L’affaire continue d’alimenter les débats. Entre convocation au ministère de l’administration territoriale et règlement politique, entre les textes et les coups de force orchestrés par un certain préfet, la destitution du maire d’Agoè Nyivé 4 passe très mal. Abdoulaye Adamou et ses éléments sont dans la logique de menaces et du forcing. Comment comprendre et traiter cette affaire de destitution, votre journal L’indépendant Express s’intéresse au sujet et fait immersion dans le monde de la décentralisation…
Les togolais ont commencé depuis un peu plus d’un an à faire l’apprentissage de la décentralisation ou de la gestion des communes. Si cette école tangue à cause des premières autorités qui s’impliquent toujours dans la gestion des communes ou qui tardent à faire les décaissements de fonds, il est aussi important de noter qu’il y a certains maires ou conseillers municipaux qui sont responsables des problèmes qui minent leurs communes. Et au rang de ces maires, l’on note sans en point douter le très conversé maire de la commune d’Agoè Nyivé 4 ou la mairie de Togblecopé. Adamou Abdoulaye est son nom.
Adamou Abdoulaye…
Homme d’affaires de son Etat, Adamou Abdoulaye, est aujourd’hui un maire destitué. Il lui est reproché une gestion catastrophique de la mairie notamment un problème de faux tickets. Vous vous en rappelez, nous avons bien évidement fait cas dans notre précédent numéro du début de cet épisode qui secoue la commune d’Agoè Nyivé 4. Une gestion qui finira donc par emporter le maire Adamou Abdoulaye de la tête de la mairie suite à la décision des conseillers municipaux. 9 voix contre 2, c’était le 12 Octobre 2020.
Mais le Togo étant le Togo où les textes de la république sont foulés au pied, les politiques, en tout cas ceux du même bord que le maire Adamou (UNIR) font des pieds et des mains pour étouffer l’affaire et maintenir le maire déchu au poste. On sent une volonté manifeste de tordre le coup aux textes, de faire du forcing et procéder à des menaces dont les chefs d’orchestres sont visiblement le ministre Payadouwa Boukpessi de l’administration territoriale puis le préfet d’Agoè Nyivé : Awaté Hodabalo.
Boukpessi et Awaté dans les manœuvres…
Le constat est triste, l’Etat qui est censé faire respecter les textes, se constitue en avocat pour défendre une forfaiture qui méritent simplement et calmement une destitution pure et simple.
D’après nos informations, le lundi 19 Octobre 2020, soit 8 jours après la destitution, le maire Adamou Abdoulaye et ses conseillers étaient reçus par le ministre en charge de l’administration territoriale dans son bureau entre 18h et 19h30. Après que les conseillers ont donné leur version des faits, preuves à l’appui, le ministre Boukpessi conscient des accusations portées contre son ami et maire, se serait jeté dans les menaces. Il aurait menacé les conseillers de dissolution du conseil municipal, avant de dire qu’il met tout ceci sur le dos de l’apprentissage, nous informe notre source. Mais là encore, Adamou bdoulaye a reconnu les faits à lui reproché et a demandé pardon.
Même si le ministre semble faire des remontrances à son ami maire, cela n’a autre signification que du saupoudrage. Puisqu’en guise de dernier mot, Payadowa Boukpessi ordonne aux conseillers de laisser tomber l’affaire. Tout porte donc à croire que le ministre Boukpessi défends les intérêts d’un frère du parti.
Awaté Hodabalo, l’autre facteur encombrant.
Le préfet d’Agoè Nyivé n’est pas non plus un saint. Au début de cette affaire, il était bien informé. Le jour de la destitution du maire, il était présent mais avance qu’il était juste venu faire un tour à la mairie, drôle de coïncidence. Selon les informations, le préfet d’Agoè Nyivé savait très bien que ‘’son complice’’ le maire Adamou Abdoulaye allait faire objet de destitution. Et sa présence à la mairie ce jour du lundi 12 Octobre 2020 avait pour mission de dissuader les conseillers municipaux à prendre une telle décision. Une décision qui n’honorait pas sa préfecture ni le parti politique de provenance. Mais c’était peine perdue. Les conseillers ont juste attendu son départ pour passer à l’acte. Ensuite un rapport de la séance lui est envoyé par les conseillers.
Le maire dit aujourd’hui qu’il n’a pas encore reçu le procès-verbal de la rencontre ayant conduit à la destitution du préfet et par conséquent l’acte des conseillers et nul et de nul effet. Erreur ! Selon les textes, le procès-verbal doit être envoyé au préfet par le secrétaire général de la mairie via le maire. Or il se trouverait que le SG est de mèche avec le maire : ‘’Il ne peut rien faire. Le secrétaire général est non seulement un des hommes du maire déchu mais aussi reçoit des menaces au niveau du ministère de l’administration territoriale, de ne jamais envoyer le procès-verbal’’, nous confie une source proche du dossier. Le préfet colonel va plus loin : « la destitution d’un maire est un acte suffisamment grave et important et ne saurait dépendre d’un seul article de la loi sur la décentralisation ». Là, le préfet n’est plus dans son rôle. Puisque dans ce contexte plusieurs questions se posent.
Que disent les textes…
Le conseil municipal a-t-il la compétence à destituer le Maire?, les textes disent oui dans l’article 115 de la loi sur la décentralisation qui stipule « En cas de dissensions graves entre le maire et le conseil municipal mettant en péril le fonctionnement normal et la gestion de la commune, le maire peut être destitué par le conseil à la majorité des 2/3 de ses membres ».
Le quorum pour procéder au vote de destitution est-il atteint ? Oui (2/3 des membres du conseil selon l’article 133 de la loi.
Les faits reprochés au Maire pourraient-ils faire l’objet de destitution ? bien évidemment. Il y a des cas prévus à l’article 135 de la loi « détournement de fonds publics : faux en écritures publiques ou encore établissement et usage de faux documents administratifs. Refus de signer ou de transmettre à l’autorité de tutelle une délibération du conseil municipal ».
Pour faire une pause sur le dernier exemple, Adamou mérite une autre destitution, si dans un délai de 15 jours, il refuse de signer ou de transmettre à l’autorité de tutelle une délibération du conseil municipal (le procès-verbal de sa destitution). Le texte va plus loin « La destitution ou la révocation ne fait pas obstacle aux poursuites judiciaires ». Ce qui veut dire que la destitution n’est pas la seule punition qui devrait être infligé au maire. Il peut encore être traqué par la justice sur les faits qui lui sont reprochés.
Le Maire destitué pourrait-il faire recours ? Affirmatif comme le stipule l’article 136 « Toute décision portant destitution ou révocation du maire et des adjoints est susceptible de recours devant la juridiction compétente ».
Maintenant l’autre question est de savoir si le Préfet pourrait annuler la décision du conseil municipal ? La réponse est Non selon l’article 78 de la loi sur la décentralisation. « L’annulation des actes des autorités locales relève de la compétence du juge administratif sur saisine de l’autorité de tutelle »
Partant de tous ces développements, la posture du préfet serait de saisir la juridiction administrative compétente pour demander l’annulation de la décision du conseil municipal selon l’article 164 : « L’annulation des actes relève de la compétence du juge. Le préfet défère devant la juridiction administrative compétente les délibérations, arrêtés, actes et conventions qu’il estime contraire à la légalité, dans les trente (30) jours qui suivent leur transmission prévue à l’article 162. Il informe le maire ».
En conclusion, seul le juge administratif a compétence, au vu des preuves à sa possession, de confirmer ou d’infirmer la décision du conseil municipal.
Ainsi l’on peut facilement déduire que le préfet d’Agoè Nyivé fait de l’agitation et se joue les avocats dans un dossier qui n’est pas le sien. Mais l’on peut comprendre Awaté Hodabalo qui serait en train de défendre ses intérêts dans les combines du maire Adamou Abdoulaye.
Maintenant le préfet et le ministre vont-ils continuer par gérer ce dossier de façon politique ? « Si cela se produit, les élections locales n’auront servi à rien. Il serait mieux qu’on retourne à l’étape des délégations spéciales », nous a confié un expert sur la question de la décentralisation.
Tout est possible au Togo puisque selon les informations, le maire déchu Adamou Abdoulaye est un des hommes sûrs du système dans la zone de Togblécopé. Il y règne en maitre absolu, il aurait des jeunes à son solde pour de basses besognes nous informe notre source.
Mis à part le problème de faux tickets qui l’éclabousse aujourd’hui, Adamou Abdoulaye traine plusieurs casseroles. Il a créé des taxes anti Covid-19 qu’il collectionne, le maire qui est aussi patron d’un parc Automobile à Togblécopé. Il y va en qualité de propriétaire de parc et de maire. Il récupère tous ses fonds sans laisser de trace. ‘’ Adamou Abdoulaye est un éternel récidiviste qui ne respire que par faux, intimidations, menaces ou encore roublardise’’, nous a confié un de ses anciens collaborateurs.
Ce problème qui aujourd’hui semble banale doit être réglé comme cela se doit au risque de créer une jurisprudence pas confortable dans le futur.
Richard Aziague
Source : L’Indépendant Express
Source : 27Avril.com