Libéré définitivement de son contrat avec Tottenham, Emmanuel Adebayor est au cœur des discussions et des préoccupations des Togolais, surtout depuis que Tom Saintfiet, entraîneur de la sélection nationale a décidé de ne plus le convoquer.
Son nom se confond avec l’histoire du football togolais. Pourtant, depuis son passage au Real Madrid en 2011, Emmanuel Adebayor enchaîne les coups durs dans sa carrière. Et à Lomé où ses gestes sont scrutés à la loupe, les soucis actuels de l’ancien capitaine des Éperviers ne laissent pas indifférent un public qui commence à montrer des signes de lassitude face à l’évolution sinusoïdale de la carrière de la star.
De héros…
2004-2005, les fans du football togolais ont vu éclore un talent prometteur. Alors qu’on s’y attend le moins, le jeune Adebayor qualifie pour la première fois le Togo à une phase finale de la coupe du monde en 2006. Dans un pays encore meurtri par les événements liés à la succession de Gnassingbé Eyadema, cette qualification est venue offrir une bouffée d’air à tout un peuple. Ce soir d’octobre 2005, tout le pays a scandé d’une seule voix, le nom d’«Adebayor».
Tout allait bien pour le joueur jusqu’au drame de Cabinda le 8 janvier 2010. Ce jour-là, Adebayor échappe de peu à la mort et reste traumatisé à jamais par ce souvenir de camarades tombés sous les balles assassines (d’inconnus). Les images de la star en larmes ont fait le tour du monde. Mais ce qu’on sait moins, c’est que cinq ans après, il reste sous le choc lorsqu’on évoque cette page sombre du football africain. Son parcours en club (Arsenal, Man City, Tottenham) depuis lors peut ressembler par moments à un chemin de croix. Les déboires du natif de Kodjoviakopé sont devenus récurrents, si bien qu’en l’espace d’un article, on ne pourrait tous les lister. Mais le talent du joueur reste intact.
…à zéro ?
Le monde a suivi (avec attention) les révélations faites en 2015 par le joueur sur sa page Facebook qui accusent certains membres de sa famille. Interpellé à plusieurs reprises par des « sages » et des autorités du pays, Adebayor a poursuivi son déballage jusqu’au troisième épisode. « Le mal être du garçon est flagrant, mais personne ne peut lui venir en aide », confie dépité un amoureux togolais du ballon rond.
Convoqué dernièrement par Tom Saintfiet pour le match contre le Djibouti comptant pour les éliminatoires de la CAN Gabon 2017, Adebayor brille par son absence. Suffisant pour que l’entraîneur belge courroucé par ce comportement, tacle l’idole du pays en conférence de presse : « Adebayor n’aime pas jouer pour son pays. Il n’aime pas l’idée que le Togo se qualifie pour la CAN. Si on a du respect pour les Togolais, on a du respect pour la fédération », a-t-il notamment déclaré. Une affirmation explosive qui divise tout un pays.
Une affaire nationale
Les soucis actuels de l’un des plus grands noms de l’histoire contemporaine du football africain interpellent les dirigeants sportifs sur le rôle psychologique qu’ils ont à jouer dans la vie de leurs stars. « Adebayor est devenu du jour au lendemain riche, immensément riche et fait l’objet de pressions familiales accrues », diagnostique un psychologue à Lomé. Dans cette période sombre, faut-il le vouer aux gémonies ou plutôt lui apporter un soutien dont il a peut-être besoin ? La question alimente les débats publics. Si certains critiquent le joueur, d’autres estiment que le seul fait d’avoir donné au Togo sa première (et unique) participation à une phase finale de la coupe du monde doit suffire à être plus indulgent avec lui. « Peu de personnes ont pu donner pareille joie à ce peuple », confie agacé un supporter historique du footballeur.
Le « problème Adebayor » se transforme progressivement en affaire nationale. Des ministres sont critiqués pour ne pas avoir volé au secours du joueur malmené par les déclarations du sélectionneur national. Et l’intéressé ? S’il reste officiellement silencieux, ses proches assurent qu’il est affecté par tout ce qui est dit à son sujet mais sait que la meilleure réponse à apporter est une résurrection que (presque) tous les Togolais souhaitent ardemment. Wait and see.
Jeune Afrique