« L’intellectuel dévaste la dictature ; l’ignorant la démocratie » – Reis Mirdita
A peine l’opposition lui a-t-elle laissé un peu de répit que Faure Gnassingbé, pigeon voyageur a repris les airs pour une destination connue, l’Angola. Objectif : assister à la cérémonie d’investiture de Joao Lourenco, successeur de Dos Santos au pouvoir par le jeu d’élections générales dont le MPLA est brillamment sorti vainqueur. Une succession au pouvoir qui se singularise de la pratique dynastique en cours dans certains États africains.
On aura beau jeu de le critiquer, Faure Gnassingbé est un passionné des vertus démocratiques, mieux encore, de la démocratie électorale. A la double condition cumulative que tout ce scenario s’écrive et soit mis en scène à des milliers de kilomètres ou même à quelques mètres des frontières de son pays. Car chaque fois que c’est son peuple qui réclame cet idéal, l’histoire s’écrit autrement, au rythme de gaz lacrymogènes, de matraques, de tirs à balles blanches, de tirs à balles réelles qui s’abattent, sans discrimination sur personnes âgées, jeunes, enfants et même des animaux.
L’alternance démocratique dans le cas d’espèce est une alternance beaucoup plus interne au MPLA et se résume à un changement d’homme à la tête du pays. Elle ne s’entend pas véritablement au sens d’un changement de système, de vision ou de gouvernance. Comme se plaisent à le caricaturer certains analystes, c’est un « changement dans la continuité ». Autrement, l’ambition présidentielle de l’UNITA, challenger « intemporel » du MPLA, serait passée de rêve à réalité. Qu’à cela ne tienne !
Faure Gnassingbé n’éprouve manifestement aucune gêne à se pavaner aux côtés de ses pairs africains inscrits dans un tout autre paradigme politique où le déni de la présidence à vie et la promotion de l’alternance démocratique sont inscrits en lettres d’or. Il est exactement à l’image de tous ces leaders d’opinion autoproclamés qui soutiennent son régime dictatorial par tous moyens et qui se surprennent à angéliser la démocratie électorale au Bénin, au Ghana, au Sénégal, en Gambie, etc. Comment cela peut-il se concevoir ? Incarner une chose et en aimer le contraire ? Incarner le visage hideux d’une dictature chez soi et applaudir au même moment la démocratie ?
Mais l’histoire qui s’écrit ces derniers temps dans son pays en proie à une déflagration sur les plans social et politique ne demeurera pas une symphonie au goût d’inachevé. D’abord en évitant le piège à cons d’un référendum duquel le RPT/UNIR sortira gagnant quelle qu’en soit l’issue. Ensuite en ravalant son désir à un stade velléitaire certes, d’accepter la perche d’un dialogue trompeur. De toute évidence, rien ne promet à un nième dialogue entre pouvoir et opposition, un brillant sort.
Osons le reconnaitre, l’opposition joue sur ce coup l’une de ses ultimes cartes. Trop naïve, trop crédule, trop divisée par le passé, elle connait des mutations profondes en son sein. Le peuple togolais qui la soutient, est déterminé à obtenir le retour à la Constitution originelle de 1992 et, le départ de Faure Gnassingbé du pouvoir. Quand et comment Faure Gnassingbé va-t-il quitter le pouvoir ? C’est bien l’unique vraie question qui vaille la peine d’être résolue par ceux qui proposent déjà leurs bons offices aux protagonistes de la crise togolaise.
Bon gré mal gré, Faure Gnassingbé devra comprendre que l’alternance démocratique n’est pas que pour les autres. Contempler, c’est bon. Mais rendre possible cette alternance démocratique, c’est encore mieux. C’est aussi cela, le cri de cœur de ses concitoyens.
Meursault A.
Source : Liberté
27Avril.com