Les fins et débuts d’une année nouvelle sont marqués habituellement par les discours de vœux des leaders politiques au peuple togolais.
En attendant le Chef de l’Etat Faure Gnassingbé qui devrait s’adresser à ses concitoyens le mercredi prochain, le chef de fil de l’opposition Jean Pierre Fabre s’est, lui, acquitté de cette coutume depuis le mercredi dernier.
Dans son message de vœux de fin d’année, le président de l’ANC a émis le souhait de voir en 2018 l’aboutissement de la lutte engagée par les partis politiques de l’opposition depuis le 19 août dernier. Il a par, ailleurs, convié ses collègues de l’opposition à rester « soudés et déterminés, hors d’atteinte de toutes les tentatives de déstabilisation du bloc engagé » formée par l’opposition pour la réclamation des réformes politiques et un retour à la Constitution de 1992.
A croire Jean Pierre Fabre, l’année 2018 qui connait déjà ses premières heures ne sera d’aucun repos pour le pouvoir en place.
Ci-dessous le discours intégral du président de l’ANC, Jean Pierre Fabre:
Mes Chers Compatriotes,
Au seuil de l’année 2018, je voudrais, au nom de l’ANC et en mon nom personnel, adresser à chacun de vous et à vos familles respectives, mes vœux ardents de santé, de succès et de prospérité. Je souhaite à tous, une nouvelle année paisible et radieuse, une année qui verra se concrétiser nos aspirations, nos attentes. Une année qui nous permettra d’atteindre nos objectifs d’alternance et de changement.
Que Dieu Tout-Puissant nous protège, nous guide et nous donne la force et le courage de vaincre tous les obstacles dressés sur notre chemin, le chemin de la liberté, le chemin de la victoire, la victoire du peuple togolais souverain.
Mon engagement personnel et celui de mon parti, l’ANC, s’inscrivent résolument dans ce sens. En effet, le Togo auquel aspirent les populations togolaises, massivement mobilisées dans les rues sur le territoire national et dans la diaspora, est un pays aux antipodes de ce que nous connaissons aujourd’hui.
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Une fois notre pays, le Togo, libéré des griffes de la dictature, jamais plus personne ne peut le replonger dans les abîmes abjects du népotisme, de la division, du tribalisme et du pillage des ressources nationales. Celui qui s’y risquerait verrait indubitablement dressées contre lui, toutes les populations, toutes ethnies confondues.
Nous voulons rassurer et protéger les populations civiles. Nous voulons rassurer et protéger les forces de défense et de sécurité. Nous voulons restaurer la confiance entre des populations d’origines différentes, qui vivent en communauté depuis des générations.
Pour moi, c’est une profession de foi. Avec l’alternance et le changement, le tribalisme sous toutes ses formes sera combattu et éradiqué. J’ai pris et je réitère à ce sujet, des engagements très clairs qui constituent pour moi un défi personnel.
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Je demeure pleinement convaincu que c’est avec l’ensemble des forces vives de la nation que nous bâtirons un autre Togo. Un Togo démocratique, uni et réconcilié. Un Togo résolument engagé dans un développement durable et partagé. Un Togo où la sécurité pour tous sera garantie.
Togolaises, Togolais,
Le mouvement de libération de notre pays, que nous nous sommes employés à impulser à travers nos actions de sensibilisation, de formation, d’information et d’éveil des consciences, est entré dans une phase décisive au cours des derniers mois et ne cesse de s’amplifier par une mobilisation générale des populations à Lomé et dans plusieurs villes de l’intérieur du pays ainsi qu’à l’étranger, à l’appel du regroupement des 14 partis politiques de l’opposition.
Nous nous en félicitons d’autant plus, que c’est l’expression manifeste et vivante de la volonté et de la détermination du peuple togolais souverain, à mettre un terme à plus de 50 ans de violence et de terreur, d’arrestations arbitraires, de torture et d’assassinats, de duplicité, de falsification et de fraude électorale, de corruption, de mensonge et d’achat de conscience, de brutalités policières et de coups de force permanents.
Je remercie très vivement les populations togolaises, sur toute l’étendue du territoire et dans la diaspora, pour cette mobilisation historique. Je salue l’unité d’action des forces démocratiques et le caractère pacifique de notre mouvement qui ne cesse de monter en puissance malgré les exactions et les entraves de toutes sortes.
Puissions-nous demeurer soudés et déterminés, hors d’atteinte de toutes les tentatives de déstabilisation du bloc engagé que nous formons.
Cette année encore, nombre de nos camarades de lutte nous ont quittés. Plusieurs d’entre eux sont tombés, au cours de nos manifestations publiques pacifiques, sous les balles assassines d’un régime de violence et de terreur. En saluant leur mémoire, nous avons une pensée pour leurs familles respectives. Nous réitérons nos vœux de prompt rétablissement à tous les blessés et mutilés.
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Nous avons toujours une pensée compatissante pour toutes celles et tous ceux qui, l’âme en peine, passent cette fin d’année dans la tourmente et l’affliction, la tristesse et la désolation, victimes des dérives et autres exactions de ce régime.
Je veux dire les prisonniers politiques, les populations réfugiées, déplacées ou contraintes à l’exil et à la clandestinité, les femmes et les commerçants ruinés dans les incendies des marchés, les enseignants actuellement en grève avec pour conséquence l’arrêt des cours et les élèves dans les rues, les personnels de la santé qui, sans grands moyens et dans un cadre professionnel délabré et laissé à l’abandon, se battent nuit et jour pour sauver des vies, tous les travailleurs togolais qui luttent pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, la jeunesse en détresse, sans emploi et sans perspective, exposée à toutes les tentations et à tous les dangers d’un monde en désarroi.
A tous je réitère ma pleine solidarité et mon plein soutien.
Mes Chers Compatriotes,
L’ampleur de la mobilisation de tous, a montré la profondeur de la crise togolaise et contraint la communauté internationale à s’impliquer et à s’investir pour la recherche d’une issue juste et durable à cette crise.
Nous réitérons à cet égard, toute notre gratitude aux Chefs d’Etat de la Guinée et du Ghana, qui s’efforcent de réunir, à travers la mise en œuvre de mesures préalables convenues, les conditions d’une discussion politique saine et sereine entre les protagonistes.
Nous les exhortons à poursuivre leurs bons offices afin d’assurer la nécessaire médiation que requiert une véritable sortie de crise au Togo.
C’est le lieu de dénoncer et de condamner avec force, les pressions des autorités togolaises visant à écarter toute médiation, notamment la médiation ghanéenne en cours.
C’est également le lieu de dénoncer et de condamner fermement les manœuvres du pouvoir RPT/UNIR visant à banaliser cette crise, en travestissant les conclusions du dernier sommet de la CEDEAO à Abuja sur la question et en cherchant à torpiller les discussions politiques attendues, notamment par des annonces importunes et provocantes.
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C’est enfin le lieu de dénoncer et de rejeter catégoriquement les manigances du gouvernement, pour tenter d’imposer une pléthore de participants de paille à la solde du pouvoir et missionnés pour noyer les discussions en les transformant, comme par le passé, en une mascarade où le pouvoir RPT/UNIR est juge et partie.
Nous voulons être clairs : les deux seules parties à la crise togolaise, appelées à prendre part, aux discussions politiques attendues sous la médiation des pays mandatés par la CEDEAO, sont : le pouvoir RPT/UNIR, d’une part, et notre regroupement des 14 partis politiques de l’opposition, d’autre part. Il revient donc à chacune des deux parties de constituer librement sa délégation suivant la taille convenue. Aucun participant n’est admis s’il n’appartient à l’une des deux délégations.
Togolaises, Togolais,
Mes Chers Compatriotes,
L’heure est à la préparation de discussions politiques sérieuses et crédibles, visant une réelle sortie de crise et non à des déclarations intempestives et provocatrices dans les médias. A cet égard, nous attendons tous l’achèvement des mesures d’apaisement, notamment, la libération des personnes injustement détenues dans la sordide affaire des incendies des marchés de Lomé et de Kara, pour démarrer les travaux préparatoire des discussions politiques annoncées.
L’heure est à la réflexion pour opérer le sursaut patriotique qui sortira le Togo de l’ornière.
L’heure n’est point à des campagnes médiatiques engagées à grands frais et ruineuses pour les dépenses publiques, avec l’importation de plusieurs dizaines de journalistes étrangers, grassement payés, pour tenter de raboter l’image désastreuse et surtout insoutenable d’un régime irrémédiablement rejeté par les populations.
L’heure est aux mesures courageuses, concrètes et adéquates visant l’alternance et le changement auquel aspire le peuple togolais et non à des spéculations indécentes et vaines sur la rue, les urnes, la constitution et même la démocratie, du reste vides de tout sens pour le régime RPT/UNIR.
En l’occurrence, lorsque M. Faure Gnassingbé prétend que les élections se gagnent dans les urnes, il faudra qu’il dise dans combien d’urnes ou dans quelles urnes si, en 2005, il a dû massacrer 500 personnes avant de se proclamer vainqueur ; si, en 2010 il a fait saisir par la gendarmerie tous les procès-verbaux du candidat Jean-Pierre Fabre avant de se proclamer vainqueur et si, en 2015 il s’est empressé de se déclarer président, alors que la CENI n’avait examiné que 14 procès-verbaux sur 42 !
Et lorsque M. Faure Gnassingbé prétend que la constitution dispose pour l’avenir et non pour le passé, il doit d’abord demander des comptes à son père à qui les modifications issues des tripatouillages de 2002 ont été appliquées immédiatement, lui permettant de rempiler pour un mandat supplémentaire, en dépit de sa parole de militaire.
Il devra également demander des comptes à lui-même qui, à la mort de son père, s’est vu appliquer, séance tenante, les tripatouillages de 2005, qui l’ont vu passer de ministre à député, de député à président de l’Assemblée nationale et de président de l’Assemblée nationale à président de la République.
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Il est temps que soit instaurée au Togo, comme c’est le cas dans tous les autres pays membres de la CEDEAO, une gouvernance garante des principes de la démocratie et de l’Etat de droit. Ce qui, dans notre pays à l’heure actuelle, passe par l’alternance et le changement politiques. Voilà pourquoi, les revendications légitimes des populations togolaises, martelées depuis des mois d’une seule et même voix par des centaines de milliers de manifestants, et portées fermement par nos 14 partis politiques de l’opposition, se résument en une exigence essentielle : le retour à la Constitution originelle de 1992, qui rétablit le scrutin à deux tours et limite, d’une manière absolue, les mandats présidentiels à deux.
Une fois encore, je demande solennellement au Chef de l’Etat de prendre la pleine mesure des aspirations du peuple togolais souverain et d’y répondre sans louvoyer, sans qu’aucune goutte de sang ne soit plus versée, et en tenant compte des appels pressants et répétés de la Conférence des Evêques du Togo ainsi que ceux de l’Eglise Evangélique Presbytérienne et de l’Eglise Méthodiste du Togo, en faveur et en soutien des revendications légitimes du peuple togolais. Un peuple digne, qui n’aspire qu’à la liberté, à la justice, au respect des droits de l’homme et des principes de l’Etat de droit, de la démocratie et de la bonne gouvernance.
Je réitère mon appel aux Forces Armées Togolaises pour qu’elles prennent leur place aux côtés des populations togolaises et n’entravent pas la marche de la nation togolaise. L’armée nationale devra reprendre sa vocation républicaine et apolitique, au service de la nation tout entière et non d’un clan, d’un parti politique ou d’une personne.
J’appelle la communauté internationale à une lecture juste de la situation qui prévaut au Togo, et à une bonne compréhension des aspirations profondes du peuple togolais meurtri et excédé par cinquante ans de dictature.
Mes Chers Compatriotes,
Le Togo et son devenir appartiennent à tous les Togolais, sans aucune distinction. Et tous les Togolais, sans distinction, ont le droit de voir comblée leur soif de liberté et de justice. J’invite l’ensemble des populations togolaises à une vigilance et à une mobilisation plus fortes que jamais, avec la pleine conscience qu’il ne tient qu’à chacun de nous et à nous seuls, de mener à son terme la lutte de libération de notre pays.
Bonne et heureuse année 2018 à tous;
Et que Dieu bénisse le Togo et le peuple togolais tout entier !
Source : www.togoweb.net