Togo, Gestion des communes d’Aného et de Kpalimé exercices 2010-2015 : La Cour des comptes relève les insuffisances des délégations spéciales

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Aneho ville tricentenaire

Après plus de trente années de gestion des localités par les délégations spéciales, ces dernières ont cédé la place aux conseils municipaux élus en juin 2019. Comment ces délégations spéciales nommées par le pouvoir ont-elles géré les communes ? Dans des rapports publiés par la Cour des comptes, le voile est levé sur un pan de cette gestion catastrophique. Il s’agit, en résumé, d’une gestion en totale méconnaissance et violation des lois.

La Cour des comptes à mis en ligne les rapports sur la gestion des communes d’Aného et de Kpalimé courant exercices 2010-2015. Et les résultats éclairent sur l’amateurisme, la violation des procédures et la méconnaissance des textes régissant la gestion des biens de la communauté.

Par rapport à la ville d’Aného, les auditeurs de la Cour ont recensé de nombreuses irrégularités, lacunes et insuffisances. Ils ont pointé du doigt la méconnaissance de la loi régissant la gestion des collectivités territoriales, l’absence d’organigramme et de fichier du personnel ainsi que la gestion irrationnelle des ressources humaines. « Après examen des dossiers du personnel, la Cour a constaté que malgré les multiples tâches dévolues à la commune, elle n’emploie que vingt (20) agents. En outre, il est constaté que des tâches techniques comme l’état civil, la gestion des documents d’urbanisme, la tenue de la comptabilité-matières, sont confiées aux agents sans qu’ils aient la formation appropriée », précise le rapport dans lequel il est déploré l’utilisation abusive des agents temporaires sans contrat de travail depuis plusieurs années.

A Aného, le rapport a noté le manque d’attestation de prise de service, la non tenue de registres des délibérations, la délégation irrégulière de signature, la mauvaise appellation du budget, l’absence de débat d’orientation budgétaire, la non implication de toutes les structures dans l’élaboration du budget, la non production de l’acte d’approbation du budget primitif, le non-respect des procédures de délibération pour l’adoption du compte administratif, et la confusion entre prélèvement obligatoire et excédent de fonctionnement capitalisé.

La délégation spéciale de la ville d’Aného est aussi accusée de fusion inappropriée des comptes «entretien du cimetière municipal» et «entretien des marchés». Pourtant, la règle de spécialité des crédits budgétaires exige la séparation des lignes par nature spécifique des dépenses dès leurs prévisions. « La Cour constate que dans les budgets et comptes de 2010 à 2015, les deux rubriques «entretien cimetière» et «entretien des marchés» ont été fusionnées en un seul paragraphe intitulé «Entretien cimetière et marché». Cette présentation ne permet pas de distinguer et d’apprécier les montants alloués à chacune de ces activités », relève la Cour des comptes.

Elle déplore ensuite la gestion peu efficace des déchets marquée par l’absence de sites intermédiaires et finaux dans la ville vers lesquels doivent être acheminées les ordures ménagères, l’hostilité des chefs de quartier et une partie de la population envers les sites retenus par le projet d’assainissement de la ville. Il faut ajouter à ces insuffisances le mauvais entretien du cimetière et de la plage, celui des latrines publiques et une absence d’hygiène dans l’exploitation de l’abattoir. « La Cour a aussi constaté, lit-on , que les bouchers traitent directement les produits de l’abattoir dans la lagune où une partie de la population se soulage. Ils se servent de cette eau souillée et de celle impropre d’un puits situé à proximité de l’abattoir. Cette situation de pollution peut être porteuse de maladies pour la population qui non seulement, consomme les produits de cet abattoir, mais aussi utilise l’eau de la lagune et celle du puits ».

Sur le plan financier, les observations de la Cour des comptes vont de l’insuffisance dans le contenu du compte de gestion à celle d’informations de base relatives à certaines recettes en passant par le non-respect de la procédure comptable du prélèvement obligatoire, le non établissement d’un plan de trésorerie, la négligence du paiement des cotisations à la CNSS et l’absence de restes à recouvrer. « Les comptes de gestion sur la période sous revue ne mentionnent pas de restes à recouvrer. Le total des émissions est toujours égal au total des recouvrements. En ce qui concerne cette situation, le comptable a déclaré que les titres émis par l’ordonnateur sont recouvrés par les services de ce dernier et les produits lui sont ensuite reversés. Cette pratique instituée par l’ordonnateur constitue une infraction à la procédure de recouvrement des recettes et au principe de la séparation des fonctions. L’usage de cette pratique est propice au détournement de deniers publics », constate la Cour.

La confusion entre transfert et virement de crédit est également soulignée. La Cour note également que des transferts ont été faits, mais n’ont pas fait l’objet de délibérations ni d’approbations de la part de l’autorité de tutelle.

Enfin, la gestion du patrimoine est marquée par la négligence et la cession de la gestion de certains éléments du patrimoine dans des conditions préjudiciables à la commune. « Les biens meubles et immeubles constituent l’actif du patrimoine qu’une collectivité doit préserver et en tirer des revenus. Tel n’a pas été le cas dans la commune d’Aného, particulièrement pour la gestion des biens immeubles où les constats suivants ont été effectués: absence de répertoire des biens immeubles de la collectivité, et défaut d’immatriculation de certains immeubles », relève la Cour des Comptes.

Pour Kpalimé, les observations sont pratiquement les mêmes. La Cour évoque la non-disponibilité de documents fondamentaux régissant la collectivité, la non inscription de certaines informations prescrites par la loi dans les procès-verbaux et les délibérations, le non-respect du contrôle de légalité des délibérations, l’absence d’informations relatives à la présidence des séances d’adoption des comptes administratifs, la confusion entre une délibération et un procès-verbal, le recours inapproprié à des notes de service et décisions en lieu et place d’arrêtés ou de délibérations, le recrutement des agents sans concours, la négligence de la formation du personnel, le dysfonctionnement dans la gestion administrative de la commune, le non-respect de certaines conditions de production des comptes de gestion, l’absence de diligence dans la procédure d’adoption du budget, et le non-respect du délai d’adoption du budget. « Conformément à l’article 334 de la loi du 13 mars 2007, « le budget primitif doit être adopté avant le 1er janvier de l’exercice auquel il s’applique. S’il n’est pas adopté avant cette date, le ministre chargé de l’administration territoriale règle le budget et le rend exécutoire ». Il a été constaté que le budget 2013 a été adopté le 14 février 2013 avec un retard d’un mois quinze jours, sans qu’aucune explication n’ait été donnée dans son rapport de présentation ni dans la délibération portant son adoption », écrit le rapport qui déplore la non adoption des comptes administratifs par la délégation spéciale.

Sur la gestion des recettes, le rapport note le non-respect de la procédure d’émission des titres de recettes, la négligence dans la mobilisation des recettes provenant des produits domaniaux, la gestion peu orthodoxe et à risque d’un patrimoine immobilier mal maitrisé. « Parmi les constats qui justifient cette observation, on peut relever quatre points essentiels : 1) La violation de la loi dans l’attribution ou la location des parcelles dans le patrimoine domanial communal. 2) L’attribution des parcelles à des particuliers pour des constructions d’immeubles dans des conditions peu sécurisées. 3)L’attribution des parcelles à des particuliers pour exercice d’activités ou pour installation sans mention de certains éléments essentiels. 4) L’application de tarifs irrationnels. L’examen des contrats de location et de bail a permis de constater que les superficies louées ou mises en bail ne figurent pas dans certains contrats et que les tarifs appliqués ne reposent sur aucune base rationnelle. Il est, en effet injuste et surprenant qu’une personne qui occupe une superficie de 84 m² paye 5000 F par mois alors que celui qui occupe une superficie de 178 m² ne paie que 2000 F pour la même période », lit-on dans le rapport.

La gestion de la commune de Kpalimé de 2010 à 2015 est aussi marquée par l’absence de mesures de sécurisation des recettes perçues, des dépenses du personnel trop importantes par rapport à l’ensemble des dépenses de fonctionnement, la négligence de certaines dépenses utiles, celle de certaines dépenses obligatoires auxquelles s’ajoutent le non-respect du principe de la spécialité des crédits, le paiement de mandats sans acquit libératoire ou encore le paiement de diverses indemnités et primes sans fondement juridique. La Cour a enregistré des primes et indemnités pour services rendus au préfet, par exemple.

G.A.

Source : Liberté

Source : 27Avril.com