Si la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) pouvait continuer sur cette lancée, elle a de fortes chances de redorer son blason terni dans le passé. Oublié dans les geôles de la prison civile d’Atakpamé pour une culpabilité qui n’a jamais été établie, le pauvre Essih Koffi est sur le point de recouvrer sa liberté, si ce n’est déjà fait. Et ceci, après une plainte introduite auprès de l’institution. Si la CNDH a pu donner suite à une requête d’un citoyen, il n’y a pas de raison que la Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA) ne fasse pas pareil avec la plainte introduite par la centaine d’ acquéreurs victimes à Agoè Klévé.
Il n’avait plus d’espoir de recouvrer un jour sa liberté, et il s’en était fait une raison. Aussi, lesté d’une hernie au scrotum (testicule) contractée durant son séjour carcéral et qui l’empêche depuis des années de porter des slips, Essih Koffi avait accepté son sort, comme une croix pendue à son cou. Jusqu’à ce que Liberté n’apprenne ce qui lui était arrivé ; et que la CNDH ne s’en mêle dès qu’elle a été saisie par une plainte pour « détention arbitraire et dégradation de l’état de santé ». C’était le 9 septembre dernier, soit plus de six ans depuis son arrestation. Et bien que chaque année, des assises, aucun procureur en poste dans son lieu d’arrestation –Amlamé- n’a jamais daigné accorder un regard humain à son cas. La nouvelle équipe de la CNDH l’a fait. Une plainte succincte, précise et concise dont nous avons obtenu copie auprès du plaignant. Et cette institution gagnerait en crédibilité en indiquant les voies à ce malheureux non seulement pour guérir de son hernie énorme, mais surtout pour repartir dans la vie. Puisqu’au final, aucune cour d’assises n’a pu se tenir pour établir quelque culpabilité que ce soit. Ailleurs, l’Etat togolais devrait dédommager Essih Koffi ; un fonds existerait spécialement pour ça.
La plainte qui a bouti à la libération
« Madame la Présidente, Nous venons par cette plainte au nom du sieur ESSIH Koffi, ancien agent à la Préfecture d’Amlamé et détenu à titre préventif depuis bientôt six ans à la prison civile d’Atakpamé sans jugement.
Madame la Présidente, si le sieur ESSIH était reconnu coupable d’un pseudo crime, on comprendrait encore, même si la démonstration sera impossible à mener. Mais non seulement aucun élément probant n’a jamais soutenu l’accusation d’homicide qu’on a toujours collé au malheureux, pire, il semble abandonné à une fin lente et certaine, étant entendu que plus personne ne se soucie de sa petite personne ni de sa cause. Tenter de relater les tenants et aboutissants de ce qui s’apparente à un déni de justice serait trop fastidieux. Il suffit, pour une institution en quête de recouvrement de sa respectabilité, que ceux qui l’animent sacrifient de leur temps pour visiter le prévenu pour se rendre compte non seulement de son état de santé, mais surtout pour comprendre que la situation n’a d’autre nom que l’injustice.
En effet, ESSIH Koffi souffre d’une énorme hernie au scrotum qu’il a contractée durant son séjour carcéral. Et depuis des années, il traine cette maladie sans que l’administration pénitentiaire ne daigne s’occuper de lui. Il ne porte plus de caleçon ni de culotte et vit avec toujours un pagne noué autour des reins.
S’il est vrai que la CNDH doit désormais s’occuper des dérives dans les centres carcéraux, nous osons croire que vous ne demeurerez pas insensible à la situation de ce citoyen qui, soit dit en passant, avait reçu un coup de tête ayant endommagé sa dentition et dont les séquelles sont toujours visibles, de la part de son agresseur décédé plus d’un mois après. Mais c’est au final l’agressé qui est accusé sur on ne sait quelles bases juridiques.
En espérant une prompte réaction de la part de votre institution, je vous prie d’agréer, madame la présidente, l’expression de mes remerciements anticipés ».
La réaction de la CNDH ne s’est pas fait attendre
Dans la semaine qui a suivi le dépôt de la plainte, l’auteur a été entendu et a expliqué dans les détails les tenants et aboutissants de ce qui n’est autre qu’une injustice flagrante. Essih Koffi aurait été conduit à l’hôpital d’Atakpamé pour des soins. Et vendredi dernier, après plus de six ans derrière les barreaux pour absolument rien, sa demande de liberté a été accordée. Parce que la CNDH s’est impliquée dans ce dossier que nous avons relayé.
Le mérite revient-il à la nouvelle équipe de cette commission qui devrait être le paravent à tous ceux dont les droits sont bafoués ? Assurément ! Et s’il est une autre affaire qui RISQUE de retourner les Togolais dans leur perception de la CNDH, c’est bien le dossier des présumés braqueurs qui seraient morts dans des circonstances floues et qu’elle est chargée d’élucider. La CNDH vient de marquer son premier but sans position de hors-jeu. Et puisque c’est après une plainte que ce but a été marqué, on attend de voir si son alter ego, la HAPLUCIA fera aussi bien que l’institution en charge des droits de l’homme, celle-là ayant été aussi saisie par une plainte.
Au tour de la HAPLUCIA de faire sa part !
Les plaintes ont-elles les mêmes valeurs ? Ou bien dépendent-elles des victimes ou de ceux contre qui elles sont portées ?
Le 13 septembre dernier, une plainte émanant non pas d’une seule personne, mais d’une centaine d’acquéreurs de terrains a atterri sur les bureaux de la Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées. Dedans, des noms de juges haut perchés sont apparus comme ayant fricoté avec le phénomène de la corruption, une gangrène contre laquelle le chef de l’Etat veut lutter, raison pour laquelle il a fait mettre sur pied cette instance.
Dans cette autre plainte, il est question de dépossession de terrains acquis par des acquéreurs de bonne foi, à la sueur de leur front. Ce dossier est d’autant plus facile à gérer qu’il est connu tant du parquet général du tribunal d’instance de Lomé, de l’Inspection générale des services juridictionnels et pénitentiaires, du président de la Cour d’appel, que du ministère de la Justice. Nombreux sont les juges qui ont trempé dans cette affaire, qui pour protéger une hiérarchie, qui pour se lécher les doigts. Mais le président de la HAPLUCIA joue gros. Car de la suite à donner à cette affaire puante, dépendra la crédibilité de l’institution dont il est le président.
Pour l’instant, le score est en faveur de l’équipe de Nakpa Polo et autre Yawovi Sronvie. On attend la réaction de Wiyao Essohanam.
Abbé Faria
Source : Liberté N°3014 du Lundi 30 Septembre 2019
27Avril.com