Où en est le Vrai-Faux Dialogue Togolais, mai 2018 : Entretien de Bill Emile Davolk de FM Liberté, la Radio de la Diaspora, avec le Dr. Yves Ekoué Amaïzo, Directeur Afrocentricity Think Tank, et Coordonnateur du Collectif pour la Vérité des Urnes (CVU-Togo-Diaspora) sur la complexité de la situation socio-politique actuelle au Togo
Bill Emile Davolk : Où en sommes-nous avec le dialogue au Togo ?
Dr. Yves Ekoué Amaïzo : Le Dialogue était censé durer 10 jours. Avec plus de 4 mois sans aucun résultat tangible, c’est l’échec du vrai « faux dialogue » avec en plus, une suspension des marches pacifiques par le Gouvernement. Ce dernier estime d’ailleurs que tant que le Dialogue qui a initié unilatéralement n’est pas « terminé », les marches pacifiques feront l’objet de bastonnade et autres interventions musclées entraînant même des morts et de nombreux blessés et de nombreux prisonniers politiques. Plus de 100 citoyens togolais sont en prisons sans jugement actuellement alors qu’il s’agissait justement de la revendication première de la Coalition des 14 partis politiques. C’est cela la démocratie du RPT/UNIR et son système militaro-civil au Togo.
Les leaders de la Coalition des 14 affirment que la participation à ce dialogue était importante pour prouver à la Communauté Internationale leur bonne foi quant à un dénouement pacifique de la crise. Partagez-vous cet avis ?
La réponse est non. Il fallait imposer une « négociation » et non un « Dialogue », surtout le 27e dialogue avec les 26 précédent un échec. Il n’y a pas besoin de prouver quoi que ce soit à la Communauté internationale qui n’a jamais véritablement soutenu les luttes au Togo mais pour des raisons de protection de leurs intérêts, s’alignaient en définitive sur les positions du pouvoir en place.
Est-ce que le dénouement est pacifique alors que l’on continue à bastonner lors des marches pacifiques. La réponse est non. Donc aillons le courage de dire que la stratégie adoptée par le C14 a échoué, le dialogue avec. Par ailleurs, il n’a jamais été demandé l’avis de la Diaspora togolaise plurielle et indépendante alors que des structures comme le CVU-Togo-Diaspora et Le réseau de coordination de la Diaspora togolaise indépendante avaient régulièrement prévenu que la C14 s’engageait dans un piège du pouvoir RPT/UNIR mais aussi des différents médiateurs et facilitateurs (Guinée et Ghana).
Ce dialogue devrait durer 10 jours mais s’est enlisé, nous sommes déjà dans le quatrième mois et on observe plutôt un silence du médiateur principal le président Nana Akufo-Addo. Est-ce qu’il a jeté l’éponge ?
Le principal médiateur était le Président guinéen Alpha Condé. Le président ghanéen était le Facilitateur. Aujourd’hui face à l’échec patent du vrai « faux » dialogue, le facilitateur ghanéen change de rôle, ce qui lui permet de ne pas conclure que le Dialogue est un échec. De plus, il devient à nouveau un médiateur à côté du Président guinéen. Tant qu’il n’y aura pas d’annonces officielles, le dialogue n’est pas terminé. Mais qui doit déterminer s’il y a une fin d’un vrai faux dialogue ? Faure Gnassingbé ou la C14 ? La réalité est que la Coalition des 14 partis n’ont pas voulu faire confiance à la Diaspora togolaise plurielle et indépendante qui aurait pu jouer le rôle de facilitateur et même de médiateur et aurait permis une véritable négociation inter-togolaise. Il n’est pas trop tard. Mais il ne s’agit pas de croire que la Diaspora togolais plurielle et indépendante doit s’aligner dans tel ou tel parti politique au pouvoir ou dans l’opposition. Cette Diaspora est plurielle et indépendante. Elle doit être respectée à ce titre surtout qu’à ce jour, la partie de la C 14 qui souhaite aller aux élections locales en cours de propositions par Faure Gnassingbé ne sont pas pressée pour faire participer la Diaspora togolaise.
Le président guinéen Alpha Condé a été désigné comme second médiateur dans la crise togolaise mais certains ne le voient pas d’un bon œil arguant qu’il n’est pas une référence en matière de démocratie et de transparence. Est-ce que Alpha Condé apportera un plus à la médiation d’Akufo-Addo?
Non, le Président guinéen alors Président en exercice de l’Union africaine avait toujours été choisi par ses pairs comme un médiateur dans la crise togolaise. Mais il s’est mis en veilleuse et n’est plus le Président en exercice de l’UA depuis la fin janvier 2018. C’est le Président du Rwanda, Paul Kagamé qui est le Président en exercice de l’UA pour un an. Aussi, compte tenu de sa volonté de changer la Constitution de son pays et les nombreuses échauffourées dans son pays, la question est de savoir sur quelle base il a été renouvelé dans ses fonctions de médiateur et surtout qu’est-ce qu’il propose aujourd’hui face à l’échec du facilitateur devenu médiateur lui-aussi. Il y a une véritable confusion des genres, ce qui dénote une improvisation et un manque de professionnalisme, voire un amateurisme qui n’est pas acceptable pour le Peuple togolais. Pourquoi le Président Paul Kagamé est silencieux et ne fait pas le point officiellement sur l’échec du Dialogue. Espérons qu’il va le faire avant le démarrage de la Présidence tournante de la CEDEAO.
Faure Gnassingbé a insisté sur la tenue de son referendum dans son discours à la nation le 27 Avril 2018. Quelle analyse faites-vous de ce discours au cours quel il peint le Togo comme un havre de paix, de sécurité, de croissance économique et surtout insiste sur le respect du délai constitutionnel pour l’organisation des élections ?
Il n’y a pas de vide juridique au Togo en cas de retard dans les élections. Donc Faure Gnassingbé a menti au Peuple togolais pour justifier sa position. Pour ce qui est du « un havre de paix, de sécurité, de croissance économique », il faut demander aux citoyens togolais si ce qu’il affirme est vrai, notamment depuis le 19 août 2018. Bref, là encore, un mensonge d’Etat. Mais apparemment, cela permet d’accommoder les chancelleries occidentales.
Selon Le Ministre Gilbert Bawara, il faut donner la voix au peuple et lui permettre de s’exprimer à travers le referendum. Il ajoute d’ailleurs que l’opposition ne va pas continuer à prendre le Peuple en otage avec les manifestations et Les revendications. Est-ce que les Togolais sont vraiment otages de l’opposition ?
Non, les Togolaises et Togolaises ne sont pas otages de la Coalition des 14 mais ils sont otages de Faure Gnassingbé et son système militaro-civil bénéficiant des appuis extérieurs d’entreprises multinationales et de certains Etats occidentaux.
Mr Bawara, qui est juriste, s’est que le régime qu’il défend avec zèle n’a pas respecté le parallélisme des formes juridiques pour modifier la Constitution de 1992. Donc c’est son système de FG qui a mis en otage le peuple togolais. De plus, il souhaite ne pas revenir à la C92 mais veut refaire le référendum pour permettre que FG recommence au moins deux autres mandats. C’est de la supercherie politique. Les manifestations sont légitimes et prévues par la Constitution. Ce sont les Forces armées togolaises et leurs milices brutales qui ont pris en otage le Peuple togolais.
Lors d’une conférence de presse la Coalition des 14 a proposé un gouvernement de transition pour opérer les réformes constitutionnelles et institutionnelles. Faut-il cette transition pour mettre fin à cette crise politique ?
Un gouvernement de transition avec Faure Gnassingbé et son système militaro-civil ne changera rien. Il suffit de revoir l’histoire du Togo depuis la conférence nationale et l’expérience de Mr Joseph Koffigoh. Il ne faut pas oublier les accords secrets de défense qui permettent à la France d’intervenir pour remettre au pouvoir le Président du Togo. Donc il faut une transition sans Faure Gnassingbé. Cela ne veut pas dire que toute négociation avec Faure Gnassingbé et son système n’est pas possible. Mais les conditions de ces échanges doivent être encadrées, sécurisées et sans pièges ésotériques.
La Coalition des 14 semble aujourd’hui à la croisée des chemins, certains parlent d’échec de la révolution et conseillent de reculer pour mieux sauter. Quelles stratégies doit-on adopter pour gagner cette lutte ?
Il faut changer la mentalité de soumissions au sein de la Coalition des 14, élargir cette Coalition avec la Diaspora plurielle et indépendante et la société civile togolaise indépendante. Pour être clair, les trois principales questions suivantes doivent être posées à la C14 : 1. Qui décide en dernier ressort dans la C 14 ? 2. Est-ce que cette décision se déroule dans un cadre démocratique, libre et sans pressions de toutes sortes ? 3. Est-ce que le système adopté de fait par la C 14 est le même que RPT/UNIR à savoir une forme décision centralisée basée sur la loi du plus fort en termes de capacité de nuisance ? Ne pas répondre à cette question, c’est accepter que Tikpi Atchadam continue à être marginalisé physiquement et intellectuellement du C 14, même si ses membres sont présents dans la C 14.
Aussi, il faudra trouver l’opportunité d’assurer la sécurité du Président du Parti National Panafricaine, Mr Tikpi Atchadam afin de permettre lui, sa famille et les membres du PNP de revenir vivre au Togo en toute sécurité et soutenir la lutte.
Le mode de décision devra devenir transparent et surtout démocratique et sécurisé.
Il faudra nécessairement rédiger Un Programme pour l’Avenir du Togo (PAT), ce que le réseau de coordination de la Diaspora togolaise indépendante a déjà commencé avec le Collectif pour la Vérité des Urnes au niveau de la Diaspora. Toute personne de bonne volonté convaincu que l’avenir du Togo devra se faire sans Faure Gnassingbé peut contacter le RCDTI et le CVU-Togo-Diaspora pour apporter sa contribution selon une méthodologie précise.
Pour conclure, l’un des arguments souvent avancés par les militants du régime RPT-UNIR est que l’opposition est incapable de diriger le Togo et se contente de protester pour protester. Est-ce que l’opposition togolaise à aujourd’hui les leviers pour véritablement exercer le pouvoir et répondre aux aspirations du peuple ?
La réponse n’est pas automatique. La compétence existe au Togo. Est-ce que cette compétence se limite à la Coalition des 14 partis ? La réponse est non. Donc il faut élargir le C14 et surtout avoir des règles de fonctionnement démocratiques et basés sur la majorité sinon il n’y a pas de différence avec le mode de fonctionnement du RPT/UNIR.
Par ailleurs, la compétence se trouve aussi dans la Diaspora et dans la société civile togolaise. Il faut donc aller les chercher, les associer, sans qu’il ne s’agisse de les forcer à accepter une servitude ou une soumission volontaire au sein du C14 comme d’ailleurs au sein du RPT/UNIR.
Enfin, il faut un Programme sur l’Avenir du Togo pour rétablir la confiance sur les objectifs à atteindre pour le Peuple togolais. Il va falloir quelque chose de crédible et de convaincant au Président du Nigéria lors de sa présidence tournante de la CEDEAO à partir de juillet 2018.
Je vous remercie.
Source : Bill Emile Davolk / FM Liberté
27Avril.com