« A quoi rime de vanter les qualités d’un leader charismatique dont la politique et l’éthique sont totalement opposées aux leurs ? » (Ayayi Togoata Apedo-Amah)
Faure Gnassingbé est décidément une somme de contradictions. Il nous arrive de nous demander si le fils du père se sent bien dans sa peau quand il s’affiche là où on célèbre une élection démocratique ou prend plaisir à vanter les qualités d’un dirigeant démocrate alors qu’il s’emploie à faire tout le contraire dans son pays.
Le 7 novembre, Faure Gnassingbé a célébré la démocratie américaine en adressant ses sincères et chaleureuses félicitations au président élu Joe Biden et sa vice-présidente Kamala Harris. Le 12 novembre, il revient à la charge, cette fois en louant les qualités de l’ancien président ghanéen Jerry John Rawlings. « Jerry John Rawlings fut un grand patriote et un homme d’action qui a apporté une remarquable contribution à la construction de la démocratie au Ghana », a salué Faure Gnassingbé.
Jerry John Rawlings est un exemple d’homme politique, d’homme d’Etat en phase avec les valeurs de civilisation démocratique. Nourri de valeurs politiques indéracinables, l’ancien président ghanéen est tout le contraire de Faure Gnassingbé qui lui, « vit encore la tragédie d’une dévolution monarchique du pouvoir ». De par sa propension à s’éterniser au pouvoir contre vents et marées, Faure Gnassingbé a initié le syndrome du 3ème mandat qui a eu un effet boule de neige dans la zone ouest-africaine. Un virus qui a contaminé Alpha Condé en Guinée et Alassane Dramane Ouattara et portant ainsi un coup dur à la démocratie dans l’espace communautaire déjà meurtri par le terrorisme.
C’est bien de reconnaître les qualités, les valeurs des autres, c’est encore mieux de cultiver soi-même les mêmes valeurs. C’est ici que Faure Gnassingbé a de tout temps péché. Ou on aime le bien et on s’applique à tendre vers la perfection, ou on n’aime pas le bien et on stagne dans les ténèbres. Il n’y a pas de demi-mesure. Les convenances voudraient que Faure Gnassingbé s’attelle à édifier les mêmes valeurs qu’il aime tant apprécier chez les autres. Chanter la démocratie ailleurs et s’ériger en bourreau de cette démocratie éprouvée dans son propre pays, relève de l’hypocrisie.
Les valeurs de démocratie et d’alternance ne valent pas que pour les autres. Faure Gnassingbé devrait savoir donner l’exemple. Souhaiterait-il, quand il sera appelé à quitter le pouvoir un jour -, après tout nul n’est éternel, les hommes passent le pouvoir d’Etat reste-, qu’il soit cité comme un artisan de la démocratie au Togo, un modèle d’homme politique à l’instar de Jerry John Rawlings, ou comme un autocrate, prédateur, adepte de la mal gouvernance qui a écrit une page sombre de l’histoire de son pays ?
« Le fils d’un dictateur, succédant à son père, doit faire la preuve qu’il a de meilleures intentions que son père. Et qu’il n’a pas reçu en héritage les germes de la dictature », disait Jean-Baptiste Placca. Il n’est pas tard pour Faure Gnassingbé d’engager le Togo dans le sens de la consolidation de la démocratie et de la bonne gouvernance. Pour ce faire, il sied de marquer une rupture majeure avec cette manière peu orthodoxe de gérer une république en ce 21ème siècle sans offrir aucune possibilité d’ouverture démocratique. C’est de cette seule manière qu’il peut rentrer dans l’histoire par la grande porte…
Médard Ametepe
Source : Liberté N°3276 du Lundi 16 Novembre 2020
Source : 27Avril.com