Togo, Contentieux OTR-Moov : La Diversion du Commissaire Général Philippe Kokou Tchodiè

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Togo, Contentieux OTR-Moov : La Diversion du Commissaire Général Philippe Kokou Tchodiè

La grande enquête sur le scandale lié à la commission de 500 millions du contentieux entre la société Moov-Togo et l’OTR rendue publique dans notre parution N° 826 du 10 septembre a eu l’effet d’une bombe à fragmentation. L’onde de choc de la première partie de ce dossier continue de faire ses effets autant au sommet de l’Etat qu’à l’OTR et dans l’opinion. Au Togo, les crimes économiques sont devenus des faits ordinaires et les auteurs bénéficient d’une impunité totale.

Face à ce nouveau scandale retentissant dont les autres aspects ne sont pas encore sur la place publique, le Commissaire Général de l’OTR (Office togolais des recettes) a cru bon devoir publier une mise au point (sic) dont le seul objectif est de voler au secours du Commissaire des Impôts Esso-Wavana ADOYI et de dissuader par la même occasion d’autres publications sur le dossier. « Le bihebdomadaire L’Alternative dans sa parution du 10 septembre 2019 a publié un article titré « Enquête : Contentieux entre la société Moov et l’Etat togolais et sous-titré le Commissaire des Impôts Esso-Wavana ADOYI au cœur d’un scandale d’une commission de 500 millions de francs CFA. L’auteur de l’article n’a pas caché son intention de vouloir jeter le discrédit sur l’institution et sur des personnalités et les diffamer ». Peut-on lire dans la fameuse mise au point qui circule sur les réseaux sociaux.

Lorsqu’on est pris parfois la main dans le sac, il est difficile de construire une ligne de défense. Et c’est ce qui transparaît dans cette mise au point où le Commissaire Général dans sa volonté de protéger son élément, cherche désespérément à inverser la responsabilité faisant passer le Commissaire des Impôts pour un homme intègre et l’auteur de l’article comme un affabulateur.
Si l’objectif de l’auteur de l’article est de jeter un discrédit sur l’OTR et diffamer certaines personnalités pourquoi le Commissaire Général Philipe Kokou Tchodiè ne cherche-t-il pas à porter plainte contre le journal, ou à défaut, envoyer un droit de réponse à la Rédaction, puisqu’il estime que les accusations sont très graves? A moins de prendre les journalistes de L’Alternative pour des plaisantins, ce que nous sommes loin d’être.

Dans la conduite de cette investigation, la Rédaction a écrit un courrier pour solliciter une rencontre avec le Commissaire des Impôts. (Voir fac-similé). Ce dernier a rappelé la Rédaction par l’intermédiaire de son chargé de communication. C’est ainsi que deux journalistes ont rencontré et échangé avec monsieur Esso-Wavana ADOYI pendant 45 mn à ses bureaux. Devant les journalistes, le Commissaire des Impôts avait l’occasion de répondre à toutes les questions et clarifier le fond de ce dossier. Malheureusement il a fait le choix de servir des contre-vérités, allant jusqu’à dire qu’il n’a jamais vu l’indicateur de toute sa vie. Entre celui qui sert des mensonges pour brouiller les pistes en se faisant passer pour une victime et le journaliste qui fait son travail de façon professionnelle sur toute la ligne, où se trouve la diffamation ou la volonté de discréditer une institution? Il faudra mieux réexpliquer le sens des expressions diffamation et volonté de nuire à ce Commissaire Général.

Du reste, la diffamation est passible de poursuite judicaire, pourquoi alors avoir choisi une simple mise au point sur les réseaux sociaux plutôt qu’une poursuite devant les tribunaux? Qu’à cela ne tienne, cette tentative d’inverser les preuves de la charge en faisant passer les auteurs de l’article pour de vulgaires colporteurs de rumeurs n’a pas eu son effet, surtout que la fameuse mise au point ne dément pas les faits allégués. Nous voudrions rappeler si besoin en est, au Commissaire Général de l’OTR qu’en 2016, nous avons conduit de main de maître la version togolaise des « Panama Papers », une enquête planétaire qui a permis au Togo de mettre en relief les fraudes fiscales de la société WACEM.

Les résultats de cette enquête ont permis à l’OTR à l’époque de mieux comprendre le système de fraude mis en place par WACEM et de les imposer par la suite. Il suffit de se renseigner dans la boite de l’OTR pour comprendre la mine d’informations que cette enquête a produite pour l’OTR. Entre les journalistes qui se battent pour révéler les dessous des entreprises faussaires et les commis de l’Etat et notamment de l’OTR qui prennent des libertés avec l’argent public, qui discrédite l’ institution ? A titre de rappel, il existe une loi dans ce pays qui permet aux journalistes d’avoir accès à toutes les informations, sauf sur les sujets classés « secret défense », et les questions liées aux fraudes fiscales ne sont pas encore classées dans cette catégorie.

Qui fait main basse sur les commissions des indicateurs ?

Poursuivant la lecture de cette curieuse mise au point, on peut touver : « L’Office togolais des recettes, comme toute administration fiscale, est doté de structures d’enquêtes et d’investigation fiscales dont le rôle est de lutter contre la fraude, l’évasion fiscale et contribuer ainsi à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Dans ce cadre, il peut utiliser les services de lanceurs d’alertes (indicateurs, aviseurs et informateurs) pour l’atteinte de ses objectifs contre rémunération». Le texte poursuit : « En outre, les rémunérations de ces lanceurs d’alertes (indicateurs, aviseurs, et informateurs) sont assises sur les pénalités, amendes et majorations effectivement recouvrées suite aux redressements complémentaires et supplémentaires. Leur mode de calcul est règlementé par les textes en vigueur et relève exclusivement de l’administration fiscale ».

On comprend à travers ces deux extraits que le rôle de ces lanceurs d’alerte est majeur pour l’administration fiscale dont les structures à elles seules ne sont pas parfois en mesure de cerner le mode opératoire des entreprises faussaires. Ce n’est pas une pratique propre au Togo, elle existe dans tous les pays au monde, mais constitue un risque aussi pour la vie des lanceurs d’alertes. Alors lorsque des gens prennent le risque d’aider l’OTR dans l’ombre à coincer les entreprises faussaires ou des opérateurs économiques véreux, permettant ainsi à l’Etat d’avoir plus de recettes au Trésor, est-il normal que certains commis de l’Etat fassent main basse sur les commissions de ces gens, et pire, profèrent contre eux des menaces de mort ? Toute la question est là. Et la mise au point de l’OTR qui cherche à blanchir le Commissaire des Impôts ne lève pas le doute sur le scandale, au contraire.

« En conclusion, en ce qui concerne le contentieux visé, le comité de direction de l’OTR rappelle que la procédure de recouvrement suit son cours et que tout sera mis en œuvre afin de ne pas exposer les lanceurs d’alertes dont le patriotisme est à saluer et les rassure qu’ils seront rémunérés à la clôture du dossier ». Cette conclusion à elle-seule qui consiste à caresser dans le sens du poil les lanceurs d’alertes est un tissu de mensonges. Nous avons bien expliqué dans le dossier d’enquête que ce contentieux est en deux volets et que la première partie qui porte sur une amende de 6 milliards 500 millions est déjà soldée et c’est le second volet de 104 milliards qui est actuellement devant les tribunaux. Par quelle alchimie alors que le dossier n’est encore clôturé, l’OTR a-t-ilpayé de généreux honoraires à l’avocat, soit 1 milliard 200 millions alors que les lanceurs d’alertes dont l’action a permis de coincer les faussaires ne sont pas rémunérés? Faut-il le rappeler, l’avocat ne disposant d’aucune preuve, avait déjà perdu la première manche au Tribunal de première instance. Il a fallu le travail de ces lanceurs d’alertes pour débusquer les faussaires.

Cette conclusion de la mise au point de l’OTR consiste à faire croire que les fonds ne sont pas encore recouvrés par l’administration fiscale. Toutes les informations détenues par la Rédaction prouvent le contraire. Mieux, un confrère volant au secours de l’OTR dans sa parution de ce lundi 16 septembre, nous renseigne plus sur le vrai montant recouvré par l’OTR dans ce premier volet. Le Messager N° 634 du 16 septembre rebondissant sur la mise au point de l’OTR, écrit à la une ceci : « Affaire Moov-Togo/OTR : Malgré le versement de 6 451 819 144 FCFA, l’affaire est toujours pendante devant la justice. De la nécessité d’élucider le rôle de chaque acteur dans le dossier. L’OTR explique et rassure ». Entre la une du journal Le Messager qui donne le montant réel recouvré et la conclusion de la mise au point de l’OTR, chacun peut chercher l’erreur. Il faut absolument identifier ceux qui font main basse sur les commissions des lanceurs d’alertes non seulement dans ce dossier en cours, mais aussi bien d’autres.

Tout comme fait, la fameuse mise au point de l’OTR est une diversion. Il n’a été dans l’intention d’aucun journaliste de diffamer une quelconque personnalité, encore moins discréditer une institution et le Commissaire Général de l’OTR le sait mieux que quiconque. L’enquête sur cette affaire a été conduite de façon professionnelle. Ce dossier à lui seul et toutes ses ramifications suffisent à faire sauter cette boite de l’OTR si l’intention était de discréditer, et il n’est pas certain que le Commissaire Général lui-même s’en sorte indemne. Les 500 millions objet de l’enquête ne sont que des jetons pour ces commis de l’Etat. L’OTR est un nid de corrompus, une boite à fabriquer des milliardaires.

Les milliards qui échappent au Trésor à travers des deals secrets sont énormes et choquent la conscience au moment où l’Etat peine à mobiliser des fonds pour des projets de développement. Il urge de mettre fin à ces comportements antipatriotiques. Voilà pourquoi la question de l’impunité des crimes économiques est plus que d’actualité, et le silence de Faure Gnassingbé face à ceux qui prennent des libertés avec l’argent public suscite toutes les interprétations.

Bon à suivre.

Source : L’Alternative No.827 du 17 septembre 2019

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