« Tout changement est difficile au début, compliqué au milieu et magnifique à la fin» (Robin Sharma)
La politique togolaise est-elle gagnée par la gérontocratie ? La plupart des vétérans qui ont incarné la résistance à la dictature de Gnassingbé Eyadema, ont pris leur retraite politique, sauf le vieux leader de l’Union des Forces pour le Changement (UFC), Gilchrist Olympio et celui du Comité d’Action pour le Renouveau (CAR), Me Yawovi Agboyibo qui n’entendent pas quitter la scène. Au Togo, les temps ont bien changé. Mais les deux momies qui, en réalité, ont leur place dans un musée, rechignent à passer la main à la jeune génération, bien qu’ayant lamentablement échoué à terrasser démocratiquement Gnassingbé père. Croupissant sous le poids de l’âge, fatigués et souffreteux, ils se maintiennent avec force à la tête de ce qui reste de leur formation politique…quitte à s’identifier aux vieux autocrates africains qui exercent le pouvoir depuis des décennies et s’y accrochent désespérément.
Fin novembre 2017, l’octogénaire Gilchrist Olympio annonçait pourtant sa retraite politique. L’objectif étant, selon lui, de permettre aux jeunes de prendre la relève et d’impulser, par leurs compétences et leur dynamisme, un nouveau souffle à la lutte. C’était au temps fort de la crise sociopolitique dans laquelle était englué le pays. « L’UFC a toujours été en première ligne de la lutte pour l’alternance démocratique au Togo. Mon humble contribution a été d’amener cette force d’union et l’opposition togolaise pendant un temps vers son objectif ultime. Mais l’avenir de l’UFC, de la contestation politique et du Togo devront désormais être imaginés et poursuivis par des jeunes hommes et femmes de moins de 80 ans (…) qui pourront amener à la poursuite de leurs idéaux, avec la même énergie qui a été la nôtre afin que le Togo puisse redevenir dans un futur proche, une terre de fierté et d’excellence en Afrique », avait déclaré le patriarche qui, par la même occasion, avait demandé à Faure Gnassingbé d’entendre la voix dissonante de son peuple et d’y répondre avec courage pour « rentrer dans l’histoire en créant les conditions pour un changement pacifique de pouvoir » en 2020.
Mais le vieil opposant qui avait jeté aux orties quarante années de combat politique pour rejoindre avec armes et bagages le système qui a assassiné son père, va trahir pour une seconde fois les Togolais, en tournant casaque et en ravalant ses propos, avec la promesse de lui tailler un costume de chef de file de l’opposition. Gilchrist Olympio qui disait avoir pris sa retraite politique, est apparu le 26 avril 2019, faiblard devant l’Assemblée monocolore, exhibé comme un objet d’art de la République par son allié Faure Gnassingbé. Certaines sources l’annoncent comme potentiel candidat à la présidentielle de 2020.
Comme Gilchrist Olympio, le vieux bélier noir de Kouvé, Yawovi Agboyibo avait aussi pris une retraite paisible en laissant, en 2008, la direction de son parti, le CAR, à son protégé, Me Dodji Apevon, pour occuper juste un poste honorifique de président d’honneur. En réalité, le vieux briscard ne s’était jamais mis en retrait de la vie politique. Il était demeuré le vrai patron du parti qu’il avait fondé. Caressant le doux et hypothétique rêve de devenir président de la République, il a fait des misères à son successeur , lui a empoisonné la vie et réussi finalement à l’évincer pour reprendre le volant de son CAR en janvier 2017. A l’instar de l’UFC, le parti implose et la grande majorité des cadres rejoignent Dodji Apevon au sein des Forces démocratiques pour la République (FDR).
Après avoir claqué avec fracas les portes de la Coalition des 14 partis de l’opposition (C14), Me Yawovi Agoyibo, en perte de vitesse, fait parler de lui encore en s’alliant avec deux minuscules formations politiques, le MCD et le NID, pour une coalition dite « rénovée » dont les Togolais ont du mal à jauger l’opportunité.
Médard Ametepe
Source : Liberté No.2929 du 27 mai 2019
Source : www.icilome.com