Par Maryse QUASHIE et Roger E. FOLIKOUE
Le 6 décembre 2021, s’est ouvert le Forum International de Dakar sur la Paix et la Sécurité en Afrique. Il faut d’entrée de jeu noter que ce forum dont on est à la septième édition est une initiative franco-sénégalaise. Cette initiative ne peut profiter qu’aux deux pays, ou plutôt aux deux chefs d’Etat, qui sont amis dit-on, et dont l’un, Macky SALL prendra la présidence tournante de l’Union Africaine et l’autre, Emmanuel MACRON, celle du Conseil de l’Europe, en 2022.
Pour l’heure nous n’avons pas encore les résultats de ce forum mais déjà on présente l’Afrique comme la terre des conflits tribaux, le continent où le terrorisme se répand comme une trainée de poudre, le champion des coups d’état, etc. on parlera des suites déstabilisantes de la pandémie du COVID-19, etc.
A propos de cette image, il y a une remarque à faire : ces derniers temps, dans la sous-région ouest-africaine, les pays où il y a le plus d’agitation sont, comme par hasard, les pays francophones. Pourquoi ? Cela n’aurait-il pas quelque chose à voir avec les choix politiques de l’ancienne métropole en concertation avec les actuels dirigeants? On parle de sentiments antifrançais, qui seraient injustifiés et attisés par des éléments isolés, peut-être conseillés par la Russie, la Turquie. Mais à bien y voir, ne s’agirait-il pas plutôt de sentiments anti armée française ? En effet ce qui s’est passé au Mali, puis au Burkina Faso, c’est le refus des populations de laisser passer des convois militaires français. Que craignent-elles ?
Peut-être faudrait-il que nous Togolais nous commencions à nous inquiéter. En effet, lorsque les troupes françaises basées en Afrique sont « redéployées », c’est rarement pour retourner en France. Elles sont relogées dans un autre pays d’Afrique. Ainsi désormais la Côte d’Ivoire a remplacé le Sénégal comme pays accueillant le plus de bases militaires françaises en Afrique de l’Ouest. Maintenant que les troupes françaises doivent quitter le Mali, on doit leur trouver un pays hôte accueillant. Il se trouve que brutalement on parle de terroristes au Bénin et au Togo. Cela invite les citoyens Togolais à beaucoup de vigilance.
On nous parle de la France comme pays de paix et son gouvernement triomphe parce qu’il a réussi à vendre 80 avions militaires, des Rafales, aux Emirats Arabes Unis, qui participent aux conflits qui déchirent le Moyen-Orient. Il parait que cette vente formidable créera des milliers d’emploi pour les Français. C’est certainement vrai, mais ces avions, en plus des armes que la France vend en tant que troisième exportateur d’armes derrière les Etats Unis et la Russie, devraient, peut-être, donner moins de fierté aux Français, lorsqu’on dit que cela correspond à une reconnaissance de l’expertise française. Il est vrai que ce n’est certainement rien en comparaison avec les groupes paramilitaires soutenus par la Russie comme Wagner, et puis de même que celui qui vend des boissons alcoolisées n’est pas responsable de l’alcoolisme, personne n’a obligé qui que ce soit à acheter des armes ! Alors, il n’y a peut-être pas de quoi avoir des états d’âme. Vendre des armes pour entretenir des guerres serait-il alors signe de paix, un critère de recherche de paix durable ?
Peut-être que vendre des armes n’est pas contraire au désir de voir la paix s’installer dans le monde. La preuve n’est-elle pas qu’au Rwanda en 1994, Turquoise était présentée comme une force de paix comme Barkhane, comme un moyen de ramener la paix au Mali ?
Mais, en définitive quels sont les signes qui indiquent qu’on est en face d’un pays de paix ? Les contes d’Afrique ont souvent réponse à tout. Nous en avons trouvé un qui fait l’affaire.
« Un jour, dans des temps où les hommes pouvaient rendre visite à Dieu, un groupe de femmes et d’hommes fatigués par les déchirures causées par les nombreux conflits qui secouaient leur contrée, décidèrent d’en recourir à Dieu pour changer de pays.
- Où voulez-vous aller ? leur demanda Dieu.
- Dans un pays de paix, pour y vivre en paix ! répondirent-ils.
- Voici ce que nous allons-faire : je vais vous présenter tous les pays du monde, et vous-mêmes allez choisir celui qui vous convient. Quand vous l’aurez trouvé, vous reviendrez me voir et je vous en montrerai le chemin.
Ils revinrent très rapidement et lui désignèrent un pays.
- Pourquoi ? leur demanda Dieu.
- Parce que ce pays est très silencieux ! On n’entend aucun bruit provenant de lui. – Je vais agrandir donc l’image.
Ils découvrirent avec surprise un pays recouvert d’une sphère transparente mais insonorisée très cher payée par ces dirigeants. Quel que soit ce qui s’y passait personne n’entendait parler de ce pays. De nombreux habitants de ce pays criaient parce qu’ils avaient faim, d’autres hurlaient parce qu’on les battait, les molestait, les tuait même à cause des cris. Personne à l’extérieur n’entendait rien, la sphère de silence était bien posée. D’ailleurs les gens ne criaient pas tant que ça, la peur paralysait leurs cordes vocales.
Notre groupe de personnes désireuses de migrer vers la paix repartit observer le monde. Le groupe revint encore à Dieu pour lui indiquer un autre pays. Et ils expliquèrent :
- Là on entend du bruit parce qu’il n’y a pas de sphère. Mais on voit les gens aller et venir, ils ne se disputent pas, pas de conflits entre les individus ni entre les groupes, chacun vaque tranquillement à ses occupations.
De nouveau, Dieu attira leur attention sur des détails qui leur avaient échappés : les personnes circulaient la mine renfrognée, il n’y avait aucune réjouissance dans le pays. Quand nos aspirants migrants demandèrent des explications, Dieu leur montra l’intérieur des demeures : on y discutait, parfois même avec violence. Dieu leur fit entendre les conversations : on disait beaucoup de mal les uns des autres.
- Pourquoi ?
- Chacun a décidé de ne pas se mêler de ce qui ne le regarde pas, de ne pas donner son avis sur ce que font les autres, surtout les puissants, de ne pas protester même s’ils ont raison. Ils pensaient qu’ainsi, ils se mettaient à l’abri des histoires. C’est entre eux à la maison qu’ils parlaient des diverses situations vécues. Ce qu’ils ont récolté c’est une grande méfiance entre eux, pas de joie d’être ensemble.
Notre groupe commença à se décourager car ils ne savaient plus comment faire pour trouver le havre de paix qu’ils souhaitaient habiter. Ils allèrent soumettre leur embarras à Dieu.
Qu’est-ce qu’un pays en paix et de paix ?
Voici la réponse de Dieu : Je vais vous faire une faveur. Je vais lever le voile sur un petit bout du futur. Les aspirants migrants furent horrifiés par ce qu’ils découvrirent. Dans le pays à la sphère, les habitants terrorisés se heurtèrent un jour au mur transparent qui entourait leur pays. Ils se retournèrent alors, dos au mur. Ils étaient face à leurs tortionnaires. La violence se déchaîna : une guerre fratricide sanglante. La violence fut telle qu’elle fit exploser la sphère de verre.
Dans le pays de l’indifférence et de la méfiance, un jour quelqu’un à qui on avait marché sur les pieds répondit avec une extrême violence, alors celle-ci se développa à une vitesse inimaginable : toutes les rancœurs accumulées et exprimées seulement à l’intérieur des maisons avant, sortirent et on vit que tout le monde en voulait au fond à l’autre. Il fallut beaucoup de temps pour vider tous les contentieux.
La conclusion est celle-ci : ni le silence imposé par la force ni l’indifférence, ne sont sources de paix. La paix rime avec la liberté et la justice, la paix exige amour et confiance.
- Qu’allons- nous faire maintenant ? reprirent les aspirants à la migration.
- Vous venez d’apprendre avec quels matériaux la paix se construit. Retournez chez vous et mettez-vous au travail »
Ces migrants, qui finalement ne quittèrent pas leur pays, pourraient, peut-être, apprendre aux responsables Français comment trouver un pays où ils apporteront la paix en la construisant avec les habitants de ce pays.
Lomé, le 10 décembre 2021
Source : icilome.com