Notre pays le Togo reste cet îlot de terreur dans la sous-région ouest-africaine. Le Togo reste l´anomalie politique du siècle en Afrique; le seul pays du continent noir où les dirigeants sont conscients du mal qu´ils sont pour leurs concitoyens, et font tout pour perpétrer ce mal. De tels soi-disant dirigeants ne peuvent pas être là pour leur peuple et ils le savent. C´est pourquoi tout est fait pour banaliser le non-droit, la violence, le crime; et dans un tel sinistre paysage, le premier ministre, les membres du gouvernement, les figurants de députés à l´assemblée nationale et toutes les institutions, normalement républicaines, ne sont que des faire-valoir.
Ô République! Que de crimes ils commettent en ton nom!
Quand nous parlons des malheurs de notre pays, nous avons souvent tendance à oublier que nous sommes pratiquement le seul peuple en Afrique de l´Ouest, pour ne pas aller plus loin, à subir un régime de dictature depuis un demi-siècle, pratiquement depuis les lendemains de notre théorique indépendance. Déjà au soir de sa vie, Éyadéma Gnassingbé, qui considérait le Togo comme sa propriété privée, ne comprenait pas que son peuple puisse oser contester son pouvoir; un crime de lèse-majesté qu´il ne pardonnera pas aux Togolais avant de disparaître dans la trappe de l´histoire. Qui a oublié sa légendaire menace à ses concitoyens une après-midi de juin 1991 à l´aéroport de Lomé-Tokoin, revenant d´Abuja, au micro d´un certain Kofi Panou? Faire voir de toutes les couleurs aux togolais et accélérer leur descente aux enfers, tel était le message contenu dans le témoin remis à son fils Faure Gnassingbé après sa mort. Et le rejeton du dictateur défunt prouva à sa prise de pouvoir en 2005 qu´il n´est nullement un enfant de coeur dans le domaine des violations des droits de l´homme. En toute impunité!
Cette impunité constitue aujourd’hui´hui le socle sur lequel s´appuie le régime Gnassingbé pour faire perpétrer des crimes de toutes sortes sur des togolais avides de liberté et de démocratie. C´est en fait par cette façon que le pouvoir de Lomé se forge une légitimité qu´il n´a pas en réalité dans les urnes. Et c´est cette peur d´être pris au dépourvu au cours d´élections vraiment libres et transparentes face à des adversaires sérieux qui explique aujourd’hui´hui la persécution tous azimuts des responsables et militants du Parti National Panafricain (PNP). Pour ce régime anti-peuple la meilleure opposition, l´opposition la plus gentille, c´est celle qui sait le caresser dans le sens du poil et l´accompagne dans des scrutins électoraux malgré son refus de faire des réformes qui favoriseraient des élections dignes de ce nom. Quand une formation politique avec un leader apparaît sur la scène politique, tient un discours courageux et direct qui sort des sentiers battus comme c´est le cas du PNP, le régime incarné par Faure Gnassingbé montre sa vraie face en reprenant avec ses vieilles méthodes criminelles constituées de répressions policières et militaires avec comme conséquences des blessés graves, des exécutions sommaires et surtout des arrestations ou kidnappings arbitraires de citoyens innocents.
L´acharnement du régime sur les responsables du PNP s´inscrit dans cette logique de musellement de cette frange de l´opposition qui n´entend pas se laisser éternellement berner par un régime dont le point cardinal reste la mauvaise foi. Pour espérer arriver à éradiquer une opposition qui s´oppose vraiment aux méthodes dictatoriales, le pouvoir de Faure Gnassingbé ne recule devant rien. L´exécution par des militaires du jeune Ouro-Sama Zeynidine à Bafilo le 13 Avril dernier, la torture des militants du PNP au SRI, leur maintien et le maintien des responsables de cette formation politique en prison avec des dossiers vides, le saccage du domicile privée de Tikpi Atchadam par des militaires, l´acharnement sur sa personne qui l´oblige à vivre caché, la détention sans base juridique de Ouro-Djikpa Tchatikpi depuis deux semaines au SRI sont des méthodes qui obéissent à la stratégie de la terreur à laquelle recourt le régime toutes les fois qu´il se sent acculé.
Maintenant que faire? Que dit le reste de l´opposition?
Nous attendions la fin du meeting du front citoyen » Togo-Debout » pour conclure notre article. Pour nous la montagne n´a accouché que d’une souris. Les déclarations des responsables de Togo-Debout invitant les partis politiques et les togolais à aller aux locales viennent nous édifier sur les doutes que nous avions concernant l’efficacité de ce que nous avons comme société civile au Togo. Dr David Dosseh nous dit que l´opposition a de grandes chances de gagner dans les grandes villes, et qu´une fois que les mairies de ces villes auront basculé du côté de l´opposition, il ne serait plus difficile de manifester. Une affirmation trop simpliste et à la limite naïve. Sommes-nous toujours au Togo ou déjà dans un autre pays où les règles démocratiques sont respectées? Rappelons que les dernières manifestations du PNP à Lomé étaient « autorisées », mais militaires et gendarmes n´avaient pas permis que les marches eussent lieu. Il y eut courses-poursuites, bastonnades, blessés graves et arrestations arbitraires.
Plus loin les responsables du front citoyen « Togo-Debout » appellent à la résistance, à la détermination du peuple et à l´unité d´action pour en finir avec ce régime. Comment peut-on en finir avec un pouvoir qu´on accompagne à des élections fantaisistes pour le légitimer de plus? De deux choses l’une:
- soit on est conscient que le régime Gnassingbé n´organisera jamais des élections pour les perdre, et on s´organise pour le forcer à faire des réformes sérieuses ou le faire partir.
- Soit on joue à une opposition de complaisance et on cesse de mentir au peuple. Ceci vaut pour les associations de la société civile et les partis politiques qui se disent encore de l´opposition.
La coalition de la C14 avait toutes les chances de mobiliser les populations togolaises du nord au sud, de l´est à l´ouest pour acculer le dictateur. La sincérité des uns et des autres ayant fait défaut, la peur pour certains de perdre leur supposé leadership au profit de nouveaux venus ayant pris le dessus, la coalition de l´opposition, après plus d´un an d´existence, avait fini par voler en éclats. Et les sept partis autour de Madame Adjamago qui se réclament toujours de la C14 n´ont pas le droit de parler au nom de ceux qui ne sont plus là. C´est pourquoi nous pensons que la troupe à Adjamago serait plus raisonnable en changeant d´appellation.
Nous ne croyons pas aux élections comme solution à la crise togolaise. Nous pensons toujours que les populations togolaises sont capables de prendre le régime Gnassingbé en étau et le faire partir. Il suffit que des leaders mieux inspirés, plus courageux et désintéressés prennent la relève. Et pourquoi pas un deuxième, un troisième Tikpi Atchadam dans les autres contrées de notre pays où la résignation ne doit pas avoir droit de cité?
Samari Tchadjobo
Allemagne
27Avril.com