Qu’est-ce qui a provoqué les incendies au marché de Hanoukopé ? Les enquêtes ne l’ont pas encore révélé. En entendant, ce serait l’œuvre d’esprits qui n’auraient pas été associés à la construction du marché.
Le dimanche 10 avril 2022 dans la soirée, un incendie s’est déclaré au marché « Le Togo » de Hanoukopé. Les dégâts matériels ont été importants, estimés à plusieurs dizaines de millions de francs CFA. Heureusement, aucune victime humaine n’a été déplorée. Le lendemain et les jours qui ont suivi, on a assisté à un ballet de personnalités politiques.
D’abord, c’est une délégation de la mairie qui s’est rendue auprès des victimes pour leur apporter le soutien de l’administration municipale. « Nous avons déjà donné des instructions pour qu’on les recense avec les lieux. Après, nous irons dans les mesures de chiffrages pour évaluer les dégâts en chiffre en matériel. Il y aura une réunion du conseil municipal que le maire va convoquer pour pouvoir prendre des dispositions suite aux investigations liées aux dégâts matériels », a déclaré Souleymane Alassani, Secrétaire Général de la Mairie Golfe 4.
La visite de la délégation municipale a été suivie le lendemain de celle d’une délégation gouvernementale conduite par Kodjo Adédzé, ministre en charge du Commerce, de l’Industrie et de la Consommation locale. Il était en compagnie de Mmes Adjovi Lonlonyo Apédoh-Anakoma de l’Action sociale, Myriam Dossou-d’Almeida du Développement à la Base et Mazamesso Assih de la Finance Inclusive. Le préfet du Golfe, le Commissaire Kossi Dzinyefa Atabuh était également de la partie.
« Dès que le chef de l’Etat a été saisi de ce sinistre, il a donné des instructions au Premier ministre qui nous a dépêchés sur les lieux, pour rencontrer ces femmes et leur présenter, au nom du gouvernement, nos regrets et notre compassion par rapport à cet évènement malheureux. Il est également question, après cette visite, de faire un compte rendu pour que des actions d’accompagnement et d’atténuation de l’impact de cet incendie puissent être adressées », a promis le chef de la délégation gouvernementale.
Les promesses faites aux victimes n’avaient pas encore été traduites en actions qu’un second incendie frappe le même marché, à proximité de l’endroit où s’est déclaré le premier. C’était dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2022.
Comme dans le précédent drame, le même ballet de personnalités a été encore observé. Interrogé sur la répétitivité des incendies, les autorités municipales soulignent qu’il y a lieu d’y voir clair.
« Non pour le moment. Il parait que la gendarmerie est passée ce matin, a procédé à des investigations pour vérifier l’origine de l’incendie. Donc je préfère laisser ça à la gendarmerie (…) Il faut commencer à s’interroger sérieusement », a déclaré Jean-Pierre Fabre.
Deux mois après l’incendie du 10 avril et deux semaines après celui du 1er juin, aucune information n’a été portée à l’endroit des victimes, encore moins ceux qui alimentent le marché de leurs produits et autres articles. Les commerçants sont toujours dans le noir, la peur d’un troisième incendie au ventre. Ils espèrent simplement qu’aucun nouveau drame ne les atteindra. La piste spirituelle évoquée« La nature a horreur du vide », disait Aristote.
En l’absence de résultats des enquêtes sur les incendies du marché de Hanoukopé, les commerçants se posent toujours des questions. Certains d’entre eux ont pris le devant de la situation en investiguant à leur manière. D’après eux, certaines femmes commerçantes ont cherché à comprendre la situation en passant par le spirituel.
« Elles sont allées voir les chefs traditionnels de Gbadago, Amoutivé et Hanoukopé pour leur faire part de leur intention de consulter les esprits pour voir ce qu’il se passe dans le marché. Elles sont revenues informer les autres commerçants que d’après les esprits, les incendies seraient l’œuvre d’un esprit de serpent dénommé « Aklobo » qui n’aurait pas été consulté avant l’implantation du marché », rapportent nos sources.
« Il y a quelques années, des cotisations ont été faites pour entreprendre des cérémonies et ériger un fétiche dans le marché, mais la personne en charge a disparu avec les millions collectés. Il faut donc repenser à faire la cérémonie », explique une dame.
Cette proposition d’érection de fétiche au sein du marché n’a naturellement pas été approuvée, les commerçants évoquant une entorse à la foi de ceux qui ne sont pas animistes. Il est connu de tous que dans un marché, musulmans, chrétiens, animistes et athées y exercent. Difficile d’imposer la foi d’une seule partie. Mais si les commerçants en sont arrivés à recourir aux esprits, c’est parce que depuis le début, la Police nationale qui a l’expertise scientifique, ne s’est pas montrée intéressée par ces incendies qui, pour de nombreuses sources, seraient d’origine criminelle.
En fait, si le gouvernement voulait réellement en connaître les véritables causes, ç’aurait été fait depuis plusieurs jours. Mais pas comme en 2013 où il n’avait fallu que quelques heures pour conclure que les auteurs présumés des incendies ont participé à une cérémonie au cimetière de Bè-Kamalodo, ont disparu par enchantement pour réapparaître dans le grand marché de Lomé et l’incendier. Il n’est pas question d’appeler les autorités à procéder à l’arrestation de pauvres innocents comme dans le passé.
Mais de toute évidence, le Togo n’a pas besoin de l’expertise française ou israélienne pour arriver à connaître la cause de ces incendies répétitifs au marché de Hanoukopé. Des enquêtes sérieuses s’imposent pour mettre un terme aux polémiques. Gouverner autrement, c’est aussi ça.
G.A.
Liberté N° 3637 du Jeudi 16 Juin 2022
Source : icilome.com