Togo-Dr Christian Spieker : « Il faut bien se préparer pour affronter ce sale jeu de la France »

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C´est dans le rang de la jeune élite africaine que la France cherche ses pions de demain. Un rapport français plus ou moins confidentiel, datant de 2015, volumineux de 203 pages à base des enquêtes en Afrique, commandé et fait pour l´Elysée par la commission des affaires étrangères de l´assemblée nationale, sous la présidence  de la république de son prédécesseur, François Hollande, montre clairement comment la France veut procéder pour remplacer les dirigeants africains vieillissants, dans ses anciennes colonies pour assurer la relève de demain dans le seul but de maintenir son influence et sauvegarder ses intérêts économiques. 

Ce n´est pas pour rien qu´Emmanuel Macron aime se rapprocher de certains intellectuels africains, hommes politiques ou activistes, surtout basés en France ou du moins influents et bien écoutés dans leur pays. Il suit à la lettre ce qui est dans ce rapport de 203 pages. C´est la raison pour laquelle ce prochain sommet France-Afrique ou Afrique-France ( comme elle aime tromper les Africains avec ce changement d´appellation pour calmer les esprits bouillants ) qui aura lieu à Montpellier, sera fait autrement et dominé plutôt par l´invitation des intellectuels africains, activistes, jeunes hommes engagés politiquement dans leur pays que des dirigeants africains eux-mêmes comme il en est  souvent le cas pour ce genre de sommet entre la France et l´Afrique où tous les présidents d´Afrique francophone étaient invités pour écouter leur maître. Désormais ce sont les futurs dirigeants africains qui sont ciblés pour l´exercice.

Il veut plutôt s´adresser aux jeunes ou leaders politiques franco-africains basés en France qui seront des dirigeants de demain ou dont la voix pèsera dans leur pays. C´est ça, le but visé dans ce choix d´Emmanuel Macron de ne pas inviter les présidents en exercice pour ce prochain sommet entre l´Afrique et la France.

Ceux qui sont encore naïfs, verront dans ce geste d´Emmanuel Macron, de préférer les jeunes africains aux dirigeants africains eux-mêmes, une manière de lutter contre la dictature en Afrique alors que c´est faux. C´est plutôt une stratégie pour s´assurer de la continuité de la politique africaine de la France. Il sait que le temps des dirigeants actuels est en train de passer, vu leur âge quand on prend le cas  d´Alassane Ouattara,  Paul Biya,  Dénis Sassou Nguesso, Alpha Condé, etc.. Il veut plutôt s´intéresser aux futurs dirigeants africains de demain. C´est une des recommandations importantes dans ce rapport phare pour l´Élysée sur la politique africaine de la France dans les décennies à venir dans ce continent

Quand on prétend diriger son pays un jour en Afrique, il faut beaucoup lire et s´intéresser de près, la politique que mène la France et comment elle y procède pour ne pas tomber dans son piège. Ce rapport, je ne le mettrai jamais dans l´espace public car c´est le document confidentiel de l´ennemi. Quand on veut être président en Afrique, il faut bien se préparer pour affronter ce sale jeu de la France. Il faut beaucoup de vigilance de la part des peuples africains dans le choix des hommes politiques qui vont diriger demain leur pays. L´ennemi ne dort pas et pour cela, les vrais patriotes aussi ne doivent pas non plus dormir.

En Afrique, il y a trois catégories de leaders ou hommes politiques et les peuples doivent les connaître :

 Ceux qui peuvent collaborer et se rallier aux dictateurs ou régimes en place à un moment donné ou à tout moment en retournant leur veste. Les peuples doivent être en mesure de les détecter pour s´en méfier car cette catégorie de leaders ne lutte pas pour leurs pays mais pour leur propre intérêt et gloire.

Les exemples sont pleins partout en Afrique. Vous-mêmes vous pouvez en trouver facilement ;

La deuxième catégorie est celle des leaders ou hommes politiques qui ne sont pas forcément prêts à collaborer avec les dictateurs ou régimes en place mais qui souvent cherchent néanmoins l´appui de l´occident, en particulier de la France pour venir au pouvoir. Ceux-là aussi, les peuples doivent s´en méfier car ce sont les vrais démagogues. Ils se masquent par des paroles critiques contre le pouvoir en place dans leur pays mais qui en réalité ne feront pas mieux que ceux qu´ils combattaient hier. Ce sont des pièces de rechange à l´identique mais s´assimilent le plus souvent en apparence à de vrais opposants aux régimes en place dans les pays africains. Le bon exemple est : Apha Condé de Guinée. Il était pris pour un vrai opposant de ses prédécesseurs. Il est pire que Sékou Touré quand on voit la politique de répression qu´il mène contre les opposants et le tripatouillage de la Constitution;

La troisième catégorie de leaders ou hommes politiques mais malheureusement moins nombreux, est le noyau dur, le bon pour le salut de l´Afrique. Ce sont eux qui, non seulement n´accepteront jamais de collaborer avec les dictateurs ou régime en place dans leur pays mais aussi ne chercheront jamais l´appui de la France pour parvenir au pouvoir. L´espoir des peuples africains doit reposer sur ceux-là.

C´est le cas de Thomas Sankara. En tout cas dans cette catégorie les hommes politiques sont rares. C´est la catégorie des vrais nationalistes, patriotes et panafricanistes. Ils ne sont pas des bénis oui, oui.

La décennie à venir sera la plus déterminante pour libérer l´Afrique. Les peuples ont un rôle à jouer. Les leaders ou hommes politiques des deux premières catégories peuvent par responsabilité et devoir citoyen avoir le courage de soutenir les leaders de la troisième catégorie car le problème africain et surtout francophone est de libérer l´Afrique de la France. Or, tous les leaders ne sont pas en mesure de  jouer ce rôle crucial. C´est là, tout l´enjeu de la libération. C´est comme un jeu de football. Dans les moments cruciaux on ne laisse pas le tirage de penalty à n´importe quel joueur. Il faut des gens faits pour ça, de par leur caractère, leur sang froid face à l´adversaire, leur capacité à tirer la balle sans trembler. Voilà ce à quoi l´Afrique doit faire face dans les 10 années à venir. L´Afrique a besoin des bons tireurs de penalty face à la France pour pouvoir remporter cette victoire et libérer l´Afrique. Laisser de l´égoïsme de côté si on veut s´en sortir de cette spirale de politique française dans le continent.

La France sait pertinemment  qu´elle est désormais détestée par les peuples africains, surtout sa jeunesse qui plébiscite la Russie pour  la coopération militaire comme on le voit actuellement au Mali.

J´ai toujours dit que pour libérer l´Afrique, il faut des présidents courageux, prêts à tenir tête à la France et surtout qui sont nationalistes et panafricanistes. Cela a été au centre de mon livre écrit et publié en 2019 dont le titre est « quels présidents pour l´Afrique face à la politique africaine de la France ?»

Les Africains doivent savoir qui est vraiment leur ennemi. Les dirigeants africains ne sont que des exécutants. Le vrai maître et ennemi est la France. Tant que le maître n´est pas neutralisé, l´Afrique ne sera pas libérée. C´est pourquoi le choix des leaders pour diriger l´Afrique dans les prochaines décennies sera déterminant dans la libération du continent. Éviter les démagogues et les roublards.

Il est pour tout Africain éclairé et politiquement lucide que vis-à-vis de la France, l´Afrique n´est pas libérée. Oui, on n´est pas indépendant. Ceux qui ne sont pas convaincus ou ne veulent pas accepter cette réalité, n´ont qu´à chercher le sens du mot « indépendance » dans le dictionnaire politique ou dans le simple Larousse afin de le comparer avec la manière dont l´Afrique est dirigée depuis 1960 pour s´en convaincre  sur le plan politique, économique et militaire qu´on n´est pas indépendant. 

Voilà pourquoi le bon choix des dirigeants parmi les leaders politiques est très déterminant pour la libération de l´Afrique. Ce n´est pas une question de popularité de leaders politiques mais de conviction, de ténacité, de courage et de fermeté, prêt à tenir tête à la France dans les accords économiques, politiques et militaires. C´est le courage de tout revoir et de tour remettre en cause, de ce qui existait.

C´est d´ailleurs la raison pour laquelle, dans un de mes articles, j´ai préconisé qu´on bannisse même le statut du chef de file de l´opposition car si par malheur ce personnage clé n´est pas mentalement fort,  c´est le naufrage de toute l´opposition qui s´en suit. C´est comme dans une guerre. Si le chef de commandement est bon il peut amener sa troupe à la victoire. Par contre, s´il est mauvais, sa troupe subira  de défaite  quelle que soit la performance de ses armes face à l´ennemi rusé et plus stratège.

En Europe ou dans les pays développés en général, y a-t-il un statut du chef de file de l´opposition face au parti majoritaire au pouvoir ? Est-ce qu´un seul parti parle au nom de tous les autres partis politiques de l´opposition ? Arrêtons de nous ridiculiser tout le temps en Afrique comme si on n´était pas mûr pour faire la politique et que c´est un seul chef de parti politique qui va conduire tous les autres chefs de partis en temps normal.

Chacun doit mener sa politique selon sa conviction et sa vision pour son pays. Aucun parti n´est habilité à parler au nom de tous les autres partis politiques. Et s´il ratait, cela veut dire que c´est toute l´opposition qui va rater et va s´écrouler. Les exemples sont multiples dans le passé dans notre pays. Ne cherchons même  pas loin. Voilà pourquoi je n´approuve pas cette façon de faire de la politique en Afrique et en particulier au Togo.

C´est aussi une stratégie de rendre l´action plus compliquée à la France dans sa façon de choisir les futurs dirigeants en Afrique. Comme je l´ai dit plus haut, si le chef de file est bon, ça avantage toute l´opposition. Par contre si le chef de file de l’opposition est mauvais dans ses stratégies de lutte et de conduire toute l’opposition, ça désavantage aussi toute l’opposition, d’où ma suggestion et mon  souhait de la suppression de ce statut de chef de file de l’opposition dans le cas du Togo.

Dr Christian Spieker

Source : icilome.com