Le Togo a organisé, le dimanche 30 juin dernier, les élections locales, trente deux ans après. Tout comme les autres échéances électorales, ce scrutin au travers duquel seront élus les maires et Conseillers municipaux est conduit par la Commission Électorale Nationale Indépendante (Ceni). Une fois encore, l’indépendance de cette institution est remise en cause.
Ils étaient aux urnes !
Six mois après les dernières législatives de décembre 2018, les Togolais étaient de nouveau dans les urnes le dimanche dernier. Il s’agit d’élire les Maires et Conseillers municipaux devant prendre les commandes des 117 Communes à travers tout le pays. «Malgré quelques incidents mineurs, tout s’est déroulé normalement sur l’ensemble du territoire national», s’est réjoui, dimanche soir, le Président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), Ayassor Tchambakou qui fixe le taux de participation globalement à 50,5%.
Si le scrutin qui verra l’élection des 1527 Conseillers municipaux s’est déroulé dans le calme, comme sus-mentionné par l’instance en charge de l’organisation dudit scrutin, il n’en demeure pas moins vrai qu’un faible engouement a été dénoté, au niveau des électeurs. «Nous votons mais nos autorités ne publient que des chiffres dont ils sont les seuls à détenir le secret. Nous avons l’impression que notre avis ne compte en réalité pas et qu’il s’agit tout simplement d’une simple formalité. C’est pourquoi nous avons choisi de boycotter le scrutin », nous confie, désabusé, Jean, 61 ans, enseignant des Sciences-Physiques à la retraite.
Indifférence…
A la faible mobilisation des électeurs, s’ajoutent les dérives autoritaires du ministère de l’Administration territoriale et des collectivités locales qui auront chagriné plus d’un. L’on ne passera pas sous silence, l’interdiction faite par le gouvernement, et ce avec des arguments fallacieux, à certaines organisations de la société civile ayant sollicité l’accréditation pour l’observation dudit scrutin. Il s’agit de la Conférence Épiscopale Nationale Justice et Paix (CENJP), la Concertation Nationale de la Société Civile (CNSC) et l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture au Togo (ACAT-Togo). Le paradoxe est qu’un membre de la CENI est représentant de la CNSC.
Justement en réponse, cette dernière association dénonce un pire mensonge et une diffamation du ministre Boukpessi qui met en doute leur neutralité ainsi que leurs sources de financements. «L’ACAT -Togo sera heureuse de savoir disponible le Ministre de l’Administration Territoriale afin d’apporter les preuves de financements d’origine douteuse alléguées et les actes incriminés de notre impartialité dans les sujets d’intérêt national dans les meilleurs délais», écrit ACAT-Togo dans un communiqué au lendemain du refus de son accréditation par le gouvernement.
La question de l’indépendance de la CENI
En effet, la question sur la réelle indépendance de la Commission Électorale nationale indépendante (Ceni) s’est a toujours posée avec accuité. Pour nombre d’observateurs, cette institution censée jouir d’une autonomie dans son fonctionnement est loin de l’être. L’on en a pour preuve, plusieurs actes prouvant une commission aux ordres du pouvoir et qui contribue, à l’instar d’autres institutions, à la pérennisation dans le temps du pouvoir cinquantenaire.
Le débat n’a pas encore trouvé une issue quand le ministre Boukpessi en rajoute. Par son courrier de directives adressée à la CENI sur la non partialité desdites organisations et auquel l’organe s’est plié aussi en refusant l’accréditation au titre d’observateurs auxdites organisations finalement «gênantes», le ministre Payadowa Boukpessi prouve, aux yeux du monde, que la CENI, depuis la nuit des temps, n’a jamais été indépendante. Somme toute la confirmation de cette perception partagée depuis des années par un grand nombre de togolais.
Le souhait d’une CENI technique
Ces inconduites et dérives autoritaires expliquent justement et à plus d’un titre la horde d’appels en faveur d’une commission plutôt technique que politique. Ceci à l’instar de ce qui se fait dans plusieurs pays de la sous-région comme le Ghana. Une Ceni technique est gage d’un processus crédible, transparent et exempt des considérations et humeurs partisans. Des vices qui, le plus souvent, polluent le bon fonctionnement de cette institution qui sera ainsi prise en otage par les chapelles politiques dont les membres ne passent le clair du temps qu’à défendre leurs intérêts.
Source : Fraternité No.319 du 03 juillet 2019
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