Ass Ayigah est sans conteste l’un des chorégraphes les plus doués de sa génération. Il a fait gagner au Togo sa 1ère médaille d’or aux Premiers jeux de la francophonie au Maroc en 1989. Directeur artistique de la Compagnie Ayigafrik Dance établie au Royaume-Uni, Ass Ayigah annonce son retour au pays. Mais avant, il a voulu accorder une interview à L’Alternative.
Bonjour Ass Ayigah. La nouvelle génération d’artistes et de férus de l’art ne connaît pas Ass Ayigah. Si vous devez vous présenter?
Vous avez raison. Je me présente donc pour la nouvelle génération. Je suis Togolais et Professeur de danse à l’Universite d’Essex en Angleterre. Je suis l’un des rares chorégraphes africains qui tente une recherche personnelle sur la danse traditionnelle et contemporaine. Directeur artistique de la compagnie «Ayigafrik Dance», Ass Ayigah est également membre du Comité international de danse de l’UNESCO. Je suis établi en Angleterre depuis 2000.
Comment se porte la compagnie Ayigafrik Dance?
Ayigafrik Dance se porte à merveille. Bien sûr cela fait très longtemps, je suis perdu dans la circulation artistique au Togo. Par contre, j’évolue beaucoup en Europe, précisément en Angleterre où je présente mes œuvres chorégraphiques aux festivals, dans les salles de théâtres et dans plusieurs communautés pour faire valoir la culture africaine. Je dois donc dire qu’Ayigafrik Dance garde toujours son talent. La preuve, depuis qu’elle a présenté la création chorégraphique en 2004 intitulée « I’am Hungry », elle est sollicitée à Séoul (Corée du Sud), Basildon, Southend, London et dans plusieurs villes d’Angleterre.
La compagnie est en production permanente dans le domaine des spectacles. Ayigafrik Dance est agréée par le Royaume Uni où elle fait beaucoup de prestations artistiques. Elle contribue à la diversité culturelle en Essex, la préfecture dans laquelle je réside. Ayigafrik Dance a été invitée en 2011 sur la chaîne Sky TV dans le show « Got Talent ». Elle a également été invitée en 2017 en Famalicao au Portugal. La compagnie est membre du Conseil international de la danse (CID) de l’UNESCO. La danse africaine est un thème souvent rencontré de nos jours, et grâce à notre culture Africaine. La danse africaine se développe en Europe, dans des institutions culturelles internationales, surtout dans les écoles et Universités occidentales.
Parlez-nous des circonstances dans lesquelles votre spectacle « Et la femme découvrit l’homme » a décroché la 1ère médaille d’or aux Premiers jeux de la Francophonie au Maroc
« Et la Femme découvrit l’homme » est l’une de mes pièces chorégraphiques qui a décroché, pour le compte du Togo, la 1ère médaille d’Or aux Premiers Jeux de la Francophonie au Maroc en 1989. C’était la 1ère fois en Afrique et dans le monde. C’était une grande joie pour moi et pour mon pays. A l’époque, je venais à peine de finir mes études à l’Institut national des arts d’Abidjan, et à l’EDEC chez mon Professeur Rose Marie Guirand, une chorégraphe ivoirienne. Pour la petite histoire, après quatre (04) ans d’étude en Côte d’Ivoire, je suis revenu au Togo et j’ai créé mon école de danse avec l’aide du proviseur feu Prince Agbodjan. Paix à son âme. Je donnais les cours de danse aux élèves du lycée de Tokoin. C’était une bonne initiative parce que la danse est thérapeutique. Elle contribue à une bonne circulation du sang dans le corps. Je dois également ajouter que je passais souvent à la Télévision nationale et sur Radio Lomé pour la promotion de la danse et de la chorégraphie.
En 1989, le Togo se préparait à participer aux 1ers Jeux de la Francophonie au Maroc. Je me rappelle qu’Agbeyome Kodjo était le ministre de la Culture. Il voulait présenter un spectacle vivant, la chorégraphie à ce grand rendez-vous culturel. Senouvo Agbota Zinsou était le Directeur de la Troupe Nationale de Ballet et on m’a sollicité. En moins d’une heure, j’ai trouvé une idée géniale, «Et la femme découvrit l’homme», Je l’ai écrite la même semaine et le texte a été présenté au ministre de la Culture. La préparation du travail et la chorégraphie a duré quatre (04) mois dans l’enceinte du Lycée de Tokoin. Au Maroc, 53 pays francophones étaient présents. Lorsque j’ai vu les spectacles des autres pays, je ne me suis pas inquiété. Mais, les performances des autres pays occidentaux étaient aussi très fortes. Beaucoup ont aimé la création «Et la femme découvrit l’Homme». Ils l’ont trouvée géniale, fantastique et originale. C’est une danse contemporaine, jouée par 16 personnes (6 femmes, 6 hommes et 4 percussionnistes) sur la scène. Pour l’anecdote, il y avait un chorégraphe belge qui m’avait avoué à l’époque qu’il ne savait pas que les gens faisaient aussi de la danse contemporaine. Et je lui avais répondu que nous n’étions pas nombreux.
Comment trouvez-vous le monde culturel Togolais aujourd’hui?
La culture togolaise souffre énormément. Après notre retour au pays, nos médailles d’or étaient bloquées au ministère de la Culture pendant 6 mois. Après, le ministère a organisé une réception pour nous remettre les médailles sans aucune récompense proprement dite. C’est bizarre non? En plus, après la médaille d’or, la troupe devrait faire une tournée dans certains pays francophones, mais ça n’a jamais eu lieu. Par contre, la pièce chorégraphique «Et la Femme découvrit l’Homme» a été rejouée par mes étudiants à l’Université d’Essex en 2015 à CliffTown théâtre in Southen-UK, au Royaume-Uni.
En général, la culture a besoin de l’argent, de l’encouragement, de la volonté. Depuis fort longtemps, le budget de la culture au Togo est faible par rapport aux autres pays de la sous-région ouest africaine. Les Togolais ont des talents, des génies en arts. Mon pays a besoin d’un centre culturel artistique pour former les chorégraphes, les comédiens, les artistes, les athlètes, les musiciens, les chanteurs, etc. Cela peut aider le pays à se développer culturellement comme le Nigeria, le Sénégal, etc. Il faudra dans ce centre culturel une dynamique d’équipe, la cohésion, l’engagement, les valeurs liées au travail et surtout, permettre aux artistes qui seront formés de développer des capacités managériales et de leadership.
La culture d’un peuple est le plus important dans l’environnement de chaque société. Il est indispensable d’humaniser le développement qui doit avoir pour ultime finalité la personne, considérée dans sa dignité individuelle et sa responsabilité sociale. Le développement suppose que chaque individu et chaque peuple aient la possibilité de s’informer, d’apprendre et de communiquer son expérience.
Comment votre intégration s’est-elle faite en Europe?
Tout d’abord, j’ai eu le contrat du Marché des arts et spectacles d’Abidjan (MASA) pour ma pièce chorégraphique «Le rêve de l’enfer». Ensuite ma compagnie Ayigafrik Dance était invitée au festival d’Aberdeen City Scotland en Angleterre. C’était une grande tournée européenne avec ma chorégraphie «Le rêve de l’enfer». Déjà au MASA à Abidjan, le public a aimé le spectacle et disaient que je suis un génie. C’est à la suite de cela que je me suis installé en Angleterre à cause du contrat d’Aberdeen. Je savais déjà que la culture est un canal d’intégration la plus rapide. En plus, mes capacités techniques de base m’ont beaucoup aidé.
Envisagez-vous d’ouvrir une salle de danse au Togo?
C’est mon premier souhait. Je tiens toujours à aider mon pays. La salle de danse que j’avais créée au Lycée de Tokoin avait beaucoup aidé le Togo, l’Afrique et l’Europe. Plusieurs de mes élèves enseignent la danse en Europe. Certains ont même créé leurs propres compagnies. Moi-même, je continue à enseigner les arts chorégraphiques à l’Université. La danse africaine se développe en Europe, dans des institutions culturelles internationales, surtout dans les écoles et universités occidentales. Les cours de danse africaine se multiplient en Europe, en Amérique et aux festivals. Les chorégraphes africains à travers la danse promeuvent les valeurs culturelles et originales de leurs pays pour les faire connaître à travers le monde. Grâce à mes cours de danse à l’Université d’Essex, certains étudiants arrivent à découvrir le Togo. J’interviens également dans les rencontres, dans les échanges, dans les débats au cours desquels la danse, notre patrimoine commun en Afrique, fait objet.
Un mot pour clôturer cet entretien
Je vous remercie énormément pour cet entretien. Je lis régulièrement votre journal L’Alternative. Je serai de retour bientôt au Togo.
Source : L’Alternative
27Avril.com