L’appât des 30 milliards américains du Millénium Challenge Corporation (MCC) fait lécher les babines à Faure Gnassingbé. C’est de l’argent frais. C’est un don. C’est un label qui est bien souvent utilisé par des régimes monolithiques, comme celui de Faure Gnassingbé, comme une certification de leur bonne gouvernance (sic). Et c’est américain. Pour capter ce financement à forte valeur, Faure Gnassingbé revêt depuis un temps une peau d’agneau. Mais la route est encore bien longue.
Au terme du processus du Millénium Challenge, une pluie de milliards attend les candidats. On l’évalue à environ 30 milliards. Le Togo de Faure Gnassingbé s’est jeté depuis quelques années à l’assaut de ces dollars américains. Et à des moments décisifs du processus, il enfile des manteau trop grands pour lui, espérant tromper la vigilance des organisations qui ont la charge d’évaluer le processus.
Les grands bruits que le Conseil des ministres fait autour de quelques petits audits dans certains départements ne sont pas gratuits. Ils visent justement à donner l’impression que le pouvoir lutte contre la corruption. Justement la lutte contre la corruption fait partie des critères par rapport auxquels les pays candidats sont jugés. Pour la parenthèse, même bénéficiaire entre-temps du Millénium Challenge, le Bénin a dû payer chèrement son laxisme vis-à-vis de ce fléau.
La lutte contre la corruption est donc établie par les cow boys comme important critère dans l’accession au MCA. Et l’un des critères pour lequel le Togo est généralement pénalisé est celui de son manque d’engagement contre la corruption. Le sachant, Faure Gnassingbé s’agite depuis quelques mois à présenter une face de son régime, bien loin de celle de la réalité. Les communiqués des conseils des ministres sont de temps en temps truffés de quelques faits mineurs d’audit ou de poursuites judiciaires lancés contre certains fonctionnaires indélicats. Pendant ce temps les gros coupables d’actes de corruption et qui sont d’ailleurs impénitents et souvent multirécidivistes, continuent d’être promus.
C’est peu de dire que Faure Gnassingbé est entouré d’une minorité pilleuse. Son conseiller en santé est impliqué dans un vaste scandale de détournement de fonds sur le fameux projet BIDC. Son tout nouveau conseiller Adji Otèth Ayassor est cité dans une multitude de dossiers de malversation, particulièrement dans les BTP. Les responsables de la faillite de Togo Telecom, de la Togolaise des eaux, de la CEET, de la SNPT, de l’UTB, de la BTCI, du FER, sont là en toute liberté. Aucun, pas même un seul, n’est envoyé devant les tribunaux, ne serait-ce que pour s’expliquer et permettre aux magistrats de faire la lumière sur leur gestion des deniers publics. Les responsables des malversations des fonds de la CAN 2013 sont certains de ne jamais avoir à se justifier devant le peuple. Au contraire, ils continuent d’officier comme agents publics à des postes toujours aussi « juteux » que les précédents (au cas échéant) où ils ont commis leurs forfaits.
La récente commission contre la corruption n’en est pas une. Elle vient juste compléter la liste déjà longue de structures qui ne servent qu’à décorer le paysage administratif et politique du pays. A la rigueur, elle servira à régler des comptes à des propres produits du système tombés en disgrâce ou à des fonctionnaires jugés trop indifférents au parti au pouvoir. On a vu comment la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) a souffert dans ses activités et ce à quoi ont servi ses rapports. On voit comment le Haut-Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité nationale (HCRRUN) est à la peine. On voit à quoi servent la HAAC, l’ART&P, l’ARMP et autre organes de régulation, totalement impuissants face aux abus du régime.
La justice dans notre pays est à dessein privée de son indépendance. Récemment encore, la preuve a été faite lorsqu’on devrait procéder aux affectations des magistrats. Le processus a dû être retardé du fait de l’affrontement des réseaux obscurs entre eux. Mais au-delà, c’est au quotidien que les justiciables vivent les manipulations de notre système judiciaire. Le procès des incendies des marchés par exemple annoncé depuis des années se fait toujours attendre. Des innocents ont été jetés en prison (certains y sont encore), un militant de l’opposition a même perdu la vie en détention. Toutes choses qui montrent que les agitations de Faure Gnassingbé ces derniers temps à créer des commissions sont loin d’être une preuve de bonne foi. Le sujet de la décentralisation et des élections locales en souffrance entre les mains du pouvoir, balancé de groupe de travail en commission et conseil, sans que le pouvoir ne franchisse le moindre pas décisif, est bien la preuve qu’avec Faure Gnassingbé, se mettre à applaudir après la création d’une commission, c’est tomber dans son piège, un « piège à con » devenu finalement classique.
Les Américains étant loin d’être des naïfs, Faure Gnassingbé peut être sûr qu’il lui faudra bien plus que des manoeuvres pour s’offrir la conscience des cowboys qui en ont vu (des dictateurs) de toutes les races et qui doivent être bien amusés par ces gesticulations mesquines d’un dirigeant noir.
Source : L’Alternative No. 585 du 27 Janvier 2017
27Avril.com