Togo, Corruption sur la base de faux documents : La Cour d’appel est sans appel. Plan d’expertise falsifié, signature contrefaite, décision obtenue sur la base du faux…

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Togo, Corruption sur la base de faux documents : La Cour d’appel est sans appel. Plan d’expertise falsifié, signature contrefaite, décision obtenue sur la base du faux…

La semaine qui s’est écoulée a vu des magistrats se réunir dans les locaux de la Haute autorité pour la prévention et la lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA). Pour justement parler corruption. Mais dans la même semaine, des acquéreurs ayant maille à partir avec la collectivité BOBY ayant fait du faux et usage du faux, se sont encore réunis pour implorer la justice togolaise à aller au bout de leur dossier dans lequel le président de la Cour suprême et son fils chercheraient à instrumentaliser les magistrats. Il se trouve que ceux que le président du Tribunal de Première Instance de Lomé aurait fait comparaître –comparution à vérifier-le 14 décembre 2018 pour tenter d’absoudre Akakpovi Gamatho s’étaient vu signifier une ordonnance de sursis avec assignation en référé depuis le 15 mars 2018.

Il y a un an, soit en mars 2018, nous avions osé révéler les dessous d’une affaire qui, depuis quelques mois, a commencé à faire du bruit. Embourbé dans une affaire de corruption avec une dizaine de lots de terrain au quartier Agoè Nyivé, plus précisément à Klévé offerts par la collectivité BOBY, Akakpovi Gamatho a mis à contribution Kossi Kutuhun et obtenu le jugement N°321/2018 rendu le 14 décembre 2018 dans lequel il est dit : « Dit que le demandeur Monsieur GAMATHO Patrice Akakpovi n’est pas partie au jugement d’homologation n°037/2009 rendu le 09 janvier 2009 par le Tribunal de Première Instance de Première Classe de Lomé entre le sieur AZIAGBEDE Koffi Daniel et les nommés KPOVE Alodjisso et AZIAMADJI Koudjrako ; Rétracte partiellement ledit jugement en ce qu’il a attribué à Monsieur « GAMATO» douze (12) lots de terrain dans le domaine appartenant à la collectivité BOBY ; Déboute la défenderesse de sa demande reconventionnelle; Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision nonobstant toutes voies de recours et sans caution; Met les dépens à la charge de la défenderesse ».

On avait parlé de 10 lots, mais le récipiendaire qui se dit n’être pas partie au jugement d’homologation, sait qu’il s’agit plutôt de…12 lots. Mais ce n’est pas ce qui préoccupe.

Il se trouve que la collectivité BOBY que le président du Tribunal dit avoir appelée à l’audience le 14 décembre 2018, s’était vu signifier une ordonnance de sursis avec assignation en référé depuis le 15 mars 2018 ! Suite à une action concertée des acquéreurs qui sont plus d’une centaine à être concernés.

La signification d’ordonnance qui enfonce un peu plus les faussaires

L’huissier Sylvanus Sallah a signifié à la collectivité BOBY de Togblékopé, représentée par Togbui Aziamadi et Kpové Komi Atavi, demeurant et domicilié à Lomé, copie de l’ordonnance N°0293/2018 du 2 mars par laquelle Monsieur le président de la Cour d’Appel de Lomé a ordonné le sursis à exécution de l’ordonnance N°0928/17 rendue le 22 décembre 2017 par monsieur le président du Tribunal de Première Classe de Lomé;

Cette signification est faite à toutes fins utiles que de droit ;

« Et de suite à même requête, demeure et élection de domicile que dessus, j’ai, huissier susdit et soussigné donné assignation à la requise à comparaître le vendredi 23 mars 2018 à neuf (09) heures du matin, et jours suivants s’il y a lieu, par-devant monsieur le président de la Cour d’Appel de Lomé, tenant l’audience des référés à la Cour d’Appel de la susdite ville ;

Pour :

  • Attendu qu’ils sont propriétaires par voie d’achat de parcelle de terrain auprès des collectivités Adrake, Koutou, Bidibi, Adokanou,
  • Afotro, Adodovi, Yehouessi, Avounyran et Boby ;
  • Attendu qu’ils ont assigné la collectivité BOBY au Tribunal de Première Instance Première Classe de Lomé pour déclarer nul et de nul effet le jugement N°1088/97, les ordonnances N°0511/2006 et N°0624/2015 ;
  • Attendu que les requérants et leurs vendeurs ne sont pas appelés ni entendus ni partie prenante dans les différentes procédures ayant abouti à ces décisions ;
  • Attendu que Bezo Sodo Mihesso, Bezo Agbo Awouya et Afotro Koffi que la requise a gagnés en procès dans ce jugement N°1088/97 ne sont pas leurs vendeurs ;
  • Attendu que l’argument évoqué par la requise qu’elle est en appel avec les requérants ne tient pas, que le jugement N°4091/11 en date du 25 novembre 2011 dont elle a fait mention dans cette ordonnance N°0928/2017 ne concerne aucunement les acquéreurs qui ont acquis des parcelles auprès des collectivités Adrake, Koutou, Bidibi, Adokanou, Afotro, Adodovi, Yehouessi, Avounyran et Boby ;
  • Attendu que ceux qui ont acquis des parcelles auprès de la collectivité Magno objet d’appel évoqué par la requise ont acquis aussi auprès des collectivités Adrake, Koutou, Bidibi, Adokanou, Afotro, Adodovi, Yehouessi, Avounyran et Boby, que c’est la raison pour laquelle la requise affirme qu’elle est en appel avec les requérants ;
  • Attendu que la requise n’est pas bien instruite sur le domaine des collectivités Adrake, Koutou, Bidibi, Adokanou, Afotro, Adodovi, Yehouessi, Avounyran et Boby à Agoè nyivé quartier Klévé, lieudit Kpodohoè et Fiové ;
  • Attendu que pour obtenir ces décisions, la collectivité BOBY de Togblékopé a falcifié le plan d’expertise ;
  • Attendu que Kamassa BIDIBI qui est sur le plan dressé par l’expert a été remplacé par BOBY et la signature du géomètre expert AMEGEE est contrefaite ;
  • Attendu que leurs vendeurs disposent pour certains des Titres Fonciers, d’autres des levés visés par les services compétents en la matière en l’Arrêt N°01/1978 sur leurs parcelles ;
  • Attendu que c’est sur la base du faux qu’ils ont obtenu ces décisions qu’elle oppose aux occupants ;
  • Que c’est contre l’ordonnance N°0928/17 du 22 décembre 2017 que les requérants ont obtenu l’ordonnance de sursis à exécution N°0293/2018 rendue le 02 mars 2018 par Monsieur le Président de la Cour d’Appel de céans pour éviter qu’une situation irréparable soit créée avant que la Cour d’Appel de céans ne statue sur le fond du litige dont elle est saisie ;
  • Qu’il convient de confirmer purement et simplement la susdite ordonnance de sursis à exécution.
  • Au vu de l’urgence, la Cour d’Appel a déclaré la demande de sursis à exécution justifiée ; en conséquence, elle confirme l’ordonnance N°0293/18 rendue le 02 mars 2018 en date du 02 février 2018 portant sursis à exécution à l’ordonnance N°0928/17 du 22 décembre 2017 par Monsieur le Président du Tribunal de Première Classe de Première Instance de Lomé. La requise a été condamnée aux dépens.

Comment fonctionne la justice togolaise dans cette affaire ?

Il ressort de cette ordonnance prise depuis mars 2018 que la collectivité BOBY a fait du faux et usage du faux pour obtenir une ordonnance devant lui permettre de déposséder des acquéreurs de bonne foi. Et c’est avec des membres de cette collectivité BOBY que le sieur Akakpovi Gamatho, ensemble avec son conseil Tirbuce Monou, ont pu obtenir de Kutuhun Kossi, président du Tribunal de Lomé, le jugement N°321/2018 du 14 décembre 2018 dans lequel ils disent qu’Akakpovi Gamatho qui a porté plainte contre un autre confrère pour « diffamation » « Rétracte partiellement ledit jugement [Ndlr, jugement d’homologation n°037/2009 rendu le 09 janvier 2009] en ce qu’il a attribué à Monsieur « GAMATO» douze (12) lots de terrain dans le domaine appartenant à la collectivité BOBY ».

On apprend que malgré une demande d’inscription de l’affaire au « rôle d’attente » après introduction d’un jugement datant de décembre 2018 au cours du procès, la Première Chambre Correctionnelle maintient le procès contre le confrère «La Nouvelle» pour le 20 mars prochain. Qu’est-ce qui sera décidé au vu de toutes ces évidences ? La magistrature togolaise est-elle vraiment indépendante vis-à-vis de sa hiérarchie ? C’est à se demander s’il existe toujours l’Inspection Générale des Services Juridictionnels et Pénitentiaires censé réprimer les écarts des magistrats. Rendez-vous le mercredi 20 mars prochain.

Abbé Faria

Source : Liberté No.2876 du Lundi 11 Mars 2019

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