« Chassez le naturel, il revient au galop » – Philippe Nericault
Le pouvoir togolais, nonobstant un signe d’apaisement politique, n’est pas près de prendre toute la mesure des frustrations et de la colère des populations. L’adoption de l’avant-projet de loi de révision constitutionnelle et la convocation des députés à une session extraordinaire aujourd’hui participaient, considérait-on, d’une logique de rupture politique.
Rupture d’abord en ce que le pouvoir atteint de l’usure aura enfin compris que l’homme doit être au cœur des choix politiques ; rupture également en ce que- une fois n’est pas coutume-, le clan au pouvoir met le pied sur l’accélérateur en ce qui concerne le sujet des réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales, sous la pression populaire. Mais ces conclusions, aussi pertinentes soient-elles, paraissent bien hâtives. Comme le démontre ce report de la session à consacrer à la question des réformes.
De sources concordantes, la session parlementaire extraordinaire d’aujourd’hui sera consacrée à l’examen du budget de l’Assemblée nationale et autres. Comble d’inconséquence politique ! Quel est le degré d’urgence de la tenue d’une session sur le budget de l’Assemblée nationale en Septembre, alors qu’un vaste front de l’opposition en osmose avec l’écrasante majorité des Togolais réclame un retour à la Constitution originelle de 1992 ? L’urgence politique est bien sur le sujet des réformes. Et c’est cette urgence qui est censée avoir motivé la convocation des députés à une session extraordinaire aujourd’hui. Car, en dépit des déclarations de Christophe Tchao, président du groupe parlementaire RPT/UNIR, la session sur le budget de l’Assemblée nationale est en principe prévue pour s’ouvrir le premier mardi du mois d’octobre.
L’urgence politique, c’est la matérialisation des réformes. Rien d’autre. Dans l’ordre normal des choses, la session parlementaire d’aujourd’hui ne pourrait pas ne pas y être consacrée. Dans un Etat normal ou qui prétend l’être, cela relève du surréalisme ! Pourtant, Faure Gnassingbé et consorts veulent bien reprendre la situation à leur compte. Ils recourent à nouveau au dilatoire et font mine de refouler la pression. Bref, ils font l’erreur de croire que tout est de nouveau sous contrôle, qu’ils ont tout le temps et qu’ils peuvent aménager l’agenda des réformes politiques selon leur bon vouloir. Même dans l’hypothèse où cette session aurait été prévue de longue date pour l’examen du budget, un pouvoir qui tient à maintenir le cap de la décrispation politique n’aurait nullement hésité à modifier cet agenda. A défaut, il pourrait, ainsi que le préconise Ibn Chambas au nom de l’ONU, prolonger cette session parlementaire de sorte à y inscrire également le sujet des réformes.
Mais le pouvoir, fidèle à ses habitudes, a encore besoin d’un aiguillon. Car il n’entend que le langage de la pression. Quand est-ce que la révision constitutionnelle passera-t-elle de projet à réalité ? A moins d’une pression populaire infaillible, Faure Gnassingbé et cie pourraient bien renvoyer cette échéance aux calendes grecques. Et l’opposition l’a compris. Elle appelle les populations à manifester aujourd’hui devant l’Assemblée nationale pour vilipender les manœuvres du pouvoir. La pire erreur serait de laisser les tenants du pouvoir reprendre du poil de la bête. Avec eux, tout ne bouge que pour faire du surplace.
Meursault A.
Source : Liberté
27Avril.com