Le gouvernement s’est lancé, il y a quelques jours, dans les préparatifs des élections régionales. La question des gouverneurs est renvoyée aux calendes grecques. Au même moment, le District autonome du Grand Lomé est sans gouverneur et dirigé par le Secrétaire Général de la défunte Délégation spéciale de la ville de Lomé du Contre-amiral Fogan Adégnon.
Le 19 janvier 2021 a eu lieu la deuxième réunion des partis politiques et du gouvernement dans le cadre des préparatifs des élections régionales. A l’issue de cette rencontre, une Concertation Nationale entre Acteurs Politiques (CNAP) a été mise en place pour, dit-on, mener à bien les discussions destinées à baliser la voie à un processus inclusif et réussi. On peut donc affirmer sans doute de se tromper que le train pour les élections régionales est mis en marche.
Des élections régionales, cela reste depuis plusieurs décennies une exigence démocratique. Les organisations de la société civile et les acteurs politiques de l’opposition l’ont souvent portée comme une revendication afin d’asseoir la démocratie depuis la base. Mais le soudain réveil de Faure Gnassingbé et ses collaborateurs, et l’entrain avec lequel ils traitent la question des élections régionales sans aucun regard sur les conditions préalables requises donnent à croire qu’il s’agit encore d’un canular en préparation.
Les conditions dans lesquelles s’organisent les élections régionales et l’installation des conseils régionaux sont précisées dans la loi sur la décentralisation au Togo. L’un des préalables à remplir avant la tenue des élections est la nomination des gouverneurs qui sont les personnes chargées de convoquer dans leur ressort territorial l’élection des conseils régionaux, à l’image des préfets qui organisent l’élection des conseils municipaux.
A la sous‐section 2 intitulée « Du bureau exécutif du Conseil régional », la loi sur la décentralisation nous renseigne que « Dans les soixante jours au plus tard qui suivent les résultats définitifs proclamés par la Cour suprême, le conseil régional se réunit et procède à l’élection du bureau exécutif du conseil. Pour l’élection de son bureau exécutif, le conseil régional est exceptionnellement convoqué par le gouverneur ». En d’autres termes, le gouverneur doit être en poste avant les élections régionales. Le contraire ne serait que mettre la charrue avant les bœufs. A moins que, comme le régime en a l’habitude, on cherche à faire les choses dans la précipitation.
L’importance du gouverneur dans la vie du conseil régional est aussi matérialisée à l’article 242 de la même loi qui stipule : « Le conseil statue dans un délai de trois mois sur tout objet sur lequel il est appelé à délibérer en vertu des lois et règlements, en particulier sur tous les objets d’intérêt régional dont il est saisi, soit par une proposition du gouverneur, soit à l’initiative d’un de ses membres. En cas d’urgence, la demande peut être assortie d’un délai plus court ». Quid de la démission du président du conseil régional ou d’un conseiller régional ? Cette question est aussi réglée par les soins du gouverneur. Selon l’article 280, « la démission du président du conseil régional est adressée par écrit au gouverneur . Celle de tout autre membre du conseil lui est transmise par le président du conseil. Dans tous les cas, la démission n’est définitive qu’après un délai de trente jours suivant la date de transmission ». On voit à travers ces articles – qui ne sont pas les seuls à traiter de la question – que le gouverneur est pour les conseils régionaux ce que le préfet représente pour les conseils municipaux.
Le cas particulier du Grand Lomé
Le District autonome du Grand Lomé (DAGL) est un cas particulier dans le processus de décentralisation enclenché poings et pieds liés par le gouvernement. Plus d’un an après les élections municipales, le DAGL n’a toujours pas son gouverneur, encore moins son conseil de district. Ce qui est curieux, c’est que c’est en plein processus électoral que le régime, avec le soutien des députés qui lui sont entièrement dévoués, a changé les règles du jeu en adoptant une nouvelle loi sur la décentralisation. Le texte qui a été adopté le 26 juin 2019, moins d’une semaine avant la tenue du scrutin dit : « Article 324‐2.‐ Il est créé le District Autonome du Grand Lomé. Le District Autonome du Grand Lomé regroupe les préfectures d’Agoè‐nyivé et du Golfe et des communes des deux préfectures. Article 324‐3.‐ Le conseil du District Autonome du Grand Lomé est composé de cinquante trois membres répartis ainsi qu’il suit : le gouverneur ; vingt‐six élus locaux dont deux par commune ; vingt‐six personnalités nommées par le Président de la République ».
A travers cette structure, Faure Gnassingbé veut avoir son mot à dire dans la gestion des communes de la capitale et sa banlieue où les partis politiques de l’opposition ont une assise incontestable. Le DAGL était la structure créée pour placer sous tutelle les maires qui pourraient déranger. Et depuis un an, le gouverneur n’est pas nommé. Les affaires sont toujours réglées par l’ancien secrétaire général de la défunte Délégation spéciale de la ville de Lomé dirigée par le Contre-amiral Fogan Adégnon. Qu’est-ce qui empêche la mise en place du DAGL ? A croire que le chef de l’Etat s’embrouille.
G.A.
Source : Liberté N°3314 du 27 janvier 2021
Source : 27Avril.com