Togo : jusqu’à quand tiendra l’équilibre de la terreur ?

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Le bras-de-fer qui se joue depuis plusieurs semaines au Togo autour de la réforme de la Constitution ne pourra se terminer que si les différentes parties acceptent de rejoindre la table des négociations. Faute de quoi le pouvoir pourrait faire face à un scénario de type burkinabè, tandis que l’opposition pourrait s’enliser dans une impasse à la burundaise.

Au Togo, la crise sociopolitique se résume à ces quelques mots : équilibre de la terreur. Et elle tient en une question : jusqu’à quand ? Jusqu’à quand le pouvoir sera-t-il en mesure de camper sur sa stratégie, simple mais jusque-là efficace, d’empêcher par tous les moyens les manifestants d’approcher les sièges des institutions névralgiques de la République ? Jusqu’à quand l’opposition persistera-t-elle dans sa stratégie, simpliste mais jusque-là inefficace, consistant à inciter les manifestants à s’emparer des sièges des même institutions ?

Les Togolais qui battent le pavé ont une obsession : mettre fin au règne des Gnassingbé

Accepter des négociations sous l’égide de l’UA

De fait, en dépit de l’habillage cosmétique portant sur le retour à la Constitution de 1992, les Togolais qui battent le pavé ont une seule obsession : mettre fin au règne des Gnassingbé, un nom qu’ils entendent depuis un demi-siècle. Ceci est le fond du problème et, sans doute, la seule piste vers une sortie de crise.

Des solutions réalistes s’offrent aux protagonistes. La condition première serait que chaque camp accepte d’aller à la table des négociations, sous la facilitation de l’Union africaine.


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Un facilitateur – notez que je ne dis pas médiateur – comme le Ghanéen Nana Akufo-Addo pourrait ainsi aider les parties à s’accorder sur l’essentiel, à savoir l’intérêt supérieur du Togo. Les discussions devraient se tenir au Togo entre pouvoir et opposants, pour aboutir à un accord inter-togolais. Celui-ci devrait inclure au moins quatre solutions, lesquelles semblent à portée de main à condition que chacun comprenne qu’en cas d’échec, il court le risque de tout perdre. Comme au poker.

Quatre pistes de sortie de crise

Solution numéro un : retour à la Constitution de 1992. Il est nécessaire que le bout de phrase qui nourrit tous les fantasmes – « En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats » – soit inscrit dans le texte, parce qu’il sera son « fétiche » protecteur à l’avenir.

Solution numéro deux : formation d’un gouvernement d’union nationale avec un Premier ministre de consensus, acceptable par tous. Son gouvernement compterait des ministres du camp au pouvoir, de l’opposition et de la société civile (pour des postes sensibles) et devrait aussi bien poursuivre les chantiers de développement déjà lancés que conduire les réformes institutionnelles nécessaires pour un Togo véritablement démocratique (refonte de la commission électorale, indépendance de la justice, lutte contre la corruption…).


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Le pouvoir de Faure court le risque de se faire surprendre, comme celui de Blaise Compaoré au Burkina Faso

Solution numéro trois : maintien de Faure Gnassingbé, au pouvoir jusqu’à la fin de son mandat, en 2020. Celui-ci devra prendre un engagement solennel devant l’Afrique, quant à sa volonté de se plier à la Constitution et à l’accord. Cette perspective effraierait certains dirigeants mais elle a le mérite de préserver l’Unir, le parti au pouvoir, d’un éclatement au cas où les choses tourneraient mal.

A l’opposé, les opposants, qui ont encore en mémoire le revirement spectaculaire de Gnassingbé père, en 2002, auront sans doute des réserves. Mais nous sommes en 2017 : Faure n’est pas Eyadéma, et en 1992 une mesure avait fait défaut lors des discussions : l’amnistie générale.

Les opposants risquent de se laisser entraîner dans une impasse politique, à l’instar des opposants burundais

D’où la solution numéro quatre : vote d’une loi d’amnistie, d’une part pour tous les dirigeants de la transition (y compris le président de la République), et d’autre part pour tous les prisonniers politiques, récents ou anciens.

Les uns et les autres peuvent, par orgueil ou par fausse appréciation de ses forces, refuser ces solutions qui visent à préserver la dignité de chacun et à éviter à tous l’humiliation. Mais que nul ne se méprenne : le pouvoir de Faure court le risque de se faire surprendre un jour comme celui de Blaise Compaoré au Burkina Faso. Et les Jean-Pierre Fabre, Tikpi Atchadam et autres opposants risquent de se laisser entraîner dans une impasse politique, à l’instar des opposants burundais, lesquels ont commencé une révolution qu’ils ne peuvent pas terminer. Que chacun garde bien ces deux schémas en tête et joue la carte de la realpolitik qu’il détient dans son jeu.

Jeune Afrique