Réunis à Lomé, mardi, à la faveur de sa 53è Session ordinaire, la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO a rendu publique, sa feuille de route, dans la perspective d’une sortie de crise consensuelle et apaisée au Togo. A l’arrivée, des recommandations qui remettent la balle sur le terrain.
Beaucoup sont les togolais qui attendaient, depuis le 14 avril 2018, la feuille de route de la communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), tel un «Ave mus Papam». Au soir du 31 juillet, elle a été rendue publique, avec ses recommandations.
Ce qu’il faut retenir de la feuille de route
Après avoir félicité les présidents Nana Akufo-Addo du Ghana et Alpha Condé de la Guinée pour leur disponibilité, les acteurs politiques pour leur engagement en faveur de la concertation et du dialogue permanent, la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de la Cedeao encourage le gouvernement togolais à poursuivre les mesures de confiance d’apaisement à travers la libération des personnes jugées et condamnées dans le cadre des manifestations politiques depuis le 19 août 2017.
Par ailleurs, elle exhorte le gouvernement à la révision intégrale du fichier électoral qui devra conduire aux élections législatives projetées sur le 20 décembre 2018. Aussi, la Cedeao recommande-t-elle des réformes politiques, notamment la limitation le mandat présidentiel à 2, puis les élections à deux tours. Outre le renforcement du processus électoral, la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de la sous-région recommande la possibilité de vote des togolais de la diaspora et la recomposition de la Cour Constitutionnelle. Toutes ces réformes devront se faire par voie parlementaire, au cas échéant par voie référendaire, a également recommandé la Cedeao.
Rien de scellé…
En scrutant objectivement la feuille de route telle qu’élaborée, on se rend compte qu’elle ne renferme rien de solide, au regard des attentes très grandes des togolais. Le sujet épineux qui a trait à la candidature de Faure Gnassingbé en 2020 a été passé sous silence tout en renvoyant les acteurs politiques à l’Assemblée Nationale. Or, une analyse rétrospective de la situation sociopolitique du Togo depuis quelques années déjà fait déduire, par toute analyste, une option référendaire très prochaine. Et Fraternité a eu très tôt à le prédire déjà au lendemain des législatives 2013 où le pouvoir Unir s’est arrangé pour obtenir 62 sièges au parlement. Ceci, en ce sens que le consensus auquel est désormais appelé les acteurs politiques est connu être la chose la moins partagée par ces derniers.
Du pain béni, miné…
En clair, c’est une feuille de route à minima qui, loin de résoudre la question de 2020 qui cristallise les débats depuis le 19 août dernier, semble plutôt réconforter le régime de Lomé et Faure Gnassingbé dans leur vision de 2030. Car, avec les nouvelles directives de l’organisation sous-régionale, on sent en gestation, la pire des alternatives, celle qui consistera à remettre le compteur présidentiel à zéro. Somme toute un coup d’assommoir au peuple togolais déjà désabusé, lassé par un pouvoir cinquantenaire et qui n’est plus prêt à accepter une nouvelle candidature de Faure Gnassingbé aux prochaines échéances électorales.
Au regard de tout ce qui précède, il est donc est à craindre, comme en septembre 2017, un blocage en perspective entre acteurs politiques à l’Assemblée Nationale. Une situation qui enverrait systématiquement le peuple togolais au référendum. Certainement la pire des options pour les togolais qui rentreraient, de fait, dans une nouvelle république avec ses implications juridiques. Donc du pain béni pour le pouvoir en place.
Mais l’analyse devient toute autre quand on revient sur cette recommandation qui demande la remise à plat du fichier électoral avec l’inclusion désormais de la diaspora togolaise qui constitue l’autre aile dure contestataire du pouvoir de Faure Gnassingbé. Il revient donc à la coalition des 14 de s’appliquer en toute rigueur et sérieux pour bondir efficacement sur ce pied d’appel servi par la Cedeao. Et sur cette question, ajoutée à la recomposition de la Cour Constitutionnelle, à la date fixée dans 4 mois pour la tenue des législatives etc, les risques de blocages sont forts, sinon très forts.
Source : Fraternité No.279 du 1er août 2018
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