Le Président de la République, Faure Gbassingbé etait en visite en Italie, où il a été reçu, ce lundi 29 avril, par le Pape François. Au cœur des échanges entre le souverain pontife et le chef de l’Etat togolais, plusieurs sujets sociopolitiques aussi bien au Togo qu’ailleurs en Afrique. Cependant, si les deux états major situent ce voyage dans son contexte formel, l’évolution des dernières actualités au Togo amène également à pousser plus loin, les réflexions sur les mobiles susceptibles de sous-tendre cette visite chez le Souverain Pontife puis à la Communauté Saint Egidio.
Le message de forme
À la tête d’une forte délégation au sein de laquelle se trouve, outre Sabine Mensan, sa mère, l’ancien Premier ministre Joseph Kokou Koffigoh et plusieurs ministres et conseillers, Faure Gbassingbé a discuté, avec l’Occupant du Saint Siège, de plusieurs sujets d’intérêts communs aux deux Etats. Surtout ceux liés à la bonne gouvernance, à la consolidation de la paix et surtout, à la Justice sociale.
«…les deux parties se sont arrêtées sur la situation actuelle du pays- (NDLR: Togo) -en soulignant la contribution de l’Église catholique au développement intégral du peuple togolais, spécialement à travers son engagement dans le domaine éducatif et sanitaire», informe, à propos, Radio Vatican. Et de poursuivre en rappelant qu’outre l’actualité togolaise, le Saint Père et Faure Gbassingbé ont aussi passé en revue, les différents défis spécifiques auxquels sont confrontés nombre de pays de l’Afrique occidentale et sub-saharienne. Puis, ils en ont convenu de la nécessité de coaliser les efforts, à divers niveaux et régions sur le continent, en vue d’y garantir la paix, la stabilité et la Sécurité.
Un arrêt sur la délégation
C’est ici que les premiers trous apparaissent sur le voile diplomatique mis sur l’objet de cette visite. On sait qu’officieusement Maman Sabine, mère du Chef de l’Etat est la responsable de l’axe Lomé -Saint Siege dans le sérail présidentiel. Mais la présence de certaines nouvelles têtes dans cette délégation et non des moins innocentes balise la voie à des susceptibilités. On peut prendre la présence d’un certain Sandra Johnson, la Dame climat des affaires à la présidence comme une volonté de montrer qu’à défaut de quitter le pouvoir, Faure Gnassingbé réussi à rendre le Togo attractif et plus, il est bien disposé à faire l’alternance autour de lui en intégrant les jeunes dans son cabinet. Mais la présence d’un certain Joseph Koffigoh dont on connait le rôle dans l’histoire de la lutte démocratique au Togo en dit long sur le vrai fond du sujet qui a conduit le fils d’Eyadema au Vatican ce 29 Avril 2019. Dans les années 90 au plus fort de la contestation du pouvoir de Gnassingbé père, Koffigoh et l’archevêque Emérite de Lomé, Mgr Kpodzro qui s’est hissé aujourd’hui comme le porte flambeau des hommes en soutane dans la lutte pour l’alternance en 2020 était des co-pilote de la transition avec la constitution de 1992 qui avait alors transformé Eyadema en Président de la République honorifique. Aujourd’hui Koffigoh se trouve être l’oncle du fils d’Eyadema, pendant que Mgr Kpodzro est resté fidèle à ses valeurs défendus depuis 1992 et rallumé depuis le 19 Aout 2017.
Les allures d’une convocation
Il est à souligner que c’est depuis avril 2015, que les prélats togolais à travers le message traditionnel de la Conférence des évêques du Togo ont pris fait et cause pour plus de justice sociale tributaire de l’alternance politique. Les messages étaient assez bien engagés comme pour présager du fameux 19 août 2017. Et depuis lors le clergé catholique togolais n’a point mis l’eau dans son vin » contrairement à ce Faure Gnassingbé a déclaré au Magazine Jeune Afrique en Décembre 2018 au plein cœur de la crise sur le fauteuil qu’il occupe depuis trois mandat à la suite de son feu père. L’Eglise catholique qui a été rejoint entre temps dans sa position par les méthodistes, les presbytériens et l’essentiel des dignitaires musulmans a corsée sa posture lors de la dernière Assemblée Générale des prêtres tenue courant Janvier 2019 à Kpalime où les hommes en soutane ont pris la ferme résolution d’« appeler désormais blanc ce qui est blanc et noir ce qui est noir ».
La guerre froide s’est alors installée entre le pouvoir de Lomé et le clergé catholique togolais allant de boycott du berger à la bergère de cérémonies des uns par les autres. De sources bien introduites ont confié que des conciliabules ont été menés à de hauts niveaux. Mais à part la présence de l’archevêque de Lomé au lancement du PND que les vuvuzela du régime comme un trophée, rien n’aurait presque bougé. La preuve la plus haute autorité morale de l’Eglise Mgr Philip Fanoko Kpodzro à soulever chaque fois son flambeau mobilisant les medias à sa traine. Ses deux demandes d’audience adressées à Faure Gnassingbé n’ont point obtenu de réponse de la part de celui qu’il appelle « son fils ». Et si à défaut , le Chef de l’Etat se présente au Vatican, c’est dire que pris dans un sens comme dans l’autre, le problème de l’alternance en 2020 est le plat qui a été au menu du tête à tête du 29 Avril entre le fils d’Eyadema et le Pape François qui a placé son pontificat sous la lutte pour plus de justice sociale et moins d’orgueil. Et cette visite intervient au moment où le parlement est en plein atelier sur les reformes prescrites par la Cedeao et rappelé tout dernièrement par le nouvel ambassadeur des Usa au Togo Eric Stromayer.
Par ailleurs, un détour sur le continent nous édifie, à plus d’un titre, sur le rôle assez prépondérant joué ces derniers temps dans le dégel des crises et tensions socio-politiques par le Saint siège. Comme par hasard, c’est après la visite du Pape au Maroc, pays stratégique et bras occidental dans le Maghreb, que survint le changement de donne en Algérie. L’éviction d’Omar El Béchir est survenu au lendemain de l’engagement ferme pour une paix des braves obtenu entre les frères ennemis du Sud soudan, sous l’égide du Vatican, il est donc fort probable que cette visite de Faure au Vatican ait un sens plus profond qu’on le prétend. Mieux, une convocation ou un voyage de plaidoirie déguisée en visite de travail du chef de l’Etat togolais au Saint Siège.
Hypothèse encore plus plausible lorsqu’on se rappelle surtout que la libération de Pascal Bodjona est survenue juste après le détour de Faure au Vatican, en Janvier 2016. Et dès lors, il n’y a point à douter sur la démarche du Pape, si pointilleux sur la promotion de la paix, de la Justice sociale et de l’apaisement à travers le monde. Mais alors, resterait-il silencieux devant le cas ronflant de Kpatcha Gbassingbé, le demi-frère de Kpatcha écroué en prison depuis plus de dix ans déjà, dans l’affaire de “tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat” ? Surtout que, comme sur la question de l’alternance en 2020, l’archevêque Emérite Kpodzro s’est aussi illustré sur ce dossier et sur celui des détenus politiques. La probabilité du silence du Vatican sur ces sujets est bien faible. Pour ne pas dire impossible !
On attend de voir dans les jours à venir.
Source : Fraternité
27Avril.com