Il était l’un des grands patrons inculpé par la justice togolaise dans l’affaire d’escroquerie internationale. Loïk Le Floch-Prigent, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a été relâché par la justice togolaise pour cause de maladie et rapatrié dans son pays, la France. Mais le demi-frère du président togolais, Kpatcha Gnassingbé, condamné dans une autre affaire d’Etat et souffrant en prison depuis dix ans, l’homme y croupit toujours sans évacuation sanitaire.
Arrêté en septembre 2012 à Abidjan en Côte d’Ivoire puis extradé, l’ancien patron d’Elf, Loïk Le Floch-Prigent, avait été incarcéré au Togo dans le cadre d’une enquête ouverte en 2011 par la justice togolaise sur une plainte d’un homme d’affaires émirati, Abbas Youssef.
Libéré provisoirement le 26 février 2013 pour raisons médicales après cinq mois de détention au Togo puis retourné en France le lendemain, Loïk Le Floch-Prigent a échappé ainsi à la justice togolaise parce que l’homme n’est jamais plus retourné au Togo après les soins. Pour beaucoup, sa libération a été obtenue par une pression diplomatique de la France de François Hollande, à l’époque, président de la République. Marlène Le Floch-Prigent, l’épouse de Loïk, avait même adressé une lettre, rendue publique, au président français afin de faire rapatrier son mari pour raisons de santé en France, car elle estime que « les services de santé de Lomé ne sont pas en mesure de prodiguer les soins nécessaires » à son époux. Quant à ce dernier, c’est dans son ouvrage intitulé « Le Mouton Noir », Édition Pygmalion qu’il a réglé ses comptes aux autorités togolaises.
Il dit : « Une fois tombé entre les mains de la police et de la justice togolaises, las d’être injustement détenu et traité, j’aurais dû accepter de dénoncer Pascal Bodjona. C’est ce que je n’ai pas tardé à comprendre. Ce dernier passait pour avoir été le meilleur ami du Président. Il en avait fait son ministre d’Etat. Jusqu’au jour où, Bodjona est tombé en disgrâce. Il lui fallait le déconsidérer et l’humilier publiquement pour justifier sa volte-face. C’est pourquoi l’entourage du Président togolais attendait de moi que je fasse passer Bodjona pour complice de l’escroquerie dont se plaignait Abbas Youssef ».
Un extrait du livre qui révèle les machinations du régime contre Pascal Bodjona qui a répliqué sagement : « Je n’en veux pas à ceux qui ont cru, par une procédure inique, atypique, acrobatique, et illégale à tout point de vue, m’interpeller et me garder pendant des mois. J’ai intérêt plus que quiconque à ce que ce dossier aille jusqu’au bout pour que l’on me dise ce qu’on me reproche. Je suis innocent et ceux qui me poursuivent le savent ».
L’essentiel, est que Loïk Le Floch-Prigent, ses avocats et sa famille ont demandé aux autorités togolaises et obtenu son évacuation sanitaire d’urgence vers la France en raison de son état de santé, jugé à l’époque des faits, « dégradant ». Mais s’agissant de l’ancien député de la Kozah, Kpatcha Gnassingbé, demi-frère du président togolais, malgré toutes les tentatives en vue de sa libération provisoire, aussi pour raisons médicales, les autorités togolaises sont restées de marbre, insensibles aux cris de détresse réplétifs de Kpatcha qui, en février 2019, a encore demandé à un prélat catholique, Mgr Phillipe Fanoko Kpodzro de plaider auprès de son frère, le président Faure pour sa relaxe.
« Il m’a dit qu’il est malade et en le voyant, on ne peut en douter. Il m’a fait comprendre qu’il a envoyé des lettres à ce sujet à son frère mais sans suite, » dixit l’Archevêque émérite de Lomé.
Outre Mgr Kpodzro, Kpatcha avait aussi demandé à Mgr Barrigah, avril 2012, de plaider pour sa libération du fait de sa santé précaire qui se dégrade. Alors, la question qui mérite d’être posée, est de savoir pourquoi Faure Gnassingbé est si hésitant à libérer son frère pour raisons de santé et pour une évacuation d’urgence ? Or, il avait cédé aux injonctions de la France dans le dossier Loïk Le Floch-Prigent. La vie d’un étranger vaut-il mieux que celle d’un Togolais, de surcroît, son frère ?
Le chef de l’État togolais a intérêt à procéder à la relaxation de son frère, aussi bien pour la cohésion de la famille Gnassingbé que celle d’une nation togolaise en phase de réconciliation.
Source : La Manchette No.074 du 14 août 2019
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