Togo, « Forum présidentiel de la jeunesse » : De la Supercherie à la Surenchère

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Il est annoncé tambour battant à travers une conférence de presse tenue à la Maison des jeunes de Lomé, un antre qui présente un aspect fort burlesque d’un village abandonné du 3e siècle avant Jésus-Christ et qui en effet, témoigne du manque de sérieux qui entoure cet événement. Forum présidentiel de la jeunesse, jamais une grosse comédie de cet acabit n’a autant provoqué le dégoût. Et pourtant, les promoteurs du prochain spectacle continuent de s’entraîner à fond.

Togo, « Forum présidentiel de la jeunesse » : De la Supercherie à la Surenchère

De préfecture en préfecture, de village en village, de hameau en hameau, du ciel à la terre, terre entière, c’est le quotidien des crieurs publics de se faire entendre : Jeunes dépités du Togo, jeunes désemparés, jeunes aux espoirs anémiés, jeunes au destin confisqué, oui, jeunesse aux désirs embrigadés de tout le Togo, un grandissime événement vous est créé. C’est définitivement votre porte du salut : Le Forum Présidentiel de la Jeunesse (FPJ). Ainsi, après de plus de douze ans de silence devant tant d’injustices, de misères et d’atrocités subies par cette jeunesse déboussolée et qui se noie, le Président de la République togolaise, Son Excellence Faure Essozimna Gnassingbé, « l’homme simple », a enfin décidé de vous parler. Venez, venez l’écouter ! C’est la meilleure caricature possible que l’on puisse faire pour illustrer la fréquente tournée des initiateurs de l’événement, le FPJ.

En effet, le forum présidentiel de la jeunesse est la dernière trouvaille sortie du chapeau bleu de la phratrie au pouvoir depuis des lustres, une fourberie destinée à vendre au comptant des illusions sans aucune gêne aux petits gens, afin de leur faire croire à la fraîche rosée du midi. C’était tout de même une trouvaille réfléchie et osée de la part des promoteurs du projet, puisqu’il s’agira en réalité pour eux de donner une nouvelle image de leur « champion », un nouveau souffle au « Président fondateur » du parti UNIR, une sorte de bouffée d’oxygène à celui qui ploie sous le poids de multiples contestations dans son pays.

C’est en fait le sauvetage d’un asphyxié qui a véritablement besoin de se reprendre pour se remettre en selle. Car, tiraillé, malmené impitoyablement et par les partis d’opposition et par les syndicats qui semblent lui demander de la mer à boire, le chef de l’Etat doit chercher à trouver grâce, se refugier auprès d’une jeunesse togolaise qui, sauf mauvais calcul, n’est plus dupe. Devant le Président, elle ne serait pas hésitante à l’embarrasser par de petites questions tendancieuses. Il faut alors les préparer, les trier et les « dresser », et pour cause ! Beaucoup savent que ce forum présidentiel de la jeunesse n’est qu’une fourberie, un véritable marché de dupes. Rien de tout ce qui l’entoure ne doit être pris au sérieux, rien de tout ce qui sera fait ne le sera dans l’intérêt de cette jeunesse depuis marginalisée, mais c’est de sauver l’image ternie d’une seule personne, d’un Président, le passer faire pour un homme épris de justice et de compassion pour les exclus de la société. Que ça et rien d’autre !

« Aucun sacrifice n’est trop grand quand il s’agit de la jeunesse ». Sûrement que beaucoup se souviendront de ce discours moraliste tenu devant de grandes assemblées, cette mélodie des temps anciens jouer par le père dans sa fourberie. Il s’agit bien du « père de la nation », le général Gnassingbé Eyadéma et le résultat est connu de tous : la clochardisation de la jeunesse togolaise. Le régime RPT à l’époque lui a appris à mentir et l’a toujours encouragée à exceller dans le mensonge avec une audace répugnante, une désinvolture assistée, totalement éhontée, pour gagner facilement de l’argent. On se rappelle des fameuses périodes de lecture de motions à Lomé II, résidence privée du général pour devenir sinistrement riche.

Le père mort, le fils a quasiment repris le flambeau. « J’aurai avec eux (les jeunes, ndlr) une rencontre pour débattre des projets que je compte mettre en œuvre. Ils englobent, entre autres, la récompense du mérite scolaire, le renforcement de l’autonomie ou encore l’appui à l’entrepreneuriat », avait annoncé Faure Gnassingbé dans son adresse à la nation en janvier dernier avant de poursuivre : « Je demeure persuadé que les solutions les plus pertinentes aux problématiques de l’éducation, de l’emploi et de l’insertion des jeunes sont celles qui sont nourries par leurs propres réflexions et contributions ». Mais au moment où le spécialiste du laïus tenait ce discours Anselme et Douti, ces deux jeunes ont été froidement abattus au nord du pays pour avoir manifesté dans la rue leur indignation, réclamant de meilleures conditions d’études. Aujourd’hui encore, l’éducation togolaise est paralysée, les élèves sont souvent dans les rues du fait des grèves incessantes des syndicats de l’éducation qui réclament depuis des années et sans satisfaction, de meilleures conditions de travail.

Il apparait clairement que jamais le mal togolais ne disparaîtra sous une avalanche de messages altruistes tant que les hommes défendront un régime aussi vétuste qu’ancestral et seront constamment dans le mépris et dans le déni d’humanité qu’il a imposé au peuple. Fallait-il plus de dix ans au chef de l’Etat togolais avant de savoir les problèmes de la jeunesse pour tenter de les solutionner ? Avant son toilettage en 2002, la Constitution Togolaise a prévu pour quiconque accède à la magistrature suprême, un mandat de cinq ans renouvelable, une seule fois. Serions-nous dans la même configuration des choses que le constat d’échec de Faure Gnassingbé à la tête du Togo sera patent puisqu’il aurait fini ses dix années de pouvoir sans rien proposer à la jeunesse togolaise, sans trouver des solutions idoines et durables aux préoccupations des jeunes.

Aujourd’hui, ce qui atteste que ce forum présidentiel de la jeunesse est une grande supercherie se trouve dans la contradiction entre le discours du chef de l’Etat et les multiples actions préparatoires de l’événement. « Je demeure persuadé que les solutions les plus pertinentes aux problématiques de l’éducation, de l’emploi et de l’insertion des jeunes sont celles qui sont nourries par leurs propres réflexions et contributions ». Si tel est le cas, pourquoi dame Victoire Tomégah-Dogbé, la ministre en charge de l’Emploi des Jeunes et son équipe du FPJ sillonnent le territoire national pour disent-ils, préparer les jeunes à cette rencontre avec le Président de la République ? A-t-on vraiment besoin d’apprendre à autrui comment exprimer ses préoccupations personnelles en vue de son épanouissement ? Est-il logique de vouloir montrer à un affamé comment manifester sa faim ? La solution doit provenir des réflexions et contributions personnelles des jeunes, déclare le chef de l’Etat. Mais telles que les choses se présentent aujourd’hui, ces trois mille (3000) jeunes togolais qui sont attendus à ce forum, risquent de retrouver devant le Président de la République avec des projets qui ne proviennent guère des fruits de leurs réflexions. D’où la duplicité, la supercherie qui entoure la rencontre. On est juste dans une surenchère qui ne dit son nom, consistant à vendre la politique du chef de l’Etat, point barre.

Le général Eyadéma a toujours utilisé cette formule pour être en contact avec les jeunes, ce qui lui donnait l’image du père magnanime ou le papa débonnaire. « Un président à l’écoute de son peuple et surtout de la jeunesse ». L’on peut se rappeler de quelques unes des incantations de Koffi PANOU, ministre de la communication au temps du « Timonier national », Gnassingbé Eyadéma.

En définitive, le forum présidentiel de la jeunesse est encore une illusion que l’on veut vendre à la jeunesse togolaise. Il n’y a véritablement rien à espérer. C’est vraiment du pipeau. Ainsi, puisqu’il n’y a rien à voir dans de tel projet, alors circulons. Dieu bénisse le Togo !

Sylvestre Beni

Source : La Manchette No.010 du 28 mars 2018

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