Togo: comment Faure Gnassingbé instrumentalise Yawa Tségan au Parlement

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Le 7 août 2019, l’Assemblée Nationale a procédé à la modification de
la loi N° 2011-010 du 16 mai 2011 relative aux conditions de
manifestations publiques au Togo. Amendée en profondeur, la loi dite
«Loi Bodjona» fait donc place à un arsenal juridique qui rétrécie la
liberté de manifestation au Togo. Ce qui n’est pas sans conséquence sur
la démocratie togolaise déjà hémiplégique.

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Les paroles et actes !

«Lui, c’est lui. Moi c’est moi», disait Faure Gbassingbé en 2006,
annonçant ainsi les couleurs de son règne qu’il songeait radicalement
meilleur que celui de son feu père, avec tant de victimes et souvenirs
affreux.

Si l’héritier du 05 Février 2005, au travers de ses diverses
réformes, a relativement réussi à contenir la colère des togolais au
lendemain des événements malheureux de 2005, cela n’a visiblement été
qu’un effet d’annonce. Car, les paroles paraissent bien en déphasage
avec les actes. Les années qui auront suivi ont permis aux togolais de
découvrir une nature surprenante du Prince et de sa conception du
pouvoir. Un troisième mandat finissant qui n’aura pas assouvi l’appétit
de Faure qui déblaye le terrain en vue d’un quatrième mandat. Quit à
retoucher, de façon intéressée, les lois de la république en vue de
parvenir à l’objectif 2020 que certains analystes rallongent de dix (10)
ans supplémentaires.

L’Assemblée Nationale, l’outil de la forfaiture

Après donc les réformes constitutionnelles du 08 mai 2019 qui
annoncent clairement les intentions du fils à Eyadema, place au
rétrécissement de la loi régissant les manifestations publiques au Togo.
De tous les amendements apportés au texte, on retiendra que toute
manifestation publique n’aura désormais qu’un seul point de départ, une
seule itinéraire, un seul point de chute et ne pourra se tenir qu’entre
11heures et 18 heures. Aussi, toute manifestation publique est interdite
sur les routes nationales et devant les institutions de la République,
les représentations diplomatiques et consulaires et autres camps
militaires. «Qu’est-ce qui reste donc à ajouter pour que l’on n’en
conclut que les manifestations publiques sont désormais interdites au
Togo», se demande un activiste politique au sujet de cette loi qui a
tout d’une loi liberticide, dénonçant ainsi les agitations d’un
parlement aux ordres avec des députés nommés pour la forfaiture.

Lire aussi: Parlement: les basses manœuvres de Chantal Yawa Tsegan

Même si le gouvernement s’en défend par son souci de lutter contre
l’extrémisme violent et le terrorisme qui menacent toute la sous-région,
il n’en demeure pas moins vrai que cette démarche apporte de l’eau au
moulin des critiques qui voient en Faure Gbassingbé, un monarque qui
allie dictature et modernité. Car, une analyse bien objective de la
situation politique du pays, ces dernières années, prouvent à suffisance
que pour rien au monde, Faure ne veut se faire conter 2020.

Et pour ce faire, tous les moyens sont bons pour sauter le verrou de
cette échéance à ène inconnus. En témoignent les actes de la
Représentation Nationale que des observateurs ont vite dénommée une
Assemblée nationale de mission. Laquelle qui se tachera durant sa
législature de dérouler le tapis rouge pour son «champion» dans ses
ambitions. Et quelques mois seulement après sa mise en place, cette
institution aura confirmé tout le doute que l’on avait sur elle.
Malheureusement, c’est sans tenir compte des conséquences néfastes d’une
telle démarche régressive sur la démocratie déjà hémiplégique du pays.

Aux portillons des dictatures

En effet, la poursuite, dans une posture de légalité, de la
caporalisation suivie du verrouillage systématique des institutions et
lois de la République hisse au fil des jours le pays au rangs des pays à
la démocratie hypothéquée dans le monde. Désormais, l’on est tenté de
rapprocher la gouvernance politique du Togo à celle pratiquée dans les
plus grandes dictatures du monde, notamment en Corée du Nord, au
Turkménistan, à l’Ouzbékistan, au Kazakhstan ou au Tadjikistan. Des pays
considérés aujourd’hui comme les paradis de la dictature.

Dirigés par des leaders constamment réélus avec plus de 90% des voix
et qui ont gardé le culte de la personnalité issu de l’héritage
soviétique, ces pays, en plein essor économique, tout comme le prétend
le Togo à travers ses réformes politiques et économiques, demeurent des
régimes autoritaires, gouvernés par des autocrates qui ont placé leurs
proches aux postes clés du pouvoir. Il en est ainsi, outre le dirigeant
nord coréen Kim Jun Un, de Nursultan Nazarbaïev, président du Kazakhstan
et réélu avec 97,7% des suffrages en 2015. Sa fille Dinara Kulibaeva et
son gendre Timur Kulibaev sont propriétaires de la Halyk Bank, l’un des
plus grands établissements financiers du Kazakhstan. C’est aussi le cas
de la Biélorussie considérée comme la dernière dictature d’Europe où
l’ancien apparatchik du régime soviétique, Alexandre Loukachenko est à
la tête du pays depuis 1994, en ayant été réélu 4 fois avec près de 80%
des voix à chaque élection. Ce régime dictatorial s’est durci
progressivement, passant des espoirs démocratiques de l’indépendance en
1991 (à la chute de l’URSS), à une dictature s’inspirant du modèle
soviétique.

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En Afrique, elles sont une vingtaine de dictatures recensées avec 11
présidents africains à la tête de leur pays depuis plus de 15 ans, comme
Idriss Déby, président du Tchad depuis 27 ans, Denis Sassou-Nguesso, au
pouvoir depuis plus de 20 ans au Congo, ou encore Faure Gbassingbé du
Togo. D’entre tous, l’exemple du Tchad est assez révélateur des
dictatures africaines. Dès son accession au pouvoir, Idriss Déby
s’entoure des membres de son ethnie, les Zaghawa, et les place au sommet
de la hiérarchie militaire, ou à des postes importants. Afin de garder
un semblant de démocratie, des élections présidentielles ont lieu, en
1996, 2001, 2006, 2011, et 2016, donnant à chaque fois Déby gagnant avec
près de 60% des voix, dès le 1er tour. En matière économique, les
richesses naturelles du Tchad servent à assurer la pérennité de la
dictature. Ainsi, l’exploitation du pétrole tchadien, débuté en 2003, a
permis de financer non pas le développement du pays, mais plutôt l’armée
tchadienne.

Que dire de l’Erythrée? Moins connue et médiatisée que les autres
dictatures dans le monde, la dictature érythréenne est pourtant une des
plus violentes et sanglantes d’Afrique. Elle est dirigée d’une main de
fer par le président Issaias Afewerki (dirigeant du parti unique du
pays) depuis l’indépendance du pays il y a 24 ans.

Lire aussi: Nouveau gouvernement: farouche guerre entre « femmes » dans l’entourage de Faure Gnassingbé

En plus de ressembler point à point à ces pays dans la gouvernance
clanique, c’est triste de constater que Faure Gnassingbé à force de
toiletter en permanence les textes pour ses propres intérêts, loge le
Togo au sein du gota des nations où la dictature s’offre en mode de
gouvernance. Triste pour le Togo, pourtant prédestiné par nos aïeux,
l’Or l’Humanité.

Source : Fraternité

Source : Togoweb.net