Le bateau MV. Oceanprincess en provenance de la Birmanie n’a pas encore levé l’ancre depuis qu’il a mouillé dans les eaux togolaises. Sa présence inquiète. Il transporte une cargaison de riz impropre à la consommation.
Les tractations sont-elles en cours pour décharger le stock de riz douteux? Difficile de répondre par l’affirmative ou la négative. Le mystère demeure. Le 27 décembre dernier, la Ligue des consommateurs du Togo était devant la presse. L’association a attiré l’attention des autorités togolaises sur le bateau MV. Oceanprincess contenant 22.000 tonnes de riz de qualité douteuse qui a tenté de décharger sa marchandise en Guinée-Conakry. « Les services guinéens, après l’inspection, ont décelé des anomalies liées aux poids et à la qualité du riz birman, donc impropre à la consommation. Ceci a conduit les autorités guinéennes à prendre la mesure de non autorisation de débarquement », a souligné la LCT.
Ce refus a conduit le navire à mouiller sur la côte togolaise où il a trouvé une société (la LCT se garde pour le moment de révéler le nom de la société) comme preneur. Ce qui justifie la présence depuis une semaine du navire suspect sur les côtes togolaises. Et pourtant.
Depuis que la LCT a été mise en alerte par ses collègues de la Guinée, elle a fait diligence au ministère du Commerce et à la Direction de la protection des végétaux du ministère de l’Agriculture de l’Elevage et de la Pêche. Selon la ligue, les autorités en charge de ces deux secteurs ont promis de tout faire pour empêcher le navire de décharger. Mais MV. Oceanprincess est toujours en escale au Togo. « Le navire est toujours en attente », nous a confié Emmanuel Sogadji, président de la LCT joint hier au téléphone.
Cette présence risque de créer la psychose chez les consommateurs si les autorités échouent à tirer au clair cette situation. Déjà que selon les spécialistes de la filière riz, beaucoup de riz importé sont produits et stockés dans des conditions douteuses. « Ce sont des riz qui font parfois plus de dix ans dans les magasins avant de se retrouver dans les assiettes »,a indiqué le premier responsable de la LCT.
En 2011, une affaire de riz impropre à la consommation a défrayé la chronique au Togo. Selon l’hebdomadaire L’Indépendant Express N°177, un riz toxique serait débarqué au Port autonome de Lomé par la société Elysée Cotrane. « Le riz était couvert en sa surface par des produits de fumigation, un produit appelé fumitoxin, une matière hautement toxique qui était discrètement jetée sur les grains de riz », avait écrit le journal.
Mais Julie Beguedou, la patronne de la société incriminée s’est dite outrée par les révélations de la presse. « Je n’ai aucun intérêt à vouloir commercialiser un produit impropre à la consommation. Je ne peux pas importer du riz pour tuer la population. C’est un riz de meilleure qualité, car il est naturellement parfumé. A toute la population, je dis que le riz n’a aucun problème », s’était-elle défendue. Le Premier ministre d’alors Seleagodji Ahoomey-Zunu avait volé à son secours. Pour lui, ce sont des informations « totalement fausses et qui reposent sans doute sur des interprétations fantaisistes émanant de personnes non qualifiées ».
Ces sorties n’ont pas permis de dissiper les doutes. Même les résultats des tests effectués sur le riz. « Le produit qui a été utilisé était nécessaire pour protéger la marchandise contre l’humidité et les charançons. Et c’est le même produit qui est utilisé partout pour la conservation des céréales. Son usage dans ce stock n’a rien d’extraordinaire », avait déclaré Basimbako de la Direction de la protection des végétaux.
Mais il n’a pas rassuré puisque la patronne d’Elysée Cotrane est l’une des femmes les plus influentes de l’entourage du chef de l’Etat. Il y a toujours chez le consommateur togolais un risque qu’il encourt en achetant les produits importés. Souvent, c’est lors des périodes de fête que les opérateurs véreux déversent des produits avariés sur le marché, en profitant de la porosité des frontières et de la légèreté des contrôles douaniers. C’est encore le cas avec ce navire birman qui n’a pas trouvé preneur en Guinée-Conakry et qui, curieusement, est toujours dans les eaux togolaises.
« Puisque nous aimons le riz, produisons-en », dixit Edem Kodjo
Cette phrase de l’ancien Premier ministre Edem Kodjo lors d’une interview ne trouve pas encore de réponse favorable. Et pourtant elle s’appuie sur un fait. Au Togo, le riz est classé au deuxième rang des céréales les plus consommées. Mais il se heurte aux desiderata des lobbies qui font dans l’importation et tuent la production locale. Et pourtant le pays dispose d’importantes zones rizicoles qu’il suffit de mettre en valeur. Le riz de Kovié par exemple est très apprécié sur toute l’étendue du territoire. D’un parfum naturel, « Kovié môlou » est plus propre à la consommation que celui qui est importé d’Asie dont les conditions de production et de stockage sont douteuses.
« Il y a un autre navire qui a accosté et qui a déchargé du riz présenté comme un don pour l’Etat togolais. Mais on ne sait pas si c’est de qualité ou pas », nous a révélé Emmanuel Sogadji lorsque nous l’avons joint. En clair, en plus du navire Oceanprincess, un autre a mouillé dans les eaux togolaises et livré sa marchandise constituée en don à l’Etat togolais. Curieuse coïncidence. La présence de ces deux bateaux de riz viserait à renforcer l’idée selon laquelle le Togo est dépendant en riz. Une fausse dépendance sur laquelle les importateurs surfent pour inonder le marché des produits souvent impropres à la consommation.
Alors qu’il suffit de mettre en valeur les différents milieux rizicoles dont regorge le pays. Cherche-t-on à dissimuler le navire birman par la présence du second bateau rempli également de riz ? Pour le moment, rien ne permet de le dire; mais la LCT dit veiller et faire tout ce qui est en son pouvoir pour que le riz impropre à la consommation ne soit pas déversé sur le marché.
Source : L’Alternative
27Avril.com