La goutte d’eau persistante finit toujours par creuser la pierre, et quand des soupçons de corruption sur le représentant du chef de l’Etat à la tête de la magistrature finissent par se confirmer, seuls deux alternatives s’offrent à l’auteur : démissionner ou se faire démettre. Non content que le journal La Nouvelle interpelle le chef de l’Etat afin qu’il préserve la paix civile, Akakpovi Gamatho s’est permis d’assigner en justice le média. Mal lui en prit. Sous le regard médusé des juges présents à l’audience, son avocat a brandi un jugement spécialement confectionné en décembre dernier pour la circonstance et dont le seul but est de dire que « Patrice Akakpovi Gamatho n’est pas partie au jugement d’homologation n°037/2009 rendu le 09 janvier 2009 par le Tribunal de Première Instance de Première Classe de Lomé entre le sieur AZIAGBEDE Koffi Daniel et les nommés KPOVE Alodjisso et AZIAMADJI Koudjrako ». Soit 9 ans plus tard. Quelle autre preuve de culpabilité doit-on encore rechercher ?
Oser s’attaquer au président de la Cour suprême est une entreprise risquée, très risquée. Mais le journal La Nouvelle l’a fait. Et comme on pouvait s’y attendre, Akakpovi Patrice Gamatho a porté plainte pour diffamation contre le journal.
De reports en reports depuis août 2018, le procès a été finalement retenu pour être jugé le 6 février dernier. Bonero Bêtum-Lawson, Directeur de la Publication, était loin d’imaginer que ces reports successifs n’étaient pas fortuits.
En effet, à l’audience du 6 février 2019, alors que les débats tiraient vers la fin, l’avocat de Akakpovi Gamatho, Me Tirbuce Monnou brandit ce qui devait confirmer les allégations du journal : un jugement rendu le 14 décembre 2018 dans lequel le plaignant demande à « voir reformer ledit jugement (n°037/2009 rendu le 09 janvier 2009) pour lui avoir attribué douze (12) lots de terrain dans le domaine appartenant à la collectivité BOBY ».
Depuis quand des juges –fussent-ils intimes ou proches d’un président de cour- osent-ils pondre en cours d’un procès en correctionnel un jugement qui favorise l’une des parties en procès ? C’est à ce tour de passe passe que Kossi Kutuhun, actuel président du Tribunal de Première Instance de Lomé s’est donné. En volant à la rescousse de son mentor, Akakpovi Gamatho. Mentor en ce sens que, pour la première fois dans l’histoire de la justice togolaise, on a fait ramener un magistrat de la Cour d’appel vers un Tribunal d’instance alors qu’il devait, comme ses promotionnels, prendre la direction de la cour suprême.
Et dans son envie de plaire à Akakpovi Gamatho, Kossi Kutuhun a embarqué dans cette aventure le Procureur de la République, Essolissam Poyodi, Douti Moussa Bazadik, greffier et Anani Amekoudji, huissier dont le cachet se trouve apposé sur un jugement dans lequel, après des renvois successifs –réalité ou farce juridique-, l’affaire a été utilement retenu pour être jugé le 20 novembre 2018.
A l’issue des débats, Kossi Kutuhun dont l’objectif principal consistait à dédouaner une des parties en procès de l’accusation de corruption, réussit à écrire noir sur blanc que : « le demandeur monsieur Gamatho Patrice Akakpovi n’est pas partie au jugement d’homologation N°037/2009 rendu le 9 janvier 2009 par le Tribunal de Première Instance de première classe de Lomé… ».
Les jeunes magistrats doivent-ils considérer que désormais, ils peuvent voler, tordre le cou, tripatouiller le droit aux dépens des justiciables, avec la garantie que quand le pot aux roses sera découvert, ils pourront se faire confectionner des papiers qui les dédouanent ? « Le juge qui entretient des relations avec des membres de réseaux identifiés et dont la tâche quotidienne et réelle, est d’accaparer les terrains d’autrui, n’est pas digne d’être magistrat », a clamé Akakpovi Gamatho dans Reflets du Palais, N° 54 de juin 2018. Faure Gnassingbé ne peut plus accorder le bénéficie du doute dans cette affaire. Il y va de la quiétude d’une centaine d’acquéreurs de bonne foi au quartier Agoè.
Quand d’autres juges ont été accusés dans le passé, pour des faits réels ou supposés, on a vu la célérité avec laquelle le Conseil Supérieur de la Magistrature a frappé ; parfois avec aveuglément et sans discernement. Aujourd’hui, c’est le tour de la tête de cette institution de passer aux aveux. Et alors, la justice frappera. Parce qu’on parle de « justice pour tous ». Et ce ne sera que justice !
Très bientôt, tous ceux qui, de près ou de loin, ont plongé dans cette affaire verront leurs noms cités dans le journal, preuves à l’appui.
Le journal La Nouvelle a porté plainte contre Akakpovi Gamatho et Kossi Kutuhun dont voici copie, ainsi que le jugement « falsifié (pages 5, 6 et 7) » du président du Tribunal de première Instance de Lomé./.
Alex Koffikan
Source : La Nouvelle N°0040 du 15 Février au 15 Mars 2019
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