Lorsqu’il arrive des moments où des institutions crédibles ou des États très avancés en démocratie et droits de l’homme ou dans la gouvernance décernent des satisfécits au pouvoir actuel dans tel ou tel domaine, on est tenté de se demander de quel Togo et de quel régime on parle.
On l’a entendu ces derniers temps. Il y a lieu de se demander si c’est ça le progrès et le développement. On est porté souvent à se demander aussi si ces institutions ou États (notamment l’État américain) auraient accepté à un moment donné de se laisser manipuler par ceux qui ont refusé les vrais progrès et développement et se plaisent à jouer avec le destin de leur peuple, alors que chez eux ils ont réussi à créer de vraies nations.
Les psychologues ont trouvé avec beaucoup de subtilité et d’adresse un moyen par lequel on peut encourager un fainéant ou un enfant capricieux à trouver le chemin du progrès et de la sagesse par des mots d’encouragement, même pour des efforts insignifiants et à peine sensibles. Est-ce la même méthode que certains auraient fini par trouver bon d’appliquer à nos dirigeants et que de nombreux citoyens peinent à accepter, tant le satisfécit sonne mal pour des gens avisés face à une allure de limaçon. A en juger par des débats au cours desquels certaines railleries fusent et traduisent l’étonnement et le doute face aux congratulations.
Le désordre des ‘’pasteurs’’ révèle une piteuse gouvernance.
Déclaré « élu » par une CENI sur mesure à la présidentielle du 24 avril 2005 et confirmé par une Cour constitutionnelle aux ordres, Faure Gnassingbé prêtera serment le 4 mai.
Aujourd’hui l’homme totalise douze ans de pouvoir à la tête du Togo. Mais pour quel résultat dont unanimement ou ne serait-ce que la moitié de ses compatriotes pourraient être fiers ? A vrai dire, pour être objectif et faire parler uniquement le bon sens et la raison, rien du tout comme résultat satisfaisant à se mettre sous la dent. De plus, le réveil et la marche sont si lente, tellement lente, qu’on est poussé quelquefois à se demander si l’on a vraiment la volonté de voir ce pays se développer et ses citoyens vivre mieux demain. Nous qui écrivons ces lignes ne sommes pas dans la même vision que ces Togolais qui ont fait le choix de hurler avec les loups pour avoir de quoi manger chaque jour et sacrifier ainsi de manière complice l’avenir de leur nation.
Depuis cinq à six mois pratiquement, les voiles se lèvent du dessus des couvents de spiritisme et de pratiques fétichistes déguisés en lieux de culte modernes où l’on chante et ‘’opère des miracles’’ au nom de Jésus-Christ sous le regard admiratif et naïf des fidèles. En plus de tout ce qui révèle clairement que les nombreuses églises privées qui ont poussé ces dernières années comme des champignons et continuent de le faire, se sont bâties sur de la magie et du fétichisme, de nombreux responsables de ces lieux de culte et de brouhaha travestissent carrément les règles de la morale qu’ils sont censés protéger et défendre, s’ils étaient réellement de vrais pasteurs au service de la société. De leurs pratiques que leurs propres fidèles dénoncent preuves à l’appui depuis quelque temps à leurs langages orduriers sur les réseaux sociaux et autres pour se justifier et répondre à leurs accusateurs, tout prouve que ces hommes n’ont leur place ailleurs aujourd’hui que dans les prisons du pays. Rien d’un leader, mais des individus aux mœurs légères. S’ils ne sont pas inquiétés par le régime et continuent à se pavaner dans la cité dans l’indifférence de la justice togolaise, cela est révélateur de ce que le chef de l’Etat a fait de sa gouvernance une gouvernance de prostitution et d’attentat à la pudeur et aux bonnes mœurs.
Nombre d’entre eux, au lieu d’avoir du remords et faire profil bas, poussent l’audace jusqu’à confirmer certains aspects de leur vie peu recommandable qui leur est reprochée et même avec une espèce de fierté. Ils foisonnent dans leurs bêtises et rivalisent d’ardeur. Les Togolais ont suffisamment la preuve aujourd’hui que leur pays n’est pas du tout bien gouverné. Est-ce parce que le chef de l’Etat et ses ministres se retrouvent tous les mois de décembre avec ces pasteurs qu’il leur est autorisé de se comporter dans la cité comme ils veulent ? Lorsqu’on dit que le pays n’est pas bien gouverné, on voit aujourd’hui que les pratiques de ces faux pasteurs et faux prophètes en sont les meilleurs témoignages.
Dans les années 80, et plus précisément en 1984 ou 1985 Eyadèma avait fait fermer des lieux de culte dans ce pays. Non pas pour ces graves dérives morales préjudiciables à l’avenir de la société togolaise, mais simplement pour des désordres liés à des nuisances sonores après que les responsables de ces églises eurent été suffisamment prévenus. Pour en arriver là, il a fallu un certain esprit de responsabilité et de discipline. Il est donc inimaginable que Faure Gnassingbé, présenté aux Togolais lors de sa campagne pour la présidentielle de 2005 comme un universitaire contrairement à son feu père, ne soit pas en mesure de séduire ses compatriotes en se positionnant comme un bon leader et un intellectuel doublé de citoyen soucieux de l’avenir de sa mère patrie. C’est assez surprenant que le Togo soit devenu un terrain favorable à toutes sortes de dévergondage.
Au nom de quoi ces pasteurs, citoyens ordinaires comme tous les autres, peuvent-ils se permettre de commettre des voies de fait sur des citoyens dans un pays présenté comme pays des droits de l’homme et de la démocratie ? On est dans quel pays ?
L’avenir du Togo est plus que jamais compromis sous la gouvernance de Faure Gnassingbé dont le silence semble vouloir dire : « Vous m’avez mis là pour gouverner ? Vous aurez le Togo que vous voulez ». Le drame en plus c’est que dans le pays, tout le monde regarde faire. Personne pour dire que ça suffit. Le Togo n’a-t-il plus de référence ? Plus de gens âgés et sages ? L’armée qui a fait allégeance en 2005 est-elle satisfaite de la gestion faite du pays depuis douze ans ? Rien ne semble expliquer l’indifférence totale d’un chef d’Etat face à des désordres de toutes sortes dont il est comptable et qui ont élu domicile au Togo alors que, autour et loin de nous ce sont des gouvernances irréprochables dont Faure pourrait bien s’inspirer.
Les voies de communication
Il n’y a pas longtemps, une nouvelle aérogare de classe internationale a vu le jour au Togo. Tout le monde, y compris ceux qui ne porteraient pas Faure dans leur cœur devraient pouvoir reconnaître que c’est maintenant que le Togo a un aéroport digne d’un Etat moderne et qui peut être objet de fierté. Sous le père, pendant 38 ans, on n’a fait que danser et chanter, car disait-on mensongèrement, heureux le peuple qui chante et danse. Ce qui explique l’état de l’aéroport dont a hérité le fils à sa mort ainsi que celui des infrastructures routières. Qui pouvait croire qu’avec les nombreuses ressources dont dispose le pays, le Togo à la mort d’Eyadèma se retrouverait avec des infrastructures aussi dégradées qu’insuffisantes ?
Depuis quelques années, les partisans du pouvoir et surtout ‘’les amateurs de débats’’ médiatiques qui aiment faire du bruit pour se faire entendre du pouvoir, ont fait leur choux gras de la réhabilitation des routes et des rues. Pour peu qu’on veuille critiquer la gouvernance de Faure pleine d’erreurs depuis quelques années, ils n’ont plus que cet unique refrain à la bouche : « Le président Faure a construit de nouvelles routes et de nouvelles rues, ça montre bien qu’il travaille ». Comme si d’abord, il n’y avait que ça à faire dans un pays, ensuite comme si réhabiliter des routes et des rues et en construire de nouvelles serait une faveur d’un chef d’Etat pour un pays et ses habitants, et enfin comme si c’est de sa propre poche qu’est sorti l’argent.
Il y a lieu de profiter pour dire que par rapport aux routes et rues, c’est dans 15 ou 20 ans qu’on pourra apprécier la qualité du travail et savoir si pour ces dettes sur le dos du peuple, œuvre utile avait été faite ou non. Mais en attendant, en observant l’état des caniveaux qui bordent certaines grandes rues à Lomé et dont des dalles sont posées en désordre et végètent dans cet état jusqu’à ce jour, on voit clairement que nos dirigeants n’ont pas le goût du travail bien fait et ne mettent pas du cœur à l’ouvrage. Pour eux, l’essentiel c’est de prouver qu’on a investi dans les voies de communication et peu importe la qualité et la perfection. Un petit tour à travers Lomé ne serait pas inutile. A-t-on vraiment la volonté d’afficher le profil de vrais bâtisseurs de nation dont les citoyens seraient fiers ? Difficile de le croire. Car on ne devient pas président de la république. On naît président et il n’y a pas d’école où l’on forme des chefs d’Etat, des ministres, etc. L’unique école, c’est celle de la vie à la portée de tout le monde et il suffit d’avoir du goût, des aptitudes et de la volonté à revendre.
Pour apporter la preuve du manque de volonté dans la remise à niveau de notre pays par Faure Gnassingbé et ses amis depuis son arrivée au pouvoir, il est important de rappeler comment celui-ci a eu le courage sous l’un des meilleurs Premiers ministres qu’aura connus le pays, et dont la belle vision fut très vite émoussée par les partisans du statu quo, puis contraint à la démission, de faire couvrir au 21è siècle des rues de Lomé, la capitale de latérite inondant de poussière les populations riveraines et les usagers. Autant maintenir ces rues dans leur état où les avait laissées Eyadèma. Non, abonné au ridicule, Faure était allé loin. C’est un détail important qui permet de faire aisément la jonction que voici.
A ceux qui s’égosillent à défendre le bilan de Faure à partir de la construction d’une nouvelle aérogare de classe et de l’investissement dans les infrastructures routières, il est nécessaire de dire que Faure Gnassingbé n’a jamais eu de vision remarquable pour notre pays, sinon il n’aurait jamais envisagé entre 2008 et 2009 de mettre les populations dans la poussière avec ses fameuses rues en latérite. C’est pour dire que l’investissement dans une aérogare et les routes ne participe que de la volonté de Faure et ses acolytes de flatter la communauté internationale et les visiteurs, de se lancer dans des exercices de séduction, au lieu de faire du sérieux qui privilégie le bien-être de ses compatriotes en même temps que les infrastructures et le développement.
Pour les visiteurs qui arrivent et repartent deux ou trois jours plus tard du Togo, Faure fait du bon travail, car le pays a changé de physionomie ; c’est tout. A l’analyse, les efforts de Faure sur ces voies de communication s’expliquent ainsi. Il n’y a pas d’autre explication possible. Donc il s’agit d’une politique de séduction qui ne prenne pas en compte l’amélioration des conditions de vie des Togolais. Du pur saupoudrage en somme. Voilà le sens de cette expression employée plus loin : on naît président (on ne devient pas président). Et celui qui est doué pour cette fonction, travaille avec passion et ardeur pour sa patrie et tout le monde le sent. Sinon tout le reste n’est que gâchis.
Les visiteurs ne s’intéressent pas à comment vivent les populations. Ils voient un pays qui avait un aspect sous Eyadèma et le retrouvent après autrement ou alors pour la première fois, ils découvrent un pays dont on ne dit pas du bien du point de vue développement. Ils y arrivent et trouvent une jolie aérogare, des rues acceptables où roulent de rutilants véhicules de luxe appartenant pour la plupart à la minorité pilleuse du pays. Difficile pour eux de croire que ce pays va mal. Or, c’est au niveau de vie des citoyens qu’on devrait raisonnablement bien apprécier le bon travail qu’abat un régime, un président. Ont-ils ce temps, ces visiteurs et gens dits de la communauté internationale qui n’apprécient qu’à l’aune de leur regard partiel sur la cité ?
C’est bien sur ce tableau que jouent Faure Gnassingbé et ses amis qui n’ont pas de pitié pour le peuple et aucune volonté réelle de sortir les populations de la précarité. Rien de très sérieux n’est conduit depuis l’arrivée au pouvoir de Faure ; bien au contraire, si ce n’est que du saupoudrage de la tête au pied avec leur fameuse politique de développement à la base qui n’a de développement que le nom.
A suivre.
Source : Nicolas S., Le Correcteur No.759 du 03 mai 2017
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