Togo, Des suites de l’accident mortel de la sœur d’Ingrid Awadé : Le chauffeur du camion remorque détenu arbitrairement depuis 3 mois

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Togo, Des suites de l’accident mortel de la sœur d’Ingrid Awadé : Le chauffeur du camion remorque détenu arbitrairement depuis 3 mois

Il y a de cela trois mois, un accident mortel s’est produit dans les environs de la ville de Kara, sur la route d’Ateda. Le chauffeur qui conduisait la voiture de Ingrid Awadé, actuelle Directrice générale de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) était mort sur le coup. Une de ses deux sœurs, Prisca, a également succombé à ses blessures peu de temps après. Le chauffeur du camion-remorque communément appelé titan est, quant à lui, détenu depuis ce sinistre jour dans les geôles de la prison civile de Kara. Et pourtant, à en croire les parents que nous avons rencontrés hier et à qui le chauffeur s’est confié, c’est la voiture de la directrice générale qui serait en infraction, pour avoir effectué un dépassement en pleine côte. Une manœuvre strictement interdite dans toutes les écoles de conduite au monde.

Le chauffeur Hinikou Yaotsè au volant du camion-remorque portant les immatriculations 8904-AK et 3705-AU le 22 mai 2018 serait-il détenu illégalement par la justice togolaise à la prison civile de Kara ? Si on s’en tient à la version racontée par les parents, on répondra par l’affirmative.

« Lorsque nous nous sommes rendus dans la société qui emploie notre frère, il nous a été expliqué les conditions dans lesquelles l’accident s’était produit. Ensuite nous sommes allés le voir en prison et il a repris les mêmes explications. A l’en croire, lui, était au volant du camion-remorque lorsqu’il a aperçu en face la voiture ayant occasionné l’accident. Le chauffeur qui venait en face cherchait à effectuer un dépassement d’une autre voiture, alors que tous deux gravissaient une côte. Malheureusement, il n’avait pas eu le temps de terminer le dépassement alors que notre frère arrivait en sens inverse. En plus, c’est lui-même qui s’était présenté aux forces de l’ordre pour signaler l’accident. Bien qu’il soit aussi atteint par le choc, il est gardé depuis en prison. On se demande en quoi sa responsabilité est engagée », relate un parent du détenu.

Nous ignorions encore jusque là la propriétaire de la voiture ayant occasionné l’accident et nous nous demandions en quoi le sieur Hinikou Yaotsè serait responsable du sinistre pour être détenu depuis trois mois. C’est à travers les recoupements que nous avons découvert qu’en réalité, la propriétaire s’appelait…Ingrid Awadé.

Rappelez-vous, la Directrice et ses sœurs venaient à peine d’enterrer leur mère. Et c’est sur le chemin de retour que les deux sœurs voyageant ensemble ont eu cet accident. Le sort du chauffeur Hinikou aurait-il été différent si la propriétaire de la voiture ayant causé l’accident était un citoyen lambda ? Assurément. Puisque les dires du détenu confirment que l’infraction provenait du chauffeur décédé sur le coup.

Nous avons contacté le Procureur de la République près le Tribunal de Première Instance, deuxième classe de Kara, le juge Setekpor pour savoir si c’est la volonté de la Directrice de la CNSS qui est en train d’être faite, ou si c’est la culpabilité du chauffeur qui justifie son emprisonnement. Celui-ci s’étonne que la famille se soit approchée d’un média pour évoquer l’affaire, plutôt que de recourir aux offices d’un avocat pour savoir si le droit a été dit dans cette affaire ou non.

Dans le cas où le Procureur de la République aurait été fidèle au Procès-verbal dressé par la Gendarmerie, il importe que le contenu de celui-ci soit su. Ce qui ne risque pas d’arriver, étant donné que le juge Setekpor nous a fait comprendre que la procédure est toujours en cours.

Mais avant même qu’on ne parle de « procédure en cours », il se pose la question de la responsabilité dans la survenue de l’accident. Pourquoi doit-on déposer en prison un homme, père de famille et d’un enfant qui a aujourd’hui 6 mois –donc 3 mois au moment de l’accident-, qui s’est dirigé vers les forces de l’ordre pour signaler l’accident et dont la responsabilité selon le code de la route, n’est pas engagée ? La liberté provisoire ne serait-elle pas la meilleure procédure, en attendant que la procédure suive son cours ?

Nous avons cherché à étayer la responsabilité du véhicule qui a provoqué le sinistre. Sur le site belge www.permisdeconduire-online .be, il est écrit : « À l’approche du sommet d’une côte où la visibilité est insuffisante, il est interdit de dépasser par la gauche un véhicule attelé, un véhicule à deux roues ou plus ou un véhicule motorisé à deux roues. Un cycliste n’est pas un véhicule à moteur, de sorte que vous pouvez le dépasser si vous pouvez voir arriver d’assez loin les usagers circulant en sens inverse. Vous pouvez dépasser à l’approche du sommet d’une côte où la visibilité est insuffisante, si la chaussée est divisée en bandes de circulation et que vous ne franchissez pas la ligne continue de couleur blanche ». Ainsi, à moins que des « instructions » ne soient données pour déposer le pauvre Hinikou Yaotsè en prison pour une faute qu’il n’a pas commise –histoire de plaire à une égérie de la République togolaise-, il est difficile de comprendre la délivrance d’un mandat de dépôt contre ce père de famille dont l’enfant a subi l’ablation du prépuce sans la présence de son père. De quelle justice peut-on encore parler à cette allure au Togo.

Abbé Faria

Source : Liberté N°2738 du Mercredi 22 Août 2018

27Avril.com