La réunion des 10 et 11 septembre derniers entre le Comité de Suivi de la feuille de route de la CEDEAO et les protagonistes de la crise politique togolaise laisse planer de profonds doutes sur la crédibilité des missions de la CEDEAO.
Des deux jours de discussions, rien à mettre sous la dent en dehors des invectives de Gilbert Bawara, point focal du gouvernement au dialogue. Pourtant, la feuille de route avait invité « les acteurs politiques et de la société civile à s’abstenir en toute circonstance, des actes et des propos susceptibles d’alimenter de nouvelles tensions et de compromettre les efforts en cours ». Une séquence royalement bottée en touche par le plus zélé des ministres de Faure Gnassingbé.
De la première rencontre avec le Président de la Commission de la CEDEAO Jean-Claude Kassi Brou, des représentants des facilitateurs ghanéen et guinéen Albert Kan-Daapah, Tibou Kamara ainsi que le Commissaire Paix et Sécurité de la CEDEAO, le Général Francis Behanzin, que de la pagaille.
« À l’issue de la rencontre, nous étions dépités c’ est-à-dire que c’était comme de la pagaille et une cacophonie organisée et on s’est demandé comment une institution sous régionale aussi élevée et organisée peut nous faire aller et revenir de la sorte. Nous avons eu l’impression qu’ils n’étaient pas préparés avant d’arriver mais comme l’opinion voulait qu’il faut que la CEDEAO vienne, ils sont venus sans être prêts pour nous apporter des solutions concrètes. La CEDEAO a une responsabilité majeure dans la question togolaise. Elle a une responsabilité de réparation envers le peuple togolais », a laissé entendre le député Jean Kissi.
Pour lui, les manifestations de rue restent une voie légale pour les Togolais de faire entendre leurs revendications. « Nous voulons la mise en œuvre de la feuille de route avec un chronogramme précis. Pas un chronogramme des élections mais celui de l’application des recommandations. Les manifestations, c’est pour arrêter ce qui ce passe à la CENI. Nous voulons manifester également pour la libération des prisonniers politiques. Peut-être que si, d’ici deux jours ils arrêtent ce qu’ils sont en train de faire à la CENI, peut être qu’on attendra le retour des facilitateurs», a déclaré Kissi.
Refus de discussions entre Togolais, une amnésie ?
Au premier jour des travaux, un débat ou une polémique du refus du dialogue direct entre les acteurs politiques togolais a refait jour. Les émissaires de la CEDEAO en l’occurrence Francis Behanzin, après la cérémonie d’ouverture le lundi 10 septembre, sous forme de plaisanterie, avait demandé aux représentants du pouvoir et de la coalition des 14 partis politiques de l’opposition de rester pour continuer à discuter entre eux en attendant leur retour l’après-midi. Fin de non-recevoir des deux parties, estimant ne s’être pas préparées à une telle éventualité. Une plaisanterie qui devait s’arrêter là. Mais on a constaté que c’est un grand débat qui fait croire que les Togolais ne parlent pas entre eux de la crise qui secoue leur pays. En réalité, il s’agit d’une vue trop simpliste. Il suffit de revisiter l’histoire politique togolaise pour dénombrer la ribambelle de dialogues inter-togolais sans lendemain.
A preuve, le Togo est à son 27ème dialogue sans trouver de solution. Depuis 2006, Faure Gnassingbé s’est engagé pour les réformes. Mais cela n’a jamais été traduit dans les faits usant de la roublardise et de l’insincérité. Pour une fois, la C14 exige la présence d’un tiers pour toute discussion, on peut simplement conclure à une nouvelle approche pour tester la bonne foi du régime cinquantenaire.
CENI, une diversion sur fond de calcul de frais de mission des émissaires de la CEDEAO
Au sortir du sommet du 31 juillet de la CEDEAO, plusieurs points relatifs aux réformes constitutionnelles et institutionnelles, la libération des prisonniers politiques ont été contenus dans la feuille de route de la CEDEAO. Curieusement la même CEDEAO, du moins, ses émissaires post-sommet ne font que diversion pour résumer tout autour des élections législatives du 20 décembre et singulièrement la composition de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Pour le représentant du facilitateur Alpha Condé, la crédibilité de la CENI est en jeu avec la position actuelle de la C14. Pour Tibou Kamara, « l’évolution voir la recomposition souhaitée de la CENI donnera un plus à la crédibilité du processus en cours vers des élections législatives et permettra la participation que nous souhaitons de l’opposition. Puisqu’il faut mener le processus de manière inclusive.
Comme le prévoit la loi, la CENI a en son sein des représentants de l’opposition. Mais il se fait que ceux qui y siègent ne semblent pas avoir reçu le mandat ou du moins n’ont plus la reconnaissance de cette opposition. c’est un problème de fond. Cela veut dire qu’il faut faire évoluer la CENI de manière à ce que l’opposition s’y reconnaissent véritablement et que tous ceux qui y soient, soient véritablement légitimes vis à vis de ceux qui les ont mandatés à y être» a détaillé Tibou Kamara à la presse.
Et de poursuivre : «Cette évolution est nécessaire en vue de renforcer la crédibilité, l’image et la fiabilité de l’institution».
Tibou Kamara, le ministre d’Etat, ministre de l’industrie de la Guinée, conseiller spécial du président facilitateur de la crise politique togolaise Alpha Condé a indiqué par ailleurs que le relevé de conclusion de la première réunion du comité de suivi ‘sera examiné par les deux facilitateurs mandatés par la conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest’ pour prendre une décision ou recommander la conduite à tenir.
Si la délégation de la CEDEAO qui était déjà à Lomé le 08 août en promettant de revenir avec le chronogramme de la mise en œuvre de la feuille de route de la CEDEAO, était sincère et sérieuse, la question de cette CENI bancale devait avoir sa réponse lors de la rencontre de la semaine dernière. Mais voilà Brou et compagnie confortablement à l’Hôtel 2 février à Lomé pour une réunion sans ordre du jour pour enfin déclarer n’avoir pas mandat pour trancher la question de la CENI. Qui trompe qui ?
Déjà au premier jour, cette délégation insinuait que si les acteurs ne font pas vite, les travaux risquaient de finir le lendemain.
Curieusement, ils se sont employés pour que ce soit le cas. De loin, certains estiment que c’est une manière pour les émissaires de faire de bonnes affaires en terme de frais de mission. Plus la situation perdure, ils ne pourront que se frotter les mains. Et si cette diversion autour de la CENI se résumait à ces pécules, il importe que des mesures appropriées soient prises pour arrêter la pagaille.
Kokou Agbemebio
Source : Le Correcteur No.837 du 17 septembre 2018
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