Notre intention ici n´est pas de porter atteinte à l´honneur d´un homme ou de nous livrer à quelque calomnie gratuite en nous s’immisçant dans sa vie privée. Mais dans une société togolaise où le repli régional ou ethnique est malheureusement très prononcé par la faute d´une gouvernance politique cinquantenaire qui n´a pas su former une nation, nous devons faire très attention dans certains de nos comportements surtout quand on a une certaine responsabilité.
Quand un officier supérieur de l´armée togolaise comme le Colonel Agadazi, qui devrait servir d´exemple à suivre, pose des actes qui laissent à désirer, n´est-il pas de notre devoir, en tant que citoyens indignés, de tirer la sonnette d´alarme pour éviter l´irréparable?
C´est donc avec cette idée en tête doublée du grand respect que nous avons pour l´officier en question que nous écrivons ces quelques lignes pour essayer de dénoncer ce qui le mérite et de séparer l´ivraie du bon grain.
Comment tout a commencé et ce que nous reprochons au Colonel Ouro-Koura Agadazi.
Le microcosme togolais allait son train quand éclate l‘affaire de la chefferie de Kpario dans la préfecture de Tchaoudjo il y a quelques mois; affaire dont le dénouement se fait toujours attendre.
En effet, l’administration veut imposer un chef de canton allogène sur le territoire Tem à Kpario malgré la clarté des lois traditionnelles et coutumières. Les Chefs traditionnels ou Chefs de canton Tem de Tchaoudjo ne l’entendent pas de cette oreille et se mettent à s’organiser et à sensibiliser leurs administrés pour que le Ministère de l´Administration Territoriale revienne à de meilleurs sentiments afin qu´un des leurs soit intronisé comme Chef.
L’officier Préfet de Tchaoudjo tente de faire passer en force auprès des Chefs Tem les desiderata du Ministre Payadowa Boukpessi de l´Administration Territoriale. En vain.
C’est alors que le Ministre de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Hydraulique originaire de Tchaoudjo, le Colonel Ouro-Koura Agadazi entre dans la danse pour obliger les Chefs traditionnels Tem à oublier leurs droits et à faire entorse aux traditions dont lui-même est issu.
En bon Colonel de la dictature qui se respecte, Agadazi arrive donc à Sokodé pour tenter de faire entendre raison à ces « récalcitrants » de Chefs Tem de Tchaoudjo. Mais c’était compter sans la résistance de ces derniers désormais suivis par leurs populations.
En dehors d’un non catégorique de la part des dépositaires de nos us et coutumes, notre officier-ministre eut droit à un rappel historique pour lui rafraîchir la mémoire au cas il aurait oublié ses propres traditions. Ruminant sa colère pour avoir été contrarié par les Chefs Tem, Ouro-Koura Agadazi s’en retourne à Lomé.
Entre-temps, ayant eu vent de la volonté du Préfet de Tchaoudjo et du Colonel Agadazi de chercher à forcer la main à leurs Chefs pour oublier leurs droits, les populations Tem de Tchaoudjo s’organisent et des manifestations spontanées et très suivies eurent lieu à Sokodé et dans plusieurs villages.
Après ces manifestations le Ministre Payadowa Boukpessi de l’Administration Territoriale fait venir les Chefs traditionnels Tem à son Ministère à Lomé. Entouré de certains cadres originaires de Tchaoudjo dont le Colonel Agadazi, M. Boukpessi rappelle à ses invités la loi en vigueur au Togo concernant l’intronisation des Chefs traditionnels. Les Chefs Tem de Tchaoudjo, eux, restent sur leur position : à savoir, l’intronisation d’un allogène sur leurs terres est irrecevable. Le Ministre promet de rendre compte au Chef de l´État et jusque-là les Chefs de Tchaoudjo devraient retourner chez eux et patienter.
Et c’est juste après cette visite des Chefs de Canton Tem au Ministère que le Ministre Ouro-Koura Agadazi se rend à Sokodé pour accorder une interview des plus surprenantes en langue Tem à une radio de la place. Au cours de cet entretien l’officier de l’Armée togolaise dit ne pas comprendre les injures et autres actes d’animosité à son égard de la part de certains de ses frères et soeurs Tem. En tentant de se disculper Agadazi donne des exemples pour illustrer son argumentation selon laquelle le torchon brûlerait entre certains cadres Tem et lui. En un mot presque tout le monde traînerait ses petites casseroles. Une supposée mésentente entre cadres Tem qui n’avait pas forcément grand-chose à avoir avec l´affaire de Chefferie de Kpario.
Tous ces évènements dont nous venons de parler datent d’il y a à peu près deux mois.
Le rideau est provisoirement tiré sur l’affaire de Chefferie de Kpario à Tchaoudjo. Silence total de la part des autorités administratives. Quant aux Chefs Tem de Tchaoudjo, il ne leur reste plus que l’attente et la patience.
Nous croyions notre Colonel définitivement retourné à ses casernes ou à son Ministère. Mais c’était oublier le zèle avec lequel Ouro-Koura Agadazi s’investit pour aider un système politique vomi, et protéger ses intérêts personnels.
Vendredi 02 Juin 2017, flanqué cette fois-ci d’un téléphone portable contenant une image et un message-audio sur whatsapp, le Colonel se rend chez Faure Gnassingbé pour accuser le Général Séyi Mêmêne à la retraite d’avoir des accointances avec le PNP de Tikpi Atchadam. Une accusation aussi grave qui oblige le Président togolais à faire venir l’accusé.
À l’arrivée du général à la retraite à la Présidence de la République, en dehors de Faure Gnassingbé, du Colonel Agadazi, du Chef d’État-Major le Général Abalo Félix Kadanga, les Colonels Yark Damehane et Yotroféï Massena étaient également présents.
Ouro-Koura Agadazi allume le message-audio supposé servir de preuve à son accusation. La photo montre certes Séyi Mêmêne, debout, en boubou rouge, tenant le Saint Coran par les deux mains, mais la voix accompagnant l’image n’est pas de lui.
Très rapidement l’assistance se rend compte que l’officier supérieur à la retraite n’a rien à voir avec le message audio appelant à une fin de règne de Faure Gnassingbé et à un soutien à M. Tikpi Atchadam du PNP.
Séyi Mêmêne explique que cette photo de lui avait été prise lors d’une cérémonie familiale de prière à Sokodé, il y a quelques mois et qu’une telle prière se renouvelle chaque année. Il réitère sa fidélité au fils de Gnassingbé Éyadéma et affirme n’avoir absolument rien à voir avec les activités politiques de Tikpi Atchadam.
Mais le Colonel Agadazi n’est décidément pas homme à lâcher facilement sa proie. Il revient à la charge et demande pour quelle raison le Général Mêmêne était en rouge.
Apparemment Séyi Mêmêne a réussi à convaincre Faure Gnassingbé de son innocence, car personne ne prêta plus attention au Colonel accusateur et on se sépara.
Après l’audience chez Faure Gnassingbé où il n’a pas réussi à noyer son aîné Mêmêne conformément à son plan, Agadazi se rend à Sokodé le dimanche 04 Juin 2017. Très nerveux et presque paniqué, il téléphone de gauche à droite, se rend dans certains villages pour rencontrer des Chefs de canton Tem sans préavis; finalement il décide de convoquer pour Lundi matin à son domicile de Sokodé une réunion de crise avec les Chefs de canton de Tchaoudjo.
Au cours de la réunion où tous les Chefs n’ont pas répondu à l’appel, le Colonel Agadazi tentera de charger lourdement le Général Séyi Mêmêne comme étant désormais du côté de Tikpi Atchadam et demande à l’assistance la conduite à tenir pour que le peuple Tem se désolidarise de la supposée allégeance du Général Mêmêne au PNP.
Plusieurs propositions furent faites : organiser une marche de soutien, écrire une lettre d’excuse à Faure Gnassingbé, faire venir le Général à Sokodé pour qu’il fasse un démenti lors d’une cérémonie de prière…
Certains Chefs présents étaient prêts à suivre la volonté du Colonel quand un Chef de canton Tem, dont nous préférons taire l’identité, prit son courage à deux mains et s’adressa à l’officier Agadazi.
Ce Chef courageux n’était pas d’accord qu’on livre Séyi Mêmêne comme ça à la vindicte populaire sans qu’on soit sûr qu’il ait vraiment tenu de tels propos en faveur du parti de Tikpi Atchadam. Il proposa qu’un conseil soit organisé entre Chefs sans le Colonel pour connaître les tenants et les aboutissants de cette affaire, en un mot il doute de la véracité de la version du Colonel Agadazi.
C’est alors que les débats devinrent houleux. Ouro-Koura Agadazi ne comprend pas que quelqu’un ose lui résister et se met en colère. Il se lève, gronde, profère des mots pas très polis à l’endroit du Chef et menace de le faire expulser de sa maison, et n’eût été l’intervention des uns et des autres pour calmer les esprits on en serait arrivé aux coups de poing.
Rappelons qu’une enveloppe contenant une certaine somme d’argent aurait été remise à l’assistance par le Colonel Agadazi. Dans quel but? Nous ne savons pas.
Après le départ de l’officier, les Chefs traditionnels Tem après concertation, ont décidé de ne rien entreprendre et de laisser tomber cette affaire sans tête ni queue qui risque plus de diviser que de rassembler.
De l’affaire de Chefferie de Kpario aux manœuvres autour du PNP c’est bien notre frère le Colonel Agadazi qui fut le plus entreprenant, si bien que beaucoup en sont arrivés à oublier le Ministère dont il est titulaire.
Le Colonel Ouro-Koura Agadazi est bel et bien le Ministre de l’Agriculture, de la Pêche et de l’hydraulique du Togo. Mais que cherche-t-il dans toutes ces affaires qui n’ont rien à voir avec son domaine de compétence? Surtout si l’on sait qu’il y a d’autres cadres originaires de la même région que lui qui vaquent tranquillement à leurs occupations sans faire preuve d´un tel zèle incompréhensible.
Les exemples de cadres, que ce soit à Tchaoudjo ou ailleurs, qui ont juré la perte de leur communauté d’origine pour leurs intérêts personnels sont légion. Et le Colonel Agadazi est peut-être dans son rôle et dans son droit de soutenir un système politique inique dont il profite. Mais les avantages immédiats d’une vie politique qui nous a rendus grands ne prendront-ils pas fin un jour?
En pays Tem la Chefferie, même vidée de son sens par la dictature, est sacrée. Le Chef chez nous est intouchable, quel que soit son âge, il mérite respect et politesse. Chercher à l’humilier ou à l´instrumentaliser pour des intérêts de basse classe est un sacrilège.
Il se murmure à Sokodé et à Lomé que le Colonel Agadazi se serait confié à des amis que Faure Gnassingbé n’hésiterait pas à ordonner une arrestation de Tikpi Atchadam s’il le voulait. L’arrêter pour quel mobile? Vu le niveau de popularité atteint par le PNP et son président Tikpi Atchadam, notre Colonel doit savoir qu’une telle initiative de son patron équivaudrait à une maladresse qui pourrait précipiter sa chute.
Samari Tchadjobo
Allemagne
27Avril.com