Cohésion sociale, voilà l’incantation en date du régime; en tout cas une des conditions déclamées comme préalable à une lutte efficace contre le terrorisme. Cette vertu créerait une communion d’esprit favorable à ce combat partagé par tous, y compris les opposants. Mais le pouvoir est en train de vendanger des occasions en or…
Les actes terroristes subis par le Togo, au-delà des vies humaines qu’ils coûtent, ont subitement réveillé en les gouvernants togolais le sens de l’humilité (sic). Parmi les conditions identifiées comme indispensables à la réussite de la lutte contre l’hydre terrorisme, la nécessité de constituer un front uni. Une condition qui avantagerait ce combat légitime contre ces semeurs de morts qui n’épargnent personne. Des actes ont été engagés dans ce sens.
Cohésion sociale déclamée
Le ton a été donné le mercredi 20 juillet par Faure Gnassingbé himself, avec une rencontre à Dapaong avec les populations des Savanes, une dizaine de jours après le drame de Margba où sept (7) jeunes gens ont été tués par erreur. A l’occasion, il avait joué le père compatissant, consolateur et surtout protecteur de ses enfants. De très doux propos ont été échangés. A partir de là, les choses sont allées très vite. Le gouvernement a cru devoir rencontrer le 4 août dernier à la Primature les partis politiques afin de solliciter leur accompagnement.
« Les échanges avec les partis politiques nous ont également permis d’avoir leurs regards sur le phénomène, leurs propositions pour compléter les actions que le gouvernement a déjà commencé à mettre en œuvre et partager les réflexions sur la nécessité pour tous les acteurs politiques d’être unis et de faire un front commun face à l’agression inacceptable dont notre pays est victime. Tous les partis politiques togolais sont d’accord aujourd’hui d’agir d’un commun accord pour repousser l’agresseur hors des frontières du Togo et de faire en sorte qu’ils ne rentrent pas sur notre territoire national et que nos populations soient véritablement protégées», avait dardé Christian Trimua, le ministre en charge de Droits de l’homme, porte-parole du gouvernement.
« Nous saluons cette initiative du chef de l’État qui est un appel de la patrie. Une invite à un sursaut de patriotisme à se mettre ensemble parce que nous ne sommes pas à l’heure où les considérations politiques devraient prendre le dessus sur les intérêts nationaux. Nous devons nous retrouver dans une sorte de pacte patriotique afin de pouvoir mener ce combat et enrayer ce phénomène», a renchéri l’honorable Atchole Aklesso, Secrétaire exécutif de l’Union pour la Republique (Unir). « Tout ce qui serait de nature à pouvoir créer à tort ou à raison des sentiments de frustration, il faudrait ensemble du côté du gouvernement comme du côté de l’opposition que cela puisse être évité et les réflexions doivent se poursuivre», a indiqué de son côté le Prof Wolou Komi du Pacte socialiste pour le Renouveau (PSR). Les échanges se sont poursuivis avec les institutions.
Le bon sens voudrait que les gouvernants fassent profil bas, privilégient les mesures censées créer un apaisement des cœurs meurtris et donc la cohésion sociale tant clamée, l’union faisant la force. Mais ils sont en train de passer royalement à côté de la plaque.
Occasions vendangées
La rentrée scolaire ou plutôt la reprise des classes est effective depuis lundi sur toute l’étendue du territoire. Selon les statistiques officielles, ce sont environ trois millions d’élèves qui ont repris, trois mille trois cent cinquante-sept(3357) enseignants recrutés et trente-quatre mille (34 000) en tout qui vont s’occuper de cette masse. Mais parmi les apprenants, manquent à l’appel cinq (05) de la région des Savanes.
En effet, ces cinq élèves arrêtés depuis avril lors des mouvements de grève initiés par le Syndicat des enseignants du Togo (SET) et jetés en prison, y sont encore jusqu’à ce jour. Leur cas est dans toutes les bouches et les voix s’élèvent de plus en plus pour réclamer leur libération. Pour un régime qui crie à la cohésion sociale indispensable à la guerre contre le terrorisme, cela devrait couler de source. Si l’intention était de les punir et de facto adresser un message de dissuasion, la privation de liberté subie depuis bientôt six mois est largement suffisante. Au-delà d’une simple privation de liberté, ils ont aussi perdu une année scolaire. En rappelle, quatre(4) sont en classe de Terminale et un(01) en 3ème.
Un élargissement de ces enfants aura un grand retentissement. Et ce ne sont pas les appels dans ce sens qui manquent. Des leaders de partis politiques aux acteurs de la société civile et défenseurs des droits de l’Homme en passant par les journalistes, les voix se multiplient pour réclamer leur libération. Non seulement ces enfants recouvreraient la liberté, mais en plus ce serait la joie dans leurs familles. C’est toute la région des Savanes meurtrie par les actes terroristes qui serait contente. Cela boosterait énormément la cohésion sociale tant clamée A part les élèves, il y a les enseignants. Ils sont cent seize(116) à avoir été licenciés pour ces grèves et perdre leur boulot. Trois (3) des meneurs sont aussi en prison depuis bientôt six mois. Leur libération y contribuerait davantage.
Ces enfants et enseignants ne sont pas seuls en prison. Il y a une bonne centaine de compatriotes qui y sont aussi pour leurs militantisme ou opinions politiques. L’ancien ministre et chef de parti politique Djimon Ore, l’activiste Jean-Paul Oumolou, Mme Leila Nambea, Abdoul-Aziz Goma…ils y sont encore plein. La santé de plusieurs d’entre eux dont ce dernier est même menacée. Les intéressés, leurs familles ou les défenseurs des droits de l’Homme multiplient les appels à leur libération. Mais au sommet de l’Etat, on ne semble pas voir les choses ainsi. La tergiversation de Faure Gnassingbé et du régime renforce la conviction de chimère chez beaucoup d’observateurs.
On se rappelle qu’en conférence de presse le 10 août dernier, les Forces démocratiques pour la République (FDR) avaient émis des réserves sur la manière dont le problème est abordé. Me Dodji Apévon et les militants se demandaient «si nos gouvernants ont réellement pris conscience que le tissu social dans notre pays est en lambeaux et qu’il faudra engager des actions vigoureuses et courageuses pour le recoudre en vue d’une vraie cohésion». «La cohésion nationale ne se décrète pas. Ce n’est pas une question de slogans. Ce n’est pas non plus par une incantation qu’on la crée», avaient-ils relevé, déplorant que « la cohésion sociale n’est qu’un mirage (…) Le vivre-ensemble est foulé au pied par nos gouvernants».
Face donc à la gravité de la situation sécuritaire, le parti FDR proposait de «commencer par une décrispation du climat politique dans notre pays et s’attaquer ensuite courageusement à toutes les autres sources de frustrations politiques et sociales pour créer les conditions d’une vraie cohésion nationale», pour une décrispation du climat social. «Comment les mêmes gouvernants peuvent-ils logiquement feindre d’ignorer le grave climat de terreur qu’ils ont institué et déployé contre ceux qu’ils ont invités (…) pour leur parler de cohésion nationale ? », s’était demandé le parti, et de proposer «une loi d’amnistie pour permettre à tous les prisonniers venant des partis politiques, de la société civile et des syndicats de sortir de leur détention et à tous les exilés de rentrer au bercail». Manifestement, c’est illusoire de compter sur le pouvoir en place pour la cohésion sociale tant clamée.
Source : icilome.com