Le gouvernement du Togo peut-il encore oser déclarer que l’Etat n’a jamais donné l’autorisation à la société italienne ENI de pomper le pétrole au large des côtes ? Pour nous être intéressé aux rapports d’audit de 2010 à 2013, nous pouvons affirmer désormais que depuis au moins 2011, le pays a permis à cette société de produire de l’or noir contre des dividendes estimés désormais à près de 14 milliards FCFA.
25 Octobre 2010, c’est la date à laquelle un permis de recherche et d’exploration offshore a été délivré à ENI. Les décrets N° 2010-118/PR et 2010-120/PR consacrent, eux, un permis de recherche et d’exploitation à la société ENI pour une durée de 2 ans et 3 mois. Mais déjà fin 2010, la moisson de cette société fut telle que les dividendes par elle versés à l’Etat togolais s’élevaient à 6.496.300.800 FCFA. Précisons que toutes ces données figurent dans le rapport 2010 de conciliation de l’ITIE-Togo, produit par le cabinet Moore Stephens et qui est encore accessible sur le site de l’ITIE-Togo.
En 2011, les recettes provenant des industries extractives ont été divulguées par la Cour des Comptes, dans un rapport complémentaire. Ainsi, il en ressort qu’en 2011, la société ENI a contribué aux recettes du Togo à hauteur de 1.337.536.221 FCFA.
Or, nous nous étions limités aux rapports 2012 et 2013 dans le passé, pensant que les dividendes versés par ENI tournaient autour de 6 milliards FCFA, en considérant qu’en 2012, l’Etat avait perçu 1.592.646.465 FCFA et 4.503.582.865 FCFA l’année suivante. Aujourd’hui, on se rend compte que de toutes les sociétés extractives qui ont fait et continuent de faire des chiffres d’affaires au Togo, ENI vient en pôle position avec, de 2010 à 2013 un cumul de 13.930.066.351 FCFA ! Cette société qui est loin d’être une structure qui milite pour une œuvre de bienfaisance peut-elle débourser une telle somme en quatre ans sans jamais rien tirer de juteux des deux plateformes en guise de contrepartie ???
« Cocasse quand on sait qu’aucune goutte d’or noir ne sort malheureusement du sous-sol. On peut toujours rêver », c’est tout ce que le site du gouvernement a trouvé à répondre le 13 septembre à notre parution de ce jour. Nous nous étions limités aux rapports d’audit de 2012 et 2013. Mais cette fois-ci, nous sommes remontés plus loin, nous basant toujours sur les travaux officiellement reconnus de cabinets spécialisés et dont les rapports sont acceptés par les autorités en place. Il nous souvient qu’en 2014, c’était l’ancien ministre Damipi Noupokou, alors ministre des Mines et de l’Energie qui s’était permis de convoquer une conférence de presse pour démentir nos écrits. Actuellement, c’est Marc Ably-Bidamon qui trône à la tête dudit ministère. On serait intéressés d’entendre les arguments qu’il serait instruit de produire pour réfuter encore, non plus des allégations sur l’existence d’un réseau mafieux de production clandestine de pétrole au Togo, mais cette fois des affirmations chiffrées d’une structure étatique.
Le Togo détient des richesses qu’une minorité accapare, et Faure Gnassingbé ne pourra jamais arguer son ignorance de la manœuvre clandestine. Puisque c’est par décret que les recherches et l’exploitation ont commencé. Lui a-t-on servi la part léonine, ce qui l’aurait contraint à laisser son entourage faire, du moment qu’il y trouve aussi sa quote-part ? La question reste posée.
Il serait temps que chacun s’interroge sur les raisons de la production clandestine de l’or noir au Togo, plutôt qu’une production au vu et au su de tout le monde. Nous avions déjà écrit qu’un deal existerait entre le Togo et ses États voisins afin que les deux puits de pétrole, Oti1 et Kara1 ne soient pas exploités. A l’heure où chaque pays pense à sa survie et au bien-être de ses populations, que risquerait le Togo s’il décidait de pomper à ciel ouvert le pétrole et de dénoncer l’accord qui le lierait à ses voisins ? Surtout que les deux plateformes ne sont pas situées sur des frontières maritimes ?
Depuis des lustres, les recettes issues de la vente du phosphate échappent au trésor public et n’y sont versés que les montants voulus et décidés par certains dans l’entourage de Faure Gnassingbé. Alors que ce minerai n’est pas la propriété privée du chef de l’Etat. Ni le pétrole off-shore togolais dont la sécurisation des plateformes mobilise des éléments du Groupement d’intervention léger anti terroriste (GILAT). Ceux-ci vont passer 30 jours autour et sur les plateformes afin d’éloigner tout curieux qui voudrait voir de près ce qui s’y passe. Et si le ministre des Mines et de l’Energie se faisait convoquer pour des explications par les représentants du peuple, histoire d’éclairer la lanterne des élus ?
Abbé Faria
Source : Liberté No.2535 du 12 octobre 2017
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