C’est le 27 septembre 1992, que la constitution de la IVe République togolaise a été adoptée par référendum avec une majorité de 97 pour cent. Ce 27 septembre marque le 25e anniversaire de cet épisode de l’histoire togolaise. Pour l’occasion Jean Yaovi Degli homme politique et observateur togolais a été interrogé par Jeune Afrique. Et c’est un triste bilan que l’avocat dresse après 25 ans.
Son rôle de Rapporteur général de la Conférence nationale en 1991 et ministre dans le gouvernement de transition mis en place après ces assises placent Me Degli en posture de « témoin incontournable » dans le débat lié à la constitution de 1992.
Et c’est à juste titre que l’ancien ministre revient sur les différentes péripéties qui ont abouti à l’adoption de ce référendum.
« Les populations manifestaient pour qu’on leur permette d’accéder à la démocratie et à la liberté. Et c’est à la suite de ces manifestations qu’il y a eu une Conférence nationale qui a mis en place les principes fondamentaux à adopter pour la nouvelle Constitution adoptée à plus de 97% ».
Si cette grande majorité l’a adopté pourquoi a t-elle alors été modifiée 10 ans plus tard. « Etait-ce à cause des imperfections relevées dans le texte originel de 1992 comme l’a souligné il y a quelques jours Fambaré Ouattara Natchaba, l’ancien président de l’Assemblée nationale »,a questionné Jeune Afrique.
La réponse de l’avocat est sans appel :« Une constitution ne peut être modifiée que si elle a été appliquée, et qu’à l’application elle a révélé des lacunes. La Constitution de 1992 n’a jamais été appliquée par le général Eyadema, il l’a mise de côté. En 1994, lorsque les élections législatives ont donné la majorité à l’opposition, le Général Eyadema a refusé de faire ce que la Constitution demande, c’est-à-dire nommer le Premier ministre au sein du parti de la majorité qui représente le poids électoral le plus important. Après, quand Edem Kodjo a été nommé Premier ministre, il a refusé de lui reconnaître ses pouvoirs constitutionnels. Cette situation s’est poursuivie jusqu’à ce qu’en 2002, le parti au pouvoir modifie cette Constitution en lui enlevant ce qui fait la démocratie dans ce texte ».
Et d’ajouter : « L’autre chose que M. Natchaba a évoquée et sur laquelle je voudrais revenir, c’est le fait que cette Constitution avait été adoptée pour empêcher le Premier ministre de transition d’aller aux élections. Je dis non. Le Premier ministre Koffigoh a dirigé la transition sur la base d’une Constitution dont l’article 61 interdisait aux dirigeants de la transition de se présenter à l’élection présidentielle qui venait. C’est vous dire si les arguments invoqués par l’ancien président de l’Assemblée nationale ne sont pas fondés ».
Sur le sujet de la caducité de ladite constitution, Me Jean Yaovi Degli n’a pas manqué de donner son opinion. « Comme je vous l’ai dit, la Constitution de 1992 n’a jamais été véritablement appliquée. Y revenir aujourd’hui ne change rien. 25 ans c’est trop peu pour une Constitution. La Constitution américaine a vécu des siècles et a connu très peu de modifications. La Constitution française a connu plusieurs années d’existence depuis 1958, elle a connu peu également. Alors qu’on revienne aujourd’hui à une Constitution qui a été adoptée en 1992 et qui n’a jamais été appliquée, il n’y a rien qui l’empêche, et il n’y a rien qui permette de dire que c’est une mauvaise chose ».
La phrase très controversée« En aucun cas nul ne peut faire plus de deux mandats » a été également été abordée au cours de l’interview. Voici les explications de l’avocat sur le sujet.
Cette phrase avait un objectif clair. Je fais partie de ceux qui ont réfléchi et rédigé cette Constitution de 1992 : l’idée était qu’il ne fallait pas permettre à qui que ce soit d’utiliser quelque voie que ce soit pour pouvoir réaliser plus de deux mandats. Je m’explique. Vous prenez un président de la République : il fait deux mandats consécutif, il quitte le pouvoir. Il laisse quelqu’un faire un mandat et puis revient après pour briguer à nouveau la magistrature suprême. C’est ça qui est interdit. Ce qui se passe aujourd’hui en Russie avec Poutine et Medvedev, c’est ce que les Togolais ont voulu éviter, et c’est à cause de ça que nous avons précisé qu’en aucun cas nul ne peut faire plus de deux mandats. L’idée de mettre cette phrase dans la Constitution ne vient pas d’une volonté d’appliquer quoi que ce soit rétroactivement à qui que ce soit. Ça n’avait pas cet objectif et même aujourd’hui ce bout de phrase n’a pas cet objectif-là. Il vise à éviter qu’en faisant des « entourloupettes » ou en se livrant à un jeu de roublardise, une personne arrive à faire plus de deux mandats présidentiels dans notre pays »,conclut l’observateur.
« Toilettée » le 31 décembre 2002 par un Parlement dominé par les élus du Rassemblement du peuple togolais (RPT), la constitution de 1992 est , ces derniers jours au cœur de contestations au Togo. L’opposition demande le retour pur et simple du texte alors que le parti en place soutient qu’elle n’est pas adaptée aux réalités de l’heure.
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