Togo / Front social: Menaces et préavis de grèves en cascade

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Le front social en ébullition, c’est un euphémisme. Loin du calme apparent imposé par le pouvoir depuis 2020 en l’absence de manifestations publiques de contestation ou de revendication, le front social bouillonne en silence. A côté des mouvements déjà actés, des préavis de grève tous azimuts sont déposés sur la table des employeurs dans plein de sociétés. Des actions/démarches qui mettent en lumière des problèmes de fond non résolus. Etat des lieux.

Ce sont les employés de la CEET qui ont donné le ton mardi, avec un sit-in au sein de l’entreprise. Démission de la ministre (en charge de l’Energie et des Mines, Mlle Mila Aziablé, Ndlr), application des 10 mesures du Président de la République, Faure au secours, revalorisation de la prime de transport, application du reste du taux d’inflation avec rappel; ce sont là des messages visibles sur les pancartes brandies mardi et mercredi dernier, entre autres revendications.

Tentative de désamorçage

Cette manifestation a été tenue, non sans manœuvres de dissuasion de la Direction Générale. La veille, soit le lundi 21 novembre, elle a tenté de désamorcer le sit-in, par un communiqué.

« Par une note d’information du 18 octobre 2022, la Direction Générale avait porté à la connaissance du personnel qu’après les discussions et accord avec les partenaires sociaux sur la revalorisation salariale avec effet à compter du 1er octobre 2022, la Direction Générale avait transmis le procès-verbal des séances aux organes de gestion de la Compagnie pour leur approbation en vue de la mise en œuvre de l’accord et que n’ayant pas pu obtenir l’approbation attendue avant le délai de traitement de la paie du mois d’octobre 2022, la Direction Générale a envisagé de reverser sur la paie du mois de novembre 2022 les rappels de revalorisation, une fois l’approbation obtenue. La Direction Générale regrette d’informer le personnel qu’à ce jour, elle n’a pas obtenu cette approbation et qu’elle continue, avec espérance, de faire le suivi de la demande auprès des organes de gestion de la Compagnie. A cet effet, la Direction Générale exhorte le personnel à garder espoir et à éviter tout acte qui serait de nature à compromettre les efforts des uns et des autres en vue du bien-être du personnel et de la prospérité de la Compagnie », a-t-elle publié lundi.

Mais peine perdue. Pour parler à l’ivoirienne, elle a tapé poteau. Le sit-in n’a peut-être pas été observé comme on l’espérait. D’aucuns parlent même de service minimum au regard de son déroulement. Mais une chose est certaine, le message des employés de la CEET est passé dans l’opinion. Les agents ont quand même réussi à exprimer leurs ressentiments et c’est l’essentiel.

La S.T. Handling en sursis

La Société togolaise de handling (S.T. Handling) devrait connaitre un mouvement de débrayage les mardi 22, mercredi 23 et jeudi 24 novembre. Les agents avaient en tout cas transmis un préavis de grève à l’employeur. Par cette manifestation, ils entendaient protester contre son refus d’appliquer l’accord d’entreprise et de restituer les résultats de l’audit social. Mais tout porte à croire que le mouvement n’a pas eu lieu. En cause, les manœuvres d’intimidation de l’employeur.

En effet, dans une correspondance datée du 18 novembre tenant lieu de réponse au préavis du Syndicat des travailleurs des aéroports du Togo (SYNTAT) et du collège des délégués du personnel, en date du 7 novembre signée de la Directrice administrative et des Ressources humaines Able Kouméahalo au nom du Directeur Général, il leur est fait grief de non-respect des prescriptions de la loi n°2021-012 du 18 juin 2021 portant code du travail, notamment de n’avoir pas précisé les noms, prénoms, qualité, profession et adresse de trois membres de l’administration du Syndicat, les motifs du recours à la grève, le site concerné, la date et l’heure du début ainsi que la durée de la grève envisagée. « Les mentions ci-dessus citées, prévues par la loi ne figurent pas dans votre correspondance du 7 novembre 2022 de sorte qu’elle ne peut pas être opposée à la Société togolaise de handling comme préavis de grève », stipule le courrier, entre autres reproches, et de menacer sous cape que « les employés de la Société togolaise de handling qui répondraient à [l’] appel à la grève du 22 novembre participeraient par ce fait à une grève illicite » et que « les dispositions prévues par la loi pour ce type de grève seront en conséquence appliquées dans leur intégralité ».

Cette manœuvre a fait son effet et visiblement, le débrayage n’a pas eu lieu. Mais ce n’est que partie remise. Il suffit au syndicat de reprendre le préavis, corriger ces failles, le réintroduire et le tour serait joué. C’est dire que la S.T. Handling est simplement en sursis.

Grève de 48 h en vue à Togocom

On l’annonçait dans nos colonnes, les employés de Togocom, par le biais des organisations syndicales des travailleurs à savoir, le Syndicat des agents de Togotélécom (SAT), le Syndicat des travailleurs du numérique du Togo (STNT), le Syndicat libre des postes et télécommunications (SYLPOSTEL-PECWU) et le Syndicat des télécommunications du Togo (SYNTEL Togo), ont transmis à la Direction Générale un préavis depuis le 14 novembre dernier pour observer une grève les 30 novembre et 1er décembre prochains.

« Les organisations syndicales signataires du présent préavis vous informent que les travailleurs de tout le Groupe Togocom observeront une grève (arrêt de travail) pour compter du mercredi 30 novembre 2022 à partir de 0 h 00 min au jeudi 1er décembre 2022 à 23 h 59 mn sur toute l’étendue du territoire national pour demander : 1- En ce qui concerne la convention collective : finalisation des travaux et signature de la convention collective sur la base des propositions des OST du 10 novembre 2022 au plus tard le 29 novembre 2022 ; face à la crise de confiance, les OST demandent à l’employeur de bien vouloir exhorter ses responsables à revoir leurs techniques de conduite des négociations. 2- En ce qui concerne la politique de gestion des ressources humaines : procéder à une restructuration de la Direction qui en a la charge pour éviter la fuite des cerveaux et le refus des talents à rejoindre le Groupe ; un développement harmonieux des ressources humaines par une valorisation des compétences internes ; mettre fin aux pratiques discriminatoires en matière d’emploi ; une décrispation de la tension sociale au sein du Groupe ».

A l’origine de cette grogne annoncée, le non-respect des accords des 29 et 30 août 2022, le blocage des négociations de la convention collective « résultant de la gourmandise de l’employeur qui refuse de motiver les travailleurs par une meilleure redistribution des richesses issues de la production de tous sans que ses bénéfices ainsi que les dividendes des actionnaires ne soient revus à la baisse », entre autres reproches des travailleurs. Ce mouvement n’aura peut-être pas lieu à Togocom. Mais cela dépendra de ses responsables et de la suite qu’ils réserveront aux réclamations des travailleurs. Ils ont encore cinq (05) jours pour décider.

Le front social est manifestement en ébullition avec ces préavis de grève dans tous les sens et peut-être que dans bien d’autres sociétés, des initiatives similaires sont prises, loin des yeux et des oreilles indiscrets. Dans certains ou même beaucoup de cas, l’employeur use de menaces et d’intimidations qui ont (ou peuvent avoir) raison de la détermination des travailleurs. Mais les intentions de débrayages tous azimuts mettent en lumière des problèmes de fond dans les entreprises restés sans solution de la part des premiers responsables. Et tout cela constitue une bombe (sociale) à retardement qui risque d’exploser…

Source: L’Alternative / presse-alternative.info

Source : 27Avril.com