Le dimanche 29 septembre 2024, aux côtés de plusieurs personnalités politiques de l’opposition et des responsables d’organisations de la société civile, Guy Marius Sagna a participé à une rencontre citoyenne au siège de la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA). À peine la rencontre avait-elle commencé que des intrus ont violemment attaqué les participants.
Le bilan fait état de plusieurs blessés, dont le député sénégalais, l’ex-député Targone Sambiri, ainsi que des journalistes venus couvrir l’événement. Tandis que les agresseurs se sont évanouis dans les rues du quartier Bè, la police nationale a, comme à son habitude, annoncé l’ouverture immédiate d’une enquête judiciaire.
L’objectif affiché : identifier les coupables et les traduire en justice. Pourtant, deux mois après les faits, les Togolais restent sceptiques face à une procédure qui semble davantage une fuite en avant qu’une véritable quête de justice.
Au Togo, l’expression « une enquête est ouverte » a fini par perdre tout son sens. De nombreux crimes ont donné lieu à des annonces similaires, mais jamais à des conclusions claires. Atsutsè Agbobli, Douti Sinanlengue, Nadjinoudine Alabi, Idrissou Moufidou, Joseph Zoumekey… Ces noms, associés à des crimes qui ont marqué l’opinion, résonnent encore dans les mémoires.
Mais les enquêtes qui leur ont été consacrées n’ont jamais abouti. À chaque fois, les promesses de justice se heurtent à une inertie institutionnelle, alimentant un sentiment d’impunité et d’injustice.
Un double standard dans l’application de la justice ?
Le contraste est frappant. Lorsqu’il s’agit de retrouver les présumés auteurs d’actes de violence impliquant des opposants politiques, la réactivité des autorités est sans faille. Arrestations, inculpations et condamnations surviennent à une vitesse qui tranche avec l’immobilisme caractérisant les affaires impliquant des victimes sans affiliation avec le pouvoir.
Cette disparité dans le traitement des dossiers laisse planer un doute légitime : le gouvernement a-t-il une réelle volonté de lutter contre l’impunité, ou orchestre-t-il une justice à géométrie variable ?
Le cas de Guy Marius Sagna risque-t-il de suivre la même trajectoire que les enquêtes précédentes ? Si les autorités togolaises peinent à identifier les agresseurs, la question se pose : cette lenteur est-elle due à des obstacles techniques, ou reflète-t-elle un désintérêt calculé ?
Cette affaire pourrait être une occasion pour le gouvernement de prouver sa crédibilité en matière de justice. Mais les Togolais, déjà échaudés par un passé peu glorieux, n’y croient guère.
Au-delà des dysfonctionnements, une autre hypothèse émerge : et si cette culture de l’impunité était volontaire ? En ne sanctionnant pas les auteurs de certains crimes, le régime en place envoie un message tacite. Ceux qui agissent dans l’ombre au service du pouvoir jouissent d’une protection implicite, tandis que les autres s’exposent à une répression expéditive.
Une justice en péril
L’impunité systémique au Togo n’est pas qu’un problème judiciaire, c’est une menace pour la cohésion sociale et la stabilité du pays. Lorsqu’un État n’apporte pas de réponses claires aux actes de violence, il alimente la méfiance, polarise la société et affaiblit ses propres institutions.
Guy Marius Sagna obtiendra-t-il justice au Togo ? L’avenir le dira, mais les signaux actuels laissent penser que cette affaire pourrait bien rejoindre la longue liste des enquêtes enterrées. Ce serait alors une preuve supplémentaire d’une stratégie délibérée visant à banaliser l’impunité.
Le gouvernement togolais pourra-t-il enfin changer de cap et apporter des preuves concrètes de sa volonté de lutter contre l’impunité ? À défaut, chaque nouvelle annonce d’enquête ne fera que renforcer la conviction des citoyens et celle de la communauté internationale : au Togo, la justice est une chimère. Le récent rapport du Département d’État américain sur la situation des droits de l’homme au Togo en dit long.
François Bangane
Source: lalternative.info
Source : 27Avril.com