Togo / Chine : Xi Jinping, le Nouveau Messie de Faure Gnassingbé

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« Jamais ils [les amis] ne cèdent à la tentation de jugements péremptoires ou de critiques hâtives», dixit Faure envers l’Occident

Togo / Chine : Xi Jinping, le Nouveau Messie de Faure Gnassingbé

« Dis-moi qui tu aimes, je te dirai qui tu es ». A l’ouverture du Forum sur la coopération sino-africaine, les dirigeants africains en butte avec les principes démocratiques dans leurs pays respectifs se sont retrouvés dans les propos du président Xi Jinping. Hier, Faure Gnassingbé a saisi la balle au vol et égratigné l’Occident. « En effet, s’il est certain que l’Afrique ne se développera pas sans la Chine et son savoir-faire, il est tout aussi vrai que la Chine, de son côté, a besoin de l’Afrique pour continuer à prospérer », dixit Faure Gnassingbé. Mais sans avoir répondu à la question posée dans notre parution d’hier.

« Une promesse de 60 milliards de dollars d’investissement contre quoi ? », telle était la titraille dans la parution N°2747 d’hier mardi 4 septembre. Parce que les dirigeants africains dont Faure Gnassingbé mettent en avant les investissements chinois –au prix de quelles souffrances pour les populations ?- sans jamais dire en des termes clairs et concis ce que le continent donne en contrepartie de cette « largesse ».

24 heures après les propos de Xi Jinping précisant que « les investissements chinois en Afrique viennent sans aucune condition politique. La Chine ne s’immisce pas dans les affaires intérieures de l’Afrique et ne lui impose pas sa volonté », Faure Gnassingbé, au moment de prononcer son discours, s’est confondu en défenseur des mots du président chinois.

A l’entendre, c’est à croire qu’avant la Chine, les Etats africains n’avaient jamais eu l’occasion de se développer et que ce serait par la coopération avec l’Empire du Milieu que cette possibilité deviendrait une réalité. Une insulte dont Faure Gnassingbé se serait bien passé. « Les liens qui unissent l’Afrique et la Chine sont pérennes, car ils se nourrissent de la sève vivifiante de l’amitié que nous avons choisi de partager, de cultiver et d’assumer au regard de tous. C’est le propre de l’amitié de n’avoir d’autre justification que le choix assumé des amis de cheminer ensemble ».

Par rapport à la crise qui sévit au Togo, il a également profité de la tribune pour faire la leçon à l’Occident.« Les amis s’enrichissent de leurs différences. Ils se soutiennent en toutes choses. Jamais ils ne cèdent à la tentation de jugements péremptoires ou de critiques hâtives. Les amis agissent l’un envers l’autre avec fidélité et loyauté. Oui, l’Afrique et la Chine sont des amis et des partenaires, adeptes d’un multilatéralisme éclairé et constructif », s’est-il fendu. Et, comme un pied de nez à l’Occident, Faure Gnassingbé enfonce le clou : « Car, qu’on le veuille ou non, la Chine et l’Afrique auront des destins liés au 21ème siècle ».

C’est à croire que le fils du père attendait que le président chinois sorte ces propos. Il a suffi que la veille, Xi Jinping dise ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de l’Afrique,[du moment que les portes des ressources et des terres africaines seront garanties aux Chinois], peu importeront les valeurs démocratiques et autres, pour que Faure Gnassingbé se confonde en flagornerie, allant jusqu’à oublier que l’histoire est têtue.Car une lecture plus relevée de l’histoire dévoile qu’au final, la Chine de Xi Jinpingn’est pas meilleure ni pire que l’Occident en général et la France de Sarkozy ou de Macron.

Lorsque Nicolas Sarkory avait déclaré publiquement : « la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts », ce fut un tollé général à travers le continent. Mais entre ces propos et ceux du dirigeant chinois lundi dernier qui précise que les investissements chinois en Afrique viennent sans aucune condition politique et quela Chine ne s’immisce pas dans les affaires intérieures de l’Afrique et ne lui impose pas sa volonté, lequel serait le moindre mal ? On a vite fait d’oublier les programmes d’allègement de la dette de bien des pays à travers l’Initiative pour les Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE). Une mauvaise gestion de cette période a vite fait rebondir la dette. Quelle garantie de non répétition avec les prêts chinois à outrance ? Le Togo gagnerait à faire une situation précise de l’endettement du pays envers la Chine. De même que tous les pays dont les dirigeants veulent noyer la situation économique de leur pays dans ce partenariat « gagnant-gagnant ».

Plans de coopération gagnant-gagnant, selon Faure Gnassingbé. Soit. « À titre d’illustration, le volume des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique a été multiplié par 17 entre 2000 et 2017. Et plusieurs grands projets d’infrastructures sont également là pour attester de l’implication de la Chine dans la stimulation du développement économique et social sur notre continent », argue-t-il. Mais chose curieuse, la balance commerciale entre la Chine et l’Afrique est en permanence déficitaire pour le continent qui est toujours « envahi » par les produits « Made in China ». Lorsque des projets d’infrastrutures doivent être financés par les investissements chinois, ce sont des experts chinois qui les exécutent. Que ce soit les prêts ou les dons, dans la plupart des cas. La Chine est un pays-continent qui a besoin de terres cultivables pour nourrir sa population. Tout comme ses industries ont besoin de matières premières pour tourner. L’idéal aurait été que l’exercice aille jusqu’au bout et que Faure Gnassingbé détaille la part de l’Afrique et celle de la Chine dans cette croissance exponentielle des échanges commerciaux.

La Chine est en position de force, du fait de ses immences réserves de devises qui lui permettent presque tout. Les populations regardent et apprennent les investissements chinois, sans jamais savoir ce que les Etats africains « donnent en retour ». Car, ce serait une énormité que de penser que c’est par magnanimité débordante que l’Empire du Milieu fait la cour à l’Afrique. Tout sauf ça.

Abbé Faria

Source : Liberté No.2748 du 05 septembre 2018

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