Togo, Hausse des prix des produits pétroliers : Quid des mesures d’accompagnement ?

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Togo, Hausse des prix des produits pétroliers : Quid des mesures d’accompagnement ?

On ne l’avait pas vu venir. Mais une rétrospective des douze derniers mois des cours du pétrole d’une part, et du cours du dollar d’autre part permet de dire que le gouvernement pouvait procéder à une révision à la hausse des prix des produits pétroliers. Mais 10% d’augmentation, il faut avouer que c’est trop pour le Togolais moyen, surtout en ces temps de vache maigre. Cette décision repose la question de l’usage qui est fait des milliards collectés via le circuit du mécanisme d’ajustement des prix des produits pétroliers, détenu depuis des lustres par un certain Francis Adjakly et son clan.

Une nouvelle augmentation a été opérée lundi 27 août à partir de zéro. Désormais, le prix du super bondit de plus de 10% et est fixé à 548 FCFA. Le pétrole lampant à 490 FCFA, le gaz oil à 550 FCFA et le mélange 2 temps à 646 FCFA. Mais cette nouvelle tarification a-t-elle tenu compte de la manière et de la forme ? Absolument pas. Et pour cause.

Lors de la dernière opération de révision des prix des produits pétroliers intervenue le 26 septembre 2017, l’arrêté interministériel N°039/MCPSP/MEF/MME portant fixation des prix à la pompe des produits pétroliers avait énoncé les raisons et pris à témoin le Comité de suivi des fluctuations des prix des produits pétroliers (CSFPPP) avant de décider de l’augmentation. Huit articles ont constitué l’arrêté ; une nouvelle structure des prix pour le mois de septembre l’avait accompagné, de même qu’un différentiel transports carburants.

Afin de déterminer si une hausse des prix des produits pétroliers était opportune, nous avons remonté le temps et visité les prix du baril de pétrole depuis août 2017, soit un mois avant la baisse de septembre 2017 d’une part, et suivi le cours du dollar dans la même période. Ainsi, il est apparu qu’entre août 2017 et juillet 2018, le prix du baril de pétrole Brent est passé de 51,70 dollars à 74,25 dollars. Soit 22,55 dollars d’augmentation par baril.

Mais une augmentation du prix du baril justifie-t-elle une hausse de 50 FCFA sur le prix à la pompe ? Voici l’historique du dollar américain moyen, du prix du baril et du prix à la pompe d’août 2017 à juillet 2018.

Togo, Hausse des prix des produits pétroliers : Quid des mesures d’accompagnement ?

Le tableau indique une augmentation du prix du baril du Brent de 22,55 dollars, soit 32,23% entre septembre 2017 et juillet 2018. Dans le même temps, le dollar a varié de 1,98% entre ces deux périodes. Or, le mécanisme d’ajustement des prix des produits pétroliers au Togo demande un réajustement des prix lorsque la variation du prix du baril va au delà des 5%. En d’autre termes, le gouvernement serait dans son droit de procéder à un réajustement. Mais si les autorités doivent se baser sur le mécanisme d’ajustement institué par décret N°2002-029/PR, elles doivent alors se pencher sur les voies que prennent les milliards prélevés sur la somme des hectolitres et qui sont gérés « en toute dérogation » par l’équipe du sieur Francis Adjakly et son clan.

Nous avions déjà dénoncé cette pratique dans la parution N°2565 du 24 novembre 2017. Mais avec cette nouvelle augmentation, il revient aux associations de consommateurs et à la société civile de monter au créneau pour demander qu’un état des lieux soit effectué, au nom de la transparence tant vantée.

Dans le rapport de l’étude au fond du projet de loi de finances rectificative, gestion 2017, le ministre Sani Yaya avait laissé filtrer une information sur la quantité de produits pétroliers importés entre début janvier 2015 et fin octobre 2017. Soit 34 mois. Nous nous sommes basé sur les chiffres communiqués pour établir une situation précise de ce que rapporte la rubrique dénommée « mécanisme d’ajustement des prix » dont le principe consiste à prélever 200 FCFA sur chaque hectolitre vendu.

Selon les chiffres, le Togo a importé 4.974.809 tonnes de produits pétroliers entre janvier 2015 et fin octobre 2017. Une tonne de pétrole équivaut à 10 hectolitres. Un hectolitre rapporte 200 FCFA au Comité de suivi des fluctuations des prix des produits pétroliers.Alors, une tonne génère 2000 FCFA. Ainsi, selon les calculs, les 4.974.809 tonnes de produits importés entre janvier 2015 et c 2017 auront rapporté au total près de 9.949.618.000 FCFA au CSFPPP.

Ainsi, par un décret N°2002-029/PR portant création du mécanisme d’ajustement automatique des prix des produits pétroliers depuis 2002, feu Gnassingbé Eyadema a balisé la voie à une minorité au sein d’un comité coiffé par un certain Francis Adjakly pour se sucrer allègrement sur les prélèvements placés sous ce vocable. Il suffit de connaître le monsieur dont on parle pour comprendre comment 200 FCFA prélevés sur chaque hectolitre ont pu faire des milliardaires au sein de sa famille. Et c’est une phrase dudit décret qui a tout décidé.

En effet, l’article 12 du décret N°2002-029/PR dit que pour son fonctionnement, le Comité dispose de ressources constituées par les redevances du poste « mécanisme d’ajustement » inscrites dans la structure des prix des produits pétroliers en vigueur. « Elles sont gérées par dérogation faite aux principes généraux applicables en matière de comptabilité publique : un compte est ouvert à cet effet dans une banque de la place ». Et quand on se réfère à l’usage qui doit être fait de cette manne, on manque de faire un AVC.

L’article 13 du même décret dit que les ressources du Comité, plus précisément du poste «mécanisme d’ajustement » contenu dans la structure des prix sont affectées aux « dépenses relatives aux contrats d’achat des informations pétrolières « on line » par réseau satellite ; contrats de prestations de services ; abonnements ; investissements relatifs aux outils informatiques et de bureautique, aux équipements et produits chimiques du laboratoire d’analyse des produits pétroliers ; aux programmes de formation ; aux indemnités de missions; aux indemnités de présence des membres de la commission technique ». Pour combien de temps encore ce comité gérera-t-il selon ses humeurs les fonds publics issus du mécanisme d’ajustement ?

En attendant que réponse soit donnée à cette question –à moins que Faure Gnassingbé ne veuille laisser perdurer le statu quo-, ce sont les citoyens de classes moyenne et inférieure qui subiront le plus les effets de cette nouvelle hausse. Quant aux haut perchés, l’administration dispose de « bons d’essence » à profusion pour eux.

Abbé Faria

Source : Liberté

27Avril.com