Son acte avait séduit les Togolais; mais ils ne le connaissaient pas de nom. Lui, c’est Joël Amovin, le compatriote qui avait interpellé le 7 juin dernier le Président français Emmanuel Macron, en marge du sommet du G7 au Canada. Il a accepté répondre à nos questions. Lecture !
L’Alternative : Bonjour Joël Amovin. Vous êtes l’un des Vices-présidents de Diastode Canada, présentez-nous votre organisation.
Joël Amovin : DIASTODE (Diaspora Togolaise au Canada pour la Démocratie) est une organisation citoyenne de la diaspora togolaise, née d’une mutation de la DIASTODE-Canada qui est une fille et la section canadienne du grand réseau d’organisation de la diaspora togolaise connu sous le nom de DIASTODE qui, elle-même, est initiée en 1995 par la CTC (Communauté Togolaise au Canada), et restructurée lors des états généraux de la diaspora togolaise tenus à Montréal en avril 2003) pour plus d’efficacité dans les actions de promotion des droits de l’Homme et de la démocratie au Togo.
De manière spécifique, la DIASTOCADE est une mutation de la DIASTODE-Canada, opérée dans la deuxième moitié de 2017, dans la cadre institutionnel et dans la tradition de la DIASTODE-Canada (et de la DIASTODE) en collaboration avec d’autres associations de Togolais du Canada, pour permettre aux Togolais et Togolaises du Canada d’apporter un appui rapide et efficace à la mobilisation citoyenne relancée depuis le 19 août 2017 par les forces démocratiques du Togo pour conclure la lutte de libération du Togo, elle-même entamée depuis près de 30 ans maintenant.
De manière générale, la DIASTOCADE est une organisation citoyenne et non partisane de la diaspora et de la société civile togolaise qui a pour vocation de maintenir un éveil permanent au niveau international autour de la question de la démocratie et des droits de l’Homme au Togo, de promouvoir la démocratie au Togo et de mobiliser des ressources financières pour œuvrer en ce sens, de favoriser la cohésion sociale en soutenant la mobilisation collective contre les dérives idéologiques, ethnocentriques ou racistes au Togo, et de soutenir les initiatives visant la promotion de la démocratie en Afrique et ailleurs dans le monde.
La DIASTOCADE est membre de CODITOGO (Coalition de la Diaspora Togolaise pour l’Alternance et la Démocratie), et soutient fermement l’ensemble des Forces démocratiques et le peuple du Togo dans la lutte pour la fin de la dictature au Togo.
Quelles sont les activités que vous avez menées jusque-là au sein de la diaspora ?
La DIASTOCADE œuvre aux côtés des forces démocratiques et du peuple togolais à la promotion de la démocratie et de l’État de droit au Togo. Les principaux moyens d’actions utilisés par la DIASTODE sont la sensibilisation des populations du Togo et de l’opinion internationale sur la vie socio-politique au Togo et sur les valeurs de la démocratie et de la bonne gouvernance; la mobilisation de ressources financières et humaines pour le renforcement des capacités de la société civile et du peuple du Togo dans la lutte pour la démocratie. Des informations plus détaillées sur la DIASTOCADE sont disponibles et accessibles sur nos médias et auprès de nos organes décisionnels, selon les conditions réglementaires mises en place par les membres.
Depuis plusieurs années, que ce soit sous l’égide de la DIASTODE-Canada par le passé ou de sous celle de la DIASTOCADE aujourd’hui, les Togolais du Canada ont apporté un soutien indéfectible au peuple Togolais dans sa lutte contre la dictature. Entre autres activités, on peut retenir :
-La sensibilisation des citoyens et des dirigeants du Canada sur la situation sociopolitique du Togo, à travers des lettres aux députés provinciaux et fédéraux, des séances de travail avec les ministères des affaires étrangères.
-L’Organisation de marches de soutien au peuple en lutte et de protestation contre le régime Gnassingbé RPT-UNIR dans les grandes villes du Canada.
-Les levées de ressources financières et matérielles diverses pour le soutien aux blessés et victimes de la répression, ainsi qu’aux prisonniers politiques et leurs proches.
-Des aides multiformes aux populations déplacées et aux réfugiés dans les pays voisins suite aux répressions et sièges militaires dans les villes et campagnes de l’intérieur du Togo.
-Participation aux assises de Paris et de Dakar pour la création de CODITOGO (Coalition de la Diaspora Togolaise pour l’Alternance et la Démocratie).
-Des appuis multiformes aux forces démocratiques (politiques et OSC) sur le terrain.
-Des campagnes médiatiques et diplomatiques de dénonciation du régime dictatorial RPT-UNIR et ses soutiens lors de leurs séjours au Canada.
Vous avez interpellé Emmanuel Macron il y a quelques jours à Montréal sur la crise togolaise. Décrivez-nous un peu les circonstances de cette action spectaculaire.
Merci pour l’opportunité que vous me donnez de m’exprimer sur la crise politique au Togo et de revenir sur mon interpellation du président français Emmanuel Macron le 07 juin dernier à Montréal en marge du sommet du G7.
Je voudrais préciser, avant d’aller plus loin que la président Macron n’était pas seul; il était en compagnie du 1er ministre du Québec, M. Philippe Couillard et d’un autre chef de gouvernement d’un territoire membre de l’OIF (Organisation International de la Francophonie).
Il est vrai tout de même que ce qui s’est passé à Montréal le 07 juin 2018 autour de 15h a choqué ou surpris plus d’un, de la foule de curieux aux forces de sécurité et de défense, en passant par les gens des medias, les touristes de toutes nationalités et les expatriés français venus nombreux pour voir et ovationner le président Emmanuel Macron de France. Leur grande surprise est venue du fait que la sécurité extrêmement renforcée sur les lieux, y compris le bouclage dont la zone du Vieux-Port de Montréal et du Musée des Sciences de Pointe-à-Calière a fait l’objet, ne laissaient présager d’un tel événement.
Cela me rappelle les circonstances d’une action similaire que j’avais initiée dans la même période en 2003 contre le président Jacques Chirac qui était venu pour des vacances dans la localité de NorthHatley, au lendemain du scrutin présidentiel frauduleux organisé par le régime dictatorial au Togo et à l’issue duquel Jacques Chirac avait félicité Gnassingbé Éyadéma, alors grand perdant, pour sa brillante réélection. Quand j’avais dit aux compatriotes engagés pour la démocratie au Togo que nous devrions manifester à NorthHatley, presque tous les dirigeants de la CTC et de la DIASTODE avaient rejeté l’idée, au motif que « Jacques Chirac était le président d’un pays souverain et une puissance mondiale, et avait droit à tout le respect et à la sécurité dignes de son rang». J’avais rétorqué à mes compatriotes «Et si on nous accordait l’autorisation de manifester?». Mais n’avais pas eu de réponse. La peur ou l’hésitation de mes compatriotes est due au dispositif de sécurité et à l’armada qui sont toujours déployés lors des séjours des présidents des grandes puissances. Malgré les efforts de dissuasion des dirigeants de nos organisations, en ma qualité de Coordinateur de la DIASTODE-Canada à l’époque, j’ai décidé, contre vents et marées, de planifier la manifestation avec les membres et activistes qui y souscrivaient. Nous étions une dizaine de personnes à faire le déplacement de NorthHatley sur une autorisation obtenue des autorités canadiennes pour manifester légalement contre le président Jacques Chirac notre convoi de deux voitures a été intercepté à plus de 15 km de NorthHatley par des agents de la GRC qui nous ont escortés jusqu’à proximité de l’auberge où séjournait le président Jacques Chirac. Malgré la sécurité renforcée, nous avions pu quand même manifester contre Chirac à quelques mètres de l’auberge face à un cordon d’agents de la Gendarmerie Royale du Canada qui en assuraient la sécurité.
Le 07 juin dernier, rien ne laissait présager d’une manifestation au centre-ville de Montréal contre tel ou tel dirigeant participant au sommet du G7 prévu pour se tenir du 07 au 09 juin 2018 à la Malbaie, les groupes manifestants altermondialistes et d’autres groupes qu’on qualifierait d’anarchistes ayant été soigneusement tenus loin des sites visités par les dirigeants des 7 pays les plus riches de la planète. Quelques jours avant la tenue du sommet, la Télévision Radio-Canada avait diffusé un documentaire dans lequel elle décrivait, images à l’appui, les dispositifs hors-normes mis en place à travers la province du Québec et notamment dans la région de la Malbaie en préparation du somme du G7. Les informations sur les diverses étapes des déplacements et visites que le président français devrait effectuer au Canada et au Québec, après avoir été tenues secrètes pour certains, ont été finalement rendues publiques au matin du 07 juin où le président Macron devait visiter la région de Montréal (Aéroport, Musée des Sciences de la Point-à-Calière et le Grand quai du Vieux-Port de Montréal).
Après qu’une tentative menée par une équipe que nous avons dépêchée à Ottawa pour interpeler le président Macron (au cours de la rencontre qu’il devait avoir avec la Gouverneure Générale du Canada à Ottawa) a échoué, nous avions mis le cap sur la 2e étape de sa visite au Canada, soit sa visite de la ville de Montréal, au musée des Sciences et au grand quai du port de Montréal.
Évidemment, à notre arrivée sur les lieux, la sécurité était à son plus haut niveau. Nous avions essayé de nous mêler aux gens des médias, mais le fait que nous n’ayons pas d’accréditation a vite éveillé des soupçons de la part des services de renseignement et un groupe d’agents de la sureté du Québec fut automatiquement envoyé pour nous identifier formellement et s’enquérir du motif de notre présence sur les lieux. Et quand nous avons essayé de leur résister un peu, les agents n’ont pas hésité à user de menaces à notre endroit : « Si vous refusez de vous identifier, je vous mets tout de suite en état d’arrestation». Sauf que le Québec au Canada, ce n’est pas une république bananière où les forces de sécurité et de défense se jetteraient sur les citoyens aveuglément pour les bastonner sauvagement. Après avoir vérifié nos identités et pris connaissance des motifs de notre présence sur les lieux, les agents nous ont dit : «Votre cause est légitime; vous avez le droit de faire ce que vous faites; à votre place, nous ferions la même chose. Mais…je dois vous avouer que vous n’avez aucune chance d’accéder au président Macron, étant donné le dispositif de sécurité en place ici. Le niveau de sécurité est très élevé ici ! Savez-vous combien de services de sécurité et de défense coopèrent et sont en action ici? Il y a la GRC (Gendarmerie Royale du Canada), la Sureté du Québec, la police de Montréal, la garde rapprochée des chefs d’États et des agents américains…Nous ne vous avons pas ciblés; nous, on nous dit où aller et quoi faire ».
C’est dire que nous étions dans le viseur de tous les services de sécurité et de défense qui nous passaient d’un prisme à l’autre dans leurs caméras de surveillance. La preuve est que quelques minutes après le passage des agents de la sureté du Québec, c’est un autre groupe, cette fois de la GRC, qui nous prit à partie pour les vérifications d’usage, et dont le chef m’interpella comme suit : «Qu’est-ce que vous faites ou cherchez ici? Qu’est-ce que vous planifiez de faire?». À ma question de savoir qu’est-ce qu’il nous voulait, il me répondit : «Je vois bien que vous avez dans la main un papier sur lequel vous cochez des choses…Est-ce que vous êtes des médias?». Ayant justement dans la main un papier sur lequel je cochais et sélectionnais de courtes questions que nous voulions crier à M. Macron sur son passage, je répondis au policier en lui disant que nous sommes un groupe de Togolais qui aimeraient discuter avec le président Macron de quelques enjeux concernant notre pays. Et le policier me dit : «Vous n’avez aucune chance de l’approcher ou de lui parler».
Après ces policiers, un groupe de trois ou quatre agents de la garde rapprochée du président Macron qui avaient aussi essayé de nous dissuader, mais avaient dû se replier face à notre détermination et notre résistance, étant donné que nous étions sur une place publique où il y avait une foule et plusieurs personnes de tous genres et diversement vêtues, mais qui n’étaient guère inquiétées par les agents de sécurité. Puis, me séparant de mes trois autres compatriotes qui étaient de mon équipe sur les lieux, j’étais allé m’asseoir sur un banc public, sous le soleil, presque en face de l’aile nord du musée des sciences d’où Macron devrait sortir une demi-heure plus tard.
Après avoir passé une quinzaine de minutes sur le banc public sous le soleil et sous les yeux vigilants de plusieurs agents de sécurité et des services secrets canadiens, québécois et français, je vis à la sortie nord du musée un attroupement d’agents de sécurité et de la garde rapprochée de M. Macron ; puis un groupe d’environ huit hommes en costumes bleus et noirs s’était détaché du lot pour traverser la rue et venir dans ma direction. Pendant que ce groupe s’avançait vers moi, je levai la tête pour regarder dans leur direction et mon regard croisa celui du président Macron qui était incliné vers l’avant dans les escaliers et m’épiait du regard. Mes pupilles s’étaient dilatées en une fraction de seconde pour m’assurer que c’était bien lui! J’avais eu le sentiment d’un chasseur qui se retrouve nez-à-nez avec son plus grand gibier! Et M. Macron, bien qu’un peu stressé dans sa préparation pour le bain de foule qu’il allait entamer, avait le regard courtois. Puis moi, sans trop me préoccuper de Macron, sans déclencher le plan d’interpellation (puisqu’il y avait les agents qui traversaient la rue entre lui et moi), sans laisser le court échange de regards me déstabiliser ou me faire perdre mes moyens de résistance, et tout en me préparant psychologiquement, intérieurement et extérieurement pour toute éventualité, je retournai mon regard vers les agents qui venaient vers moi. À leur arrivée, le groupe s’était mis en demi-cercle face à moi qui étais assis sur le banc public. J’apprenais plus tard, après les salutations d’usage qu’en fait, le président Macron avait envoyé son conseiller M. Aurélien Chevalier et une équipe de son protocole incluant des éléments de sa garde rapprochée (et peut-être des services secrets) pour me parler et me demander de leur transmettre le message que j’avais pour le président.
Dans un premier temps, j’avais dit à M. Chevalier que je ne lui faisais pas confiance pour transmettre fidèlement mon message à leur patron, et que je préférais le lui dire à haute voix quand il allait passer. Après, je décidai de parler à Chevalier et son équipe. Faisant le tour de la situation du Togo depuis 1963, je mis l’accent sur LA RESPONSABILITÉ HISTORIQUE de la France dans cette situation tragique, compte tenu de son lien filial et de sa complicité avec le régime Gnassingbe-RPT-UNIR, ainsi que des soutiens qu’elle a toujours apportés à ce régime en tout temps; je poursuivis en disant que c’est scandaleux que la France, un pays pionnier de la démocratie envoie son armée encadrer une armée tribalisée et instrumentalisée comme celle du Togo qui massacre les populations, et que la France doit arrêter d’armer le régime dictatorial. Je parlai de Charles Debbasch, puis je conclus en disant que la demande d’alternance du peuple togolais ne doit pas être perçue comme une menace aux intérêts de la France au Togo. J’avais oublié de déclencher mon enregistreur de son parce que M. Chevalier et sa troupe étaient venus vers moi presqu’à pas de charge et je me composais pour les recevoir. Pendant que je leur parlais, je n’avais plus fait attention pour savoir si le président Macron était toujours dans les escaliers de sortie à nous regarder, mais je crois qu’il y était. Les trois compatriotes qui étaient avec moi nous avaient rejoints, mais avaient plutôt hésité à déclencher leurs caméras. Ils ne l’avaient fait que plus tard, quand ils avaient remarqué l’ambiance courtoise et sereine dans laquelle se déroulait ma conversation avec M. Aurélien Chevalier, mais leur caméra n’était parvenue à capter qu’une petite partie de mon propos adressé à M. Chevalier (une courte séquence de la vidéo de mon entretien avec M. Chevalier et son équipe circule actuellement sur la toile et les réseaux sociaux; et il y a aussi une vidéo brute qui contient le début de mon interpellation et la partie où je demandais au président Macron d’arrêter d’armer la dictature Gnassingbé RPT-UNIR contre le peuple du Togo).
Quand la procession du président Macron s’était ébranlée pour le bain de foule, il y avait une distance d’environ dix mètres ou moins et une foule de gardes qui me séparaient de lui. Mais cela ne m’avait guère empêché de le cibler de ma voix et de l’interpeler de toutes mes forces. Pendant que je criais à gorge déployée en direction du président Macron (j’avais demandé à mon équipe d’aller ranger le mégaphone, car on n’en aurait pas besoin), il y avait au moins trois agents de la garde rapprochée de Macron qui étaient au corps à corps avec moi pour me reprendre, me faire taire et m’empêcher de l’approcher.
Le seul son qui se faisait entendre et qui remplissait toute la place était ma voix. La foule était stupéfaite et un peu désorientée et le président Macron avait compris qu’à moins de venir me calmer, il risquait de rater son bain de foule! Puis s’en était suivi le face-à-face que le monde entier a vu.
Le président Macron opéra un virage à 90 degrés et se dirigea droit vers moi ; et quand il fut à proximité, il me tendit la main que je saisis sans hésiter, tout en le remerciant. Bizarrement, aucune des questions que je lui adressai ne figurait sur la feuille de préparation que je tenais dans ma main gauche !
Ceux qui lisent la Bible trouveront facilement un parallèle entre cette scène et l’histoire de la rencontre de Zachée ou celle de Bartimée avec Jésus. Mais la grande différence est que Emmanuel Macron n’est pas Jésus Christ ; et moi je n’étais pas malade, ou si je l’étais, ce ne pouvait être que de la dictature qui tue mon peuple au Togo !
Aussi spectaculaire, inattendu, fortuit ou surprenant qu’eût été cet événement, en tenant compte de l’impact qu’il a eu ou aura sur la crise socio-politique togolaise, sur les relations entre la France et l’Afrique, ainsi que dans les relations internationales, moi je crois, avec la petite foi, que j’ai que c’est Dieu qui, en répondant à une prière que j’avais faite avant de quitter ma maison, avait disposé favorablement d’Emmanuel Macron à mon égard et à l’égard du peuple togolais en lutte, selon ce qui est écrit: «Quand l’Eternel approuve les voies d’un homme, Il dispose favorablement à son égard même ses ennemis» (Proverbes 16 : 7). En effet, dans ma prière, j’ai dit : «Seigneur, si c’est ta volonté que l’action pour laquelle je sors ait du succès, accorde-le-nous en grand».
Si on tient compte de la détermination avec laquelle mon équipe et moi avions résisté à toutes les tentatives d’intimidation et tenu tête à plusieurs groupes d’agents de sécurité, de défense et de garde rapprochée pour mener à bout cette action en faveur du peuple Togolais, on se retrouve bien dans les paroles bibliques suivantes: «À celui qui est ferme dans ses sentiments, Tu assures la paix, la paix, Parce qu’il se confie en toi » (Esaïe 26:3) ; «Et qui vous maltraitera, si vous êtes zélés pour le bien?» (1 Pierre 3:13).
Quel décryptage faites-vous de ce message d’Emmanuel Macron ?
Comme je l’ai dit dernièrement sur la radio KANAL K. / Radio Avulete, le président Macron et moi, on se parlait LES YEUX dans les YEUX. Quand le président Macron parlait de «prescriptions par la constitution», d’«élections transparentes», de «limitation du mandat présidentiel dans le temps», du «peuple qui doit s’exprimer librement», il fait justement le diagnostic de la crise socio-politique togolaise en listant les carences qui sont à la source du mal dont souffre la Togo dans sa vie socio-politique. Si ces choses dont a parlé le président Macron étaient déjà en place ou en application au Togo, le peuple togolais ne mobiliserait pas pour les réclamer, l’Union Africaine ne les demanderait pas et Emmanuel Macron n’insisterait pas sur leur réalisation pour une sortie crise idoine et rapide au Togo!
Après avoir violemment sanctionné le régime Gnassingbé RPT-UNIR, qui selon lui est d’un autre âge justement parce que coincé dans les pratiques dictatoriales que cautionnaient la France Afrique qui est appelée à disparaître, le président Macron a estimé que Faure Gnassingbé et son régime, s’ils sont intelligents, n’ont pas besoin qu’on leur dise encore (comme au bon vieux temps de la FranceAfrique) quoi faire ou qu’il faut partir. En parlant d’élections et d’autres fondamentaux de la démocratie nécessaires pour la sortie de crise au Togo, le président Macron appelle sans détour le régime dictatorial à lâcher prise pour favoriser la reprise effective du processus de démocratisation et la fin de la dictature. Il conseille indirectement à Faure Gnassingbé et son régime de partir pendant qu’il est temps, plutôt que de se faire balayer par un processus démocratique qui ne tolèrera aucun coup tordu, aucune mascarade, aucune entorse aux valeurs cardinales de la démocratie et de l’état de droit, et surtout aucune entorse aux dispositions de la constitution de 1992.
Le président Macron était presqu’effarouché par ma question de savoir s’il va encore recevoir l’usurpateur de pouvoir Faure Gnassingbé et sa clique de pilleurs de la république. Avant de me répondre, il m’a presque tapé sur la main, avant de prononcer la fameuse phrase qui a TOUT DIT sur sa position et celle de la FRANCE au sujet du régime Gnassingbé RPT-UNIR qui doit dégager maintenant du pouvoir au Togo: « Est-ce que je l’ai reçu? Est-ce que je l’ai reçu en voyage bilatéral? Ou est-ce que je m’y suis rendu?»
On comprend vite aussi bien par sa gestuelle que par l’expression sur son visage, le dégoût qu’éprouvent Emmanuel Macron et l’Élysée envers Faure Gnassingbé et son régime; un rejet pur et simple, une FIN DE NON RECEVOIR opposé publiquement aux multiples tractations, sans doute indécentes et éprouvantes, effectuées par le régime mafieux de Lomé2 pour être reçu par le président français ou pour l’inviter à Lomé.
Par sa déclaration et la posture dont elle témoigne, le président Macron a fait honneur à sa personne et à la fonction qu’il occupe. Il a manifesté sa méfiance et son refus de se compromettre avec un régime inhumain dirigé par un tribun qui a une conception autistique du pouvoir d’État, qui refuse d’entendre raison et qui, à cause de ses méthodes rustres, non seulement embarrasse bien de dirigeants en Afrique et dans le monde, mais aussi est devenu infréquentable.
Après avoir pris le pouvoir, de manière illégale, anticonstitutionnelle, dans le sang de milliers de ses compatriotes, Faure Gnassingbé aurait pu se réconcilier avec le peuple et ouvrir la voie à une véritable réconciliation du peuple avec le régime sanglant que son père a mis en place. Il aurait pu procéder à une rupture avec les habitudes et pratiques criminelles, liberticides et de mal-gouvernance de la maison et du régime de son père, relancer le processus de démocratisation, favoriser l’alternance et prioriser le développement pour mettre le Togo sur la voie de l’émergence! Mais qu’est-ce qu’il a fait? Il a préféré conserver le pouvoir par des mascarades électorales coiffés de hold-up, et ériger le brigandage d’Etat, la corruption, le pillage systématique des ressources du pays, les malversations en tous genres et à tous les niveaux de l’appareil d’Etat des sociétés d’Etat et des finances publiques, ainsi l’impunité et les crimes politiques en méthodes de gouvernement.
Au régime dictatorial Gnassingbé-RPT-UNIR qui interprète le message de Macron dans le sens de ses illusions et son rêve pieux de maintien de Faure Gnassingbé au pouvoir, j’offre le décryptage suivant :
QUAND MACRON DIT :
-Elections, pensez-vous qu’il dit élections dans la tradition dictatoriale faites de mascarades de tous genres et de hold-up pour finaliser le tout ? Je ne pense pas…
-Quand il parle de limitation de mandats dans le temps, pensez-vous qu’il le dit dans le sens de remise à zéro du compteur, ou il en parle en laissant une porte ouverte à des forfaitures supplémentaires du régime pour un maintien de Faure Gnassingbé ? Ça aussi, je ne le pense pas, parce que la CONSTITUTION DU PEUPLE de 1992 a déjà légiférée en la matière en disant clairement qu’EN AUCUN CAS, NUL NE PEUT FAIRE PLUS DE 2 MANDATS AU TOGO. Faure Gnassingbé est dans son 3e mandat : IL NE PEUT PAS ETRE PLUS HORS-LA-LOI, PLUS ILLÉGITIME ET PLUS ANTICONSTITUTIONNEL QUE CELA !
-Quand Macron parle de souveraineté, il parle certainement du peuple Togolais, et non d’un Etat qui existerait et régenterait la vie des Togolais sans leur consentement.
Je profite pour saluer la création et le travail courageux du mouvement EN AUCUN CAS, ainsi que la récente sortie de l’APED représentée par les 3 juristes (Me Zeus Ajavon, Me Djovi Gally et Me Jean Dégli) qui, bien qu’ayant été empêchée, a quand même accouché d’un document, d’une déclaration qui, non seulement renforce toutes les exigences du peuple, mais aussi reprécise que Faure Gnassingbé ne peut plus se présenter à une présidentielle au Togo.
Le président Macron qui est un leader jeune et qui a un avenir prometteur, ne peut pas se compromettre avec le leadership rétrograde et médiocre incarné par Faure Gnassingbe et son entourage. Faure visiblement n’a rien appris d’autre que les méthodes rustres et machiavéliques pendant les nombreuses années qu’il a passées dans l’ombre de son géniteur dictateur.
Le président Macron a raison de prendre ses distances de ce régime autocratique, antidémocratique, illégal et illégitime que le peuple du Togo a rejeté. ET IL L’A DIT HAUT ET FORT.
En 2005 comme au jour d’aujourd’hui, JE SUIS INDIGNÉ, OUTRÉ et RÉVOLTÉ par le fait que ce régime continue de RIDICULISER le PEUPLE TOGOLAIS et que la France garde un SILENCE COUPABLE comme si on était dans une situation ou un jeu politique normal et équitable!
Alors, QUAND JE ME SUIS RETROUVÉ en face du président Macron, j’ai tenu à lui exprimer les sentiments du peuple togolais par rapport à l’attitude de la France! Et le président Macron a compris, peut-être pas au début de l’entretien, mais vers la fin, qu’il doit parler un AUTRE LANGAGE QUE CELUI DE LA DIPLOMATIE, qu’il doit ETRE VRAI ET CREDIBLE! ET IL N’A PAS dérogé à cette OBLIGATION HISTORIQUE.
A l’animateur Elysée Ngangue de PLANÈTE RADIO FRANCO de Calgary (Canada), qui m’a demandé «Et si tout ce que le président Macron a dit n’est que du bluff ?», j’ai répondu en disant que le président Macron a parlé dans un espace international, et qu’à moins de vouloir perdre toute crédibilité, IL DEVRA AJOUTER DES ACTES À SA PAROLE !
Il est le seul chef d’Etat français à avoir franchi le pas dans le sens de la rupture avec la France Afrique ; il faut l’encourager à aller plus loin.
Le président Macron a adopté un langage direct qui s’éloigne de la politique africaine habituelle de l’Elysée. Quand il avait annoncé une rupture avec la France Afrique, personne ne lui avait fait foi, à cause certainement des promesses non tenues de ses trois prédécesseurs, Chirac, Sarkozy et Hollande. Par conséquent, il sait que l’opinion africaine et l’opinion internationale l’attendent de pied ferme sur sa promesse de rupture avec la FranceAfrique. Il a compris qu’il était temps pour lui de franchir un pas décisif dans la mise en œuvre de cette rupture avec la FranceAfrique ; et il a voulu saisir l’occasion de notre entretien sur la grave crise que traverse le Togo pour approfondir son discours sur la rupture et surtout dire le fond de sa pensée en ce qui concerne le Togo en particulier et la politique africaine de l’Elysée en général.
A la fin, le président Macron n’a pas fait que livrer des secrets diplomatiques ou des secrets d’Etat; il a mis son honneur et sa crédibilité en jeu; il n’a pas d’autre choix que d’ÊTRE INTÈGRE.
Le chef d’Etat français qui aura le courage de réaliser une rupture totale avec la FranceAfrique et ses réseaux, aura rendu un très grand service au peuple français pour des décennies et des décennies à venir ; c’est pour cela que nous trouvons la fin de la déclaration du président Macron très intéressante parce parmi TOUS LES CHEFS D’ETAT qui se sont succédé à la tête de la France au cours des 5 dernières décennies, il est le seul à avoir fait un si grand pas dans le sens de la rupture en si peu de temps de mandat ; et cela est à son crédit, et c’est pour cela que nous pensons qu’il faut l’encourager à pousser plus loin pour réaliser le rêve des populations d’Afrique et aussi de France afin que ces deux peuples se sentent bien l’un avec l’autre, et que les relations de la France avec notre pays soient revues dans les intérêts de nos deux peuples, de nos deux pays, sans qu’il y ait de perdant.
Votre mot de fin
Je voudrais dire au vaillant Peuple Togolais qui combat pour la reconquête de son indépendance et de sa souveraineté, ainsi que pour les droits de l’homme et la démocratie, que son combat est TRÈS LÉGITIME et que LA LUTTE POPULAIRE EST INVINCIBLE.
La victoire du peuple sur la dictature cinquantenaire est proche. Nous sommes dans la dernière ligne droite; la nuit à été longue, mais le jour vient!
Par conséquent, j’encourage les populations des villes et des campagnes du Togo, les forces démocratiques de la C14, de la société civile et de la diaspora qui se sont levées contre la dictature Gnassingbé RPT-UNIR à rester debout et unis, et à combattre sans relâche pour conclure rapidement la lutte.
J’invite aussi les membres du régime dictatorial Gnassingbé RPT-UNIR, et des Forces Armées Togolaises qui sont contre la dictature et veulent la paix pour jouir des bienfaits de la démocratie dans un Togo nouveau et prospère, à se joindre aux forces démocratiques le plus vite possible pour hâter la fin de la dictature. «Ils ont la force. Ils pourront nous asservir. Mais on ne tient les mouvements sociaux ni par le crime ni par la force. L’histoire est à nous et ce sont les peuples qui la font », dit Salvador Allende.
L’ÉTERNEL BÉNISSE LE TOGO
Source : L’Alternative No.712 du 22 juin 2018
27Avril.com