délibération de la loi, ou de certains articles, comme il est prévu par l’article 67 de la Constitution ».
Un désaveu pour les « députés nommés »
Nombreux sont les observateurs qui doutent, depuis les élections législatives, de la capacité des nouveaux députés à pouvoir débattre de la pertinence des textes avant de les voter à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, les faits semblent leur donner raison. Sur les 91 députés, aucun n’a pu être en mesure de rejeter le caractère liberticide de cette loi. Au contraire, bon nombre d’entre eux, au sortir de ce vote, se félicitaient d’avoir accompli un exploit pour le Togo. Dans tous les cas, cela ne peut être autrement quand on sait comment ils sont arrivés à l’Assemblée nationale. En fait, le RPT/UNIR a choisi des amis avec qui il pourrait faire ce qui lui plaît avec les lois de la République. Et là, c’est le monde entier qui s’étonne des « togolaiseries », surtout quand ça vient des supposés élus du peuple, comme on le brandit de façon vulgaire.
Cette intervention de l’ONU sonne comme un désaveu pour ces soi-disant députés qui sont plus dirigés par l’odeur des espèces sonnantes et trébuchantes que par l’intérêt des Togolaises et Togolais qui ploient sous le poids de plus de 50 ans d’oppression et de crimes économiques. Le Togo, selon de nombreux observateurs, mérite mieux que cette Assemblée nationale qu’il a aujourd’hui. Et vu la manière dont les débats sont menés et les lois qui en sortent, personne ne peut dire le contraire. C’est dommage pour des gens qui préfèrent sacrifier l’intérêt du peuple sur l’autel des appétits gloutons.
Dans tous les cas, la « loi Boukpessi » passe mal à l’ONU. Les députés à l’Assemblée nationale pourraient comprendre leur incapacité à faire bonne impression au-delà des frontières togolaises. Peut-être qu’ils diront que le Togo est un Etat souverain et qu’il n’a d’injonctions à recevoir de quelqu’organisation internationale que ce soit. C’est généralement le discours qu’on tient lorsque le Togo s’engouffre dans des dérives inimaginables. Mais cette fois, on verra bien.
Source : L’Alternative
27Avril.com