Togo : Dodzi Kokoroko, un diplômé qui a mangé le vent de sa cornemuse

0
523

« Le monde ressemble affreusement au monde. On a beau se donner du mal, l’ordre est le plus fort et retrouve toujours ses droits ». Dans LeHussard bleu, Roger NIMIER sollicite chez les hommes le discernement pour résider à l’étage de la civilisation et pour éviter de tomber dans des monstruosités honteuses. La perspicacité est un pouvoir. Elle nous préserve des bassesses, des morbidités et des obsessions ruineuses.

Les hommes rivés à l’ambition sont toujours dans une course folle et trop souvent suicidaire. La quête de puissance à n’importe quel prix est un mal absolu dont les prétentieux perdent leur boussole. Leur avidité de se trouver des marchepieds pour se flatter l’orgueil de grandeur les conduit à toutes les perversités pour lesquelles, dans le secret du retour du temps, ils sont rattrapés par la sentence implacable de l’histoire.

Les falsifications de la vérité pour des récompenses aisées, les combinaisons oiseuses aux fins de plaire aux individus, les trahisons osées pour un perchoir de gloire, les piteuses démonstrations jetées à la face de l’humanité sont simplement d’un temps, si passager et si éphémère. Le monde est un océan en mouvement avec son flux et son reflux éternels. Il fait bondir ses pourritures à la surface ou les jettent sur les côtes et les berges. Le visage hideux des monstres froids qui se couvrent de cantate pour plaire sont à la foire aux cancres pour instruire les hommes. Pourtant, la nature leur parle, ils ne savent jamais bien l’écouter dans leurs illusions de puissance. Le monde du faux et de la mauvaise conscience n’a pas de pérennité. Ceux qui font de leur formation et de leur parchemin le sautoir de la valeur marchande de déshumanisent trop vite et leur personnalité squelettique flotte et vacille au gré du vent. Nous avons une redevabilité sociale, humaine à notre formation. C’est ce supplément apodictique qui nous élève. Notre solidarité diachronique et synchronique avec le monde est la vraie rentabilité de notre formation. Notre vie s’appauvrit et se sclérose dans l’unique arène de nos désirs. Seul, ce que les élites font pour la vie compte.

Quand un diplômé, dans sa spécialisation, ne sait même plus se conformer à l’exigence textuelle qui détermine sa liberté d’action, sa tyrannie est-elle moins grave que celle des ignorants qui font du pouvoir d’Etat leur propriété privée ?

1) Les ambitions vénéneuses

On ne peut surtout pas reprocher à un homme le combat pour exister, se réaliser ; ce que les existentialistes appellent le « bondissement ». Mais, en même temps que nous voulons le mieux-être et le plus-être pour nous-mêmes, nous avons le prix de l’éthique à payer en le voulant autant pour autrui, pour nos semblables. Cette exigence est sartrienne lorsqu’il parle du « pour soi » et du « pour-autrui ».

Dans notre quête pour l’ascension, nous avons le devoir d’une vision globalisante qui nous élève sans réprimer ou reléguer les autres au « cachot du désespoir » comme Césaire le disait. C’est pourquoi le tourbillon des grades, des titres et des diplômes universitaires peut apparaître comme une véritable drogue qui met la rage à tous les prétentieux avides de positionnement narcissique. Ils peuvent réussir à gravir les échelons par la rhétorique bavante et leur volonté de puissance les incite à se passer de toutes les règles, de tous les codes par vampirisme argumentaire et comportemental. Ils veulent mettre tout le monde à genoux en servant les licencieux et en militant pour leur survie pérenne, parce que leur propre vie y dépend.

Quand l’exemplarité n’est pas au rendez-vous des postes de commandement, le palier de la sagesse est impossible. Notre qualification, nos compétences sans l’initiative de la rectitude, de la justice et de l’humanité, effacent en nous la vocation de don pour apporter quelque cachet à la terre. Nous avons tous assisté aux sorties ampoulées du Professeur KOKOROKO et à ses circonvolutions sans un soupçon d’éthique pour justifier la non-rétroactivité de la loi concernant le règne d’un usurpateur qui se moque de ses propres engagements et d’un contrat républicain sur les réformes sciemment gelées pour se maintenir au pouvoir. Ce qui lui a valu un remerciement prestigieux pour pour se hisser dans le fauteuil du Président de l’Université de Lomé.

Au pire des cas, même si on défend par toutes les entorses au bon sens l’effet de droit, comment le droit peut-il se passer de la justice ? Tout intellectuel de bonne foi sait répondre à cette question de niveau de classe terminale. Suffit-il d’appliquer la loi pour faire régner la justice ?

Un diplômé, c’est celui qui a une formation spécifique et des compétences. Mais si la formation spécifique doit aider à clarifier le droit à la faveur d’un usurpateur comment cette même formation ne peut-elle pas faire valoir le droit aux procédures de règlement des différends sur les notes dans la gouvernance universitaire ? KOKOROKO n’est ni un diplômé ni un intellectuel à remorquer quelques certitudes dans sa personnalité de base. La seule source nourricière dont on peut lui accorder la latitude sans quelque appréhension n’est rien moins que l’opportunisme piteux. Dans Le Nouvel Observateur du 19 -25 Juin 1968, Jean -Paul SARTRE a une position conceptuelle sur l’intellectuel : « Un intellectuel, pour moi, c’est cela : quelqu’un qui est fidèle à un ensemble politique, social, mais qui ne cesse de contester »

Si les actes du sieur KOKOROKO adhèrent à un ensemble politique, sans qu’il ne soit capable de contrarier ou de contester des pratiques abjectes de ce régime, mais les alimente au confluent de sa volonté de puissance au point de marcher sur toutes les dispositions textuelles sur les litiges, alors on peut logiquement en inférer que même son carton de diplômé est condamné à l’autodafé

Nous sommes renversés de honte à lire les remarques désobligeantes des Universitaires d’ici et d’ailleurs au sieur Kokoroko sur la procédure de règlement des litiges en matière de notes entre les étudiants et les professeurs. Quel dépositaire du savoir juridique peut manquer à un choix de conformité lucide au texte de la «cité des connaissances» sans se faire rabrouer du sommet à la base

Là où il y a la légèreté, la gravité est patente. Dodzi KOKOROKO est un diplômé d’une autre dimension. Il a encore la conscience à la liberté, il contemple son cœur et se regarde dans la glace sans dégoût. Dans son manifeste du surréalisme juridique, il est encore tout à fait à l’aise. Celui qui viole les dispositions légales n’est qu’un théoricien du parjure. Denis DIDEROT a tout à fait raison de dire dans Encyclopédie: «Plus vous trouverez de la raison dans un homme, plus vous trouverez de la probité»

2) L’autorité intellectuelle

La connaissance, la rectitude, la dextérité de l’esprit et les qualités ethico-morales qui inspirent confiance et respect construisent les grandes personnalités. Ceux qui croient que le diplôme est la garantie de l’autorité intellectuelle ne sont que de pauvres illusionnistes. Ce ne sont pas les cartons, les attestations, les titres qui font des hommes de valeur. On peut tout à fait être bardé de diplômes et se révéler chétif dans les qualités éthiques, humaines et morales ou être un parfait délinquant

Ce sont les hommes eux-mêmes, de leur élévation, de leur noblesse d’esprit qui confèrent de la valeur à leur qualification, à leur spécialisation. Que vaut un diplômé des meilleures universités du monde aux actes désadaptés et autoritaires à museler l’expression plurielle et qui ne fait que montre du thanatos, d’un instinct de mort, du cynisme et d’agressivité?

L’autoritarisme ne fait jamais l’autorité. Tout diplômé qui se noie dans un complexe des titres n’est qu’un malade. Les titres jamais honorés pour féconder le monde ou l’aider à faire un bond ne sont d’aucune autorité. Un diplômé, quel qu’il soit dans sa singularité ne constitue pas ipso facto une autorité intellectuelle. Il faut y adjoindre un visage humain, un rendement permanent et audacieux avec des pensées novatrices et une générosité éthique au service de la vérité, de la justice

Une qualification qui se double d’une grande âme ouvre le chemin de l’autorité intellectuelle. De quelle valeur sont-ils les sophistes? Tous les petits d’esprit en robe d’universitaire qui servent les potentats sont-ils d’une autorité intellectuelle? Le parcours par lequel les hommes, les femmes s’imposent en tant qu’autorités intellectuelles trace une exemplarité, un modèle de fascination, c’est à dire, un principe référentiel d’identité dans un monde qui a soif des étalons. Les grands acteurs de la diffusion de l’intelligence sont dans l’engagement de noblesse, dans la défense des causes justes. Ce sont eux qui impressionnent les âmes jeunes de grands desseins ou les transforment dans leur originalité féconde

Les effets que Simone de BEAUVOIR, Simone WEIL, Jean-Paul SARTRE, de grands diplômés de leur époque ont eu sur leur génération et encore aujourd’hui sur l’évolution de la pensée sont d’un ordre indélébile en matière de richesse. Qu’est-ce que Dodzi KOKOROKO ressent au plus profond de lui-même à travers l’histoire de ses autorités intellectuelles? Rien! Rien du tout ! Que tire-t-il de la taille de d’Achille MBEMBE du Cameroun, de Ilikia MBOKOLO de la RDC, de Samir AMIN d’Egypte, de Paulin HOUNDTODJI du Bénin, de Lorougnon GUEDE de la Côte d’Ivoire, de Wolé SOYINKA? Ces africains sont tous des professeurs d’Université. Quand ils prennent parole, le monde entier ouvre grandement ses oreilles

Le Togo est-il une cité maudite pour que nos diplômés, pour la plupart, s’étalent dans des médiocrités supérieures, dans des plastiques? Sur le plateau du leadership, nous sommes les seuls à connaître un Président d’université qui livre ses propres collègues aux épreuves dégradantes d’un sinistre Service de Recherche et d’Investigations, les seuls à avoir un Président de l’Assemblée nationale certifié en tant que maître d’éducation physique, les seuls à danser pour un Président de niveau très bas, pendant trente-huit ans, à tolérer la succession dynastique par un accord de dupes. Le moule du faux a conquis dans son filet tout le pays jusqu’au président de la « Cité des connaissances »

Fort heureusement, nous avons encore des têtes hautes dans la lumière de la vérité, de la justice. David DOSSEH, Majesté IHOU, Kwam KOKOUVI, APEDOH-AMAH Togoata, Víctor ALIPUI et tous ceux qui sont dans leur lignée donnent le fouet à l’aurore au Togo.

Didier Amah Dossavi

Source : L’Alternative No.690 du 20 mars 2018

27Avril.com