Togo / Installation d’un camp militaire sur 400 hectares à Guérin-Kouka : Les populations crient à la spoliation

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Au Togo, les camps militaires sont plus nombreux que les hôpitaux, les centres de loisirs et les laboratoires de recherches. Le pays est déjà assez militarisé, mais d’autres garnisons militaires vont bientôt voir le jour. C’est le cas à Guérin-Kouka dans la préfecture de Dankpen. Les villages de Koumer, Koudjergmado et Boutchatchal sont menacés de disparition.

Depuis plusieurs mois, certains villages de la préfecture de Dankpen sont menacés de disparition. Les habitants ont été sommés de quitter les lieux dans les plus brefs délais, et tout est fait pour les y contraindre. Et pour cause, le domaine foncier qui les abrite serait désormais la propriété des Forces armées togolaises (FAT). En tout cas, c’est ce qui leur a été dit quand ils ont cherché à connaître les raisons de ce déguerpissement brutal, forcé et sans indemnisation. L’armée a acheté le terrain, leur a-t-on simplement répondu.

Les inquiétudes ont été plus grandes lorsque, se réveillant un jour, les habitants ont vu des travaux de délimitation se faire près de leurs maisons et champs, en plein villages centenaires. Des bornes portant l’inscription « domaine militaire » ont été plantées un peu partout. « Nous ne savons pas ce qu’il se passe dans notre localité. Nos villages vont disparaître au profit d’un camp militaire. Nos champs aussi. Et on nous dit que l’armée a acheté les terrains, alors que nous ne savons rien de cela. Est-il possible qu’en 2022 quelqu’un vende les terrains jusqu’à y inclure son village et sa propre concession ? », s’indigne une source locale.

Cette installation d’une garnison militaire est mal vue dans la localité dont les habitants ont vécu et continuent de vivre des moments difficiles. En effet, pendant plusieurs années, la préfecture de Dankpen a été dirigée d’une main de fer par l’actuel Chef d’Etat-Major général des FAT, Dadja Maganawé. Alors préfet dans la localité, les témoignages des populations lui attribuent plusieurs actes inhumains et dégradants. Installer un camp dans la localité est donc synonyme pour les habitants d’un retour de jours sombres.

En dehors de la perception sur ce camp militaire, la procédure d’acquisition du terrain par l’armée pose problème. Selon les informations, il y a plusieurs années, les autorités militaires et un cadre du milieu ont demandé la mise à leur disposition d’un domaine de 10 hectares pour y implanter un camp militaire. La démarche a été approuvée et le domaine mis à la disposition de l’armée. Il faut savoir qu’il n’était pas question d’un achat, mais d’un don. Quelques années après, il ne s’agit plus de 10 hectares, mais de 400 hectares qui seraient achetés par l’armée.

Les populations se demandent alors où elles peuvent aller si elles sont privées de leurs terres, leur seule et unique source de revenus. « Les populations refusent de quitter le milieu parce qu’elles ne savent pas où aller, et ce qu’elles vont devenir si elles perdent du jour au lendemain leurs champs. Si l’armée veut ces terrains, il faut qu’elle les achète en bonne et due forme. Et s’il doit y avoir expulsion, il faut que cela se passe dans les normes », souligne un cadre de la localité saisi par les populations sur le mal qui les guette. « Déjà que la localité est minée par des conflits fonciers, cette expulsion va occasionner plus de litiges dans le milieu. Il y aura forcément la déscolarisation de nombreux enfants dont les parents vont se retrouver sans terres et sans ressources. La famine va s’installer parce que les gens n’auront plus d’espaces cultivables. Cela va engendrer le vol, le banditisme, et avec l’affaire d’extrémisme terroriste, la situation va vite dégénérer », avertit un autre fils du milieu.

Dans un échange téléphonique avec le président du CVD de Koumer, l’un des villages concernés, nous avons compris le désespoir qui s’est emparé de la localité. « Les propriétaires terriens sont là. Nous ne pouvons pas affronter l’armée. Ils sont venus poser les bornes, et nous nous demandons ce que nous allons devenir », a-t-il dit.

De son côté, le chef canton de Guérin-Kouka souligne n’avoir pas été associé à cette transaction. « Nous ne sommes pas informés. Ils n’ont eu aucune discussion avec nous. Le Général est venu nous dire qu’ils allaient installer un camp militaire. Depuis, nous n’avons plus eu de ses nouvelles », a déclaré l’autorité traditionnelle.

Au village de Koumer, on dit ne rien comprendre dans cette affaire. « Nous avons vu les militaires faire la ronde dans le village et après, on a vu les bornes. Je suis allé voir le chef canton de Guérin-Kouka qui m’a dit que lui aussi n’est pas au courant. On nous chasse de nos terres parce que nous serions des étrangers. La justice est muette sur le dossier. Tout le monde a peur des militaires qui peuvent se mettre à nous tabasser, même si nous avons raison », confie Nimblikin Timobe, chef du village de Koumer. Au niveau des forces armées togolaises, les responsables sont formels : « L’armée a acquis le terrain en bonne et due forme. Tout est en règle. Nous avons un titre foncier ».

Contrairement à cette affirmation de l’armée, les responsables des Démocrates socialistes africains (DSA) très impliqués dans la résolution pacifique de cette crise s’indignent que les choses n’aient pas été faites conformément à la loi. « Comment les titres fonciers peuvent être établis sans qu’un bornage contradictoire n’ait été fait afin que les concernés réagissent ? », s’interroge Targone Sambiri N’Wakin, Secrétaire Général des DSA. « Si les chefs traditionnels ne sont pas informés, c’est que le droit de propriété a été acquis sous la pression », assure l’ancien député.

Le parti lance un appel à l’opinion nationale et internationale et aux organisations des droits de l’Homme pour qu’une solution soit trouvée à cette affaire.

En rappel, ce sont quand même plus de 720 milliards que le régime compte décaisser pour le compte de l’armée. Doit-on comprendre que l’armée a effectivement décaissé des fonds pour acquérir ce domaine, sans que l’argent n’atterrisse entre les mains des propriétaires terriens, ou bien est-on en face d’une expropriation sans compensation ? L’Etat-major général des FAT est interpellé pour éclairer la lanterne des populations.

G.A.

Source : Liberté / libertetogo.info

Source : 27Avril.com