Togo- Crépuscule des privilégiés enfarinés : Tidjanisation de Kadanga, l’histoire est têtue

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Félix Abalo Kadanga

Il était depuis mars 2021, président de la Commission nationale de lutte contre la prolifération, la circulation et le trafic illicites des armes légères et de petits calibres (Cnlpal). Remplacé à la tête de l’armée en décembre 2020, sept ans après sa nomination aux fonctions de chef d’Etat-major général des Forces armées togolaises (FAT), le général Félix Abalo Kadanga est annoncé en garde-à-vue depuis le 12 janvier dernier pour des motifs encore inconnus du grand public. Une arrestation qui rappelle celle de feu général togolais Assani Tidjani, emprisonné avant son décès dans une affaire de coup d’état que connait bien le général Kadanga.

Nous avons reçu cette nuit-là la mission d’appuyer des gendarmes qui étaient en difficulté cette nuit-là au domicile du député Kpatcha. Vu que cette mission était très délicate, je devais moi-même diriger les opérations… nous sommes arrivés pour prendre le combat en compte ». Au procès du député Kpatcha Gnassingbé en septembre 2011, c’étaient les premiers mots d’un colonel des FAT que beaucoup ne connaissaient pas à l’époque des faits. Or, il s’agissait du colonel Félix Abalo Kadanga, commandant de la Force d’Intervention Rapide (FIR), une unité d’élite de l’armée togolaise qui avait pris d’assaut en avril 2009, la résidence de l’ancien ministre de la défense, le député Luc Kpatcha Gnassingbé, arrêté, jugé et condamné deux années plus tard à 20 ans de réclusion criminelle dans une affaire de coup d’état.

Présenté au procès comme bras intellectuel du coup de force en préparation contre le président Faure Gnassingbé et les institutions de la République, le général Assani Tidjani, l’un des toutpuissant des FAT, fin stratège dans la conservation du pouvoir d’état aux mains des Gnassingbé, a également écopé de 20 années de prison. Il restera en détention jusqu’à la fin de sa vie en décembre 2012 pour cause de maladie. En rappel, le général Tidjani était de ceux qui, au soir du 05 février 2005, ont intronisé Faure Gnassingbé, président de la République, ce qui bascula le Togo dans une situation catastrophe avant, pendant et après les élections présidentielles d’avril 2005. L’ONU parlera de 400 à 500 personnes tuées au Togo au cours de la difficile période après Eyadema.

Deux ans après le fameux procès, réputé très proche du président Faure Gnassingbé – dont il a épousé une sœur – le colonel qui a pu gagner en avril 2009 le « combat » au domicile de Kpatcha Gnassingbé, a été promu général de brigade puis chef d’Etat-major général des FAT.

Démis sept années plus tard de ses fonctions, puisqu’il serait « tombé en disgrâce » d’après certains, le général Félix Abalo Kadanga était encore aux affaires en mai 2020 quand le colonel Bitala Madjoulba, commandant du Bataillon d’Intervention Rapide (BIR), a été assassiné dans son bureau selon les infos et quand le petit mécanicien de 11 ans, Idrissou Moufidou a été abattu dans son atelier à Agoè Zongo en décembre 2018 lors d’une manifestation appelée par l’opposition togolaise. Concernant l’assassinat de Moufidou, dans une sortie médiatique (TVT) du ministre de la sécurité et de la protection civile, le général Damehame Yark se prononçant sur les morts et blessés dans le cadre de cette manifestation, a laissé entendre que le chef d’état-major général des FAT, le général Félix Kadanga était effectivement sur le terrain comme à son habitude lors des manifestations pour vérifier si les dispositifs mis en place sont respectés. A présent : qui a tiré sur Moufidou ? Les enquêtes sont en cours. Qui a également tiré sur Madjoulba ? Les enquêtes toujours en cours.

Qu’à cela ne tienne, fort hier, et aujourd’hui affaibli, le général Kadanga n’est-il pas en train de subir la croix que porta le général Tidjani jusqu’à sa mort ? Félix Kadanga sera-t-il lui aussi un jour inculpé dans une quelconque affaire de l’Etat, jugé comme Assani Tidjani et aussi condamné à de lourdes peines de prison ? La probabilité n’est pas quasi nulle, puisque ne met pas en garde-à-vue un général qui veut. Moralité de cette histoire : « Il n’existe que des intouchables de l’instant, des timoniers du temps, des maîtres du moment. Le temps est le maître de tous les maîtres. Il faut rire de tout. Mais devant les grandes décisions de la vie, réfléchissez à hier et pensez à demain. Parce que la nature dans sa comptabilité est incorruptible et aucune facture ne restera impayée. La nature est juste », dixit Hubert Koutoukou Maga, premier président du Bénin indépendant.

La Manchette N°0234

Source : icilome.com